- C1
- Gr. A
- Bruges-PSG
PSG : Keylor Navas, la concurrence encore
On pensait qu'il avait suffisamment prouvé pour être intouchable à Paris. Mais cet été, le PSG est allé chercher Gianluigi Donnarumma et a mis Keylor Navas dos au mur. Après avoir vécu une concurrence similaire au Real Madrid, le Costaricain de 34 ans est-il condamné ? Son histoire personnelle laisse à penser qu'il ne faut pas l'enterrer tout de suite...
Le 16 juin, une story Instagram énigmatique de Keylor Navas plombe l’ambiance : « Offre ton absence à celui qui ne valorise pas ta présence. » Le Costaricain a alors récemment prolongé son contrat au PSG jusqu’en 2024, mais la probable future signature de Gianluigi Donnarumma porte un message implicite : pour les décideurs parisiens, l’avenir s’écrit avec l’international italien. Depuis, Keylor Navas est revenu à ses fondamentaux sur les réseaux sociaux : une photo de lui en plein effort physique, abdos saillants, le 7 juillet, une autre très pro et corpo le 14 août pour marquer le coup d’une première victoire au Parc en Ligue 1… Mais dans le club de la capitale comme autour, personne n’est dupe : la présence de deux monstres au poste de gardien de but est autant un privilège pour Mauricio Pochettino qu’un nid à emmerdes. Gigio comme Keylor clament officiellement apprécier cette concurrence saine, leur entraîneur argentin adopte la posture de l’équilibriste : prêt à décider la veille de chaque match, comme il le fait avec n’importe quel joueur de champ. Poker menteur, pour la quasi-totalité des observateurs, entre Keylor Navas l’ancien et Gianluigi Donnarumma le jeune, ce sera comme dans la saga cinéma Highlander. Il ne pourra en rester qu’un. Et pour des raisons d’état civil, le consultant Prime Video Thierry Henry met une pièce sur l’Italien. « Le coach va commencer à transpirer, car il y aura des décisions à prendre. À un moment donné, vu l’âge, Donnarumma va s’imposer, même si Navas s’est bien débrouillé. » À moins que…
Thibaut Courtois dans le rétro
Trois ans en arrière, Keylor Navas a déjà vécu la même situation, ou presque : des saisons de bonhomme comme titulaire au Real Madrid, mais l’arrivée d’un concurrent bankableet clinquant, une « opportunité du marché » qui tient plus d’une décision du président que du coach. À l’été 2018, c’est Thibaut Courtois, un an de contrat à Chelsea, qui débarque chez les Merengues contre un chèque de 35 millions d’euros, une broutille pour le meilleur gardien du Mondial russe. Zinédine Zidane, le coach avec qui il a gagné trois Ligues des champions d’affilée, n’est plus là, alors Navas est rapidement invité à poser ses fesses sur le banc, au profit du Belge. Avant de redevenir le numéro un en mars, alors que la Maison-Blanche a largué deux techniciens – Lopetegui et Solari – et rapatrié Zizou. Une interview de Thierry Courtois, père de, dans La Dernière Heure à l’automne 2020 permet de comprendre que le duel des titans a fait plus de dégâts chez son fils. « Il y avait une compétition interne difficile à vivre, et aussi externe avec les journalistes qui prenaient plus partie pour Keylor. Une fois qu’il est parti au PSG, ça a soulagé Thibaut. » Pour rassurer son portier belge, Florentino Pérez se résout à brader le Tico à l’été 2019, direction Paris. Un gardien qui a poussé vers la sortie l’emblématique Iker Casillas – rupture de contrat à l’été 2015-, que le Real Madrid a tenté d’échanger avec David de Gea en août 2015 et auquel la Maison-Blanche n’a donc jamais vraiment donné sa considération malgré les trois consécrations européennes de rang quand le Costaricain était dans ses bois.
Dieu, naissance difficile et matchs truqués
Il y a quelques mois, dans le magazine officiel du PSG, Navas indiquait ressentir « plus d’affection au PSG qu’au Real Madrid ». Il a peut être revu son jugement ces dernières semaines, mais si on regarde dans le rétroviseur de sa carrière, voire de toute sa vie, on peut se demander qui a le plus à craindre de l’actuelle indécision à Paris. Donnarumma ? Trois saisons, c’est long si l’Italien ne déboulonne pas son concurrent. Le PSG ? C’est avec le gardien costaricain que le club a vécu ses deux meilleurs parcours européens sous QSI, quand c’est avec le même homme que le Real Madrid a remporté ses trois dernières C1. À Paris plus qu’à Madrid, c’est Navas qui a mis tout le monde d’accord, notamment dans des matchs clés sur la scène européenne, et mis fin aux éternels débats sur le poste de gardien de but.
Quant à Navas himself, son histoire personnelle donne à penser que la présence de Donnarumma peut au pire l’irriter, mais n’arrivera jamais à le démoraliser. L’histoire du Costaricain est une succession de difficultés et frustrations : il aurait pu mourir à la naissance à cause de la présence de liquide amniotique dans ses bronches. Même pas mal. Ses parents le confient à ses grands-parents à 4 ans, pour partir travailler aux États-Unis, sans lui. Il a à peine pleuré. À 12 ans, il est jugé trop petit pour être gardien au Municipal Pérez-Zeledon. Aujourd’hui, le stade du club porte son nom. Levante le laisse sur la touche pendant deux saisons, avant que le titulaire Gustavo Munua soit englué dans un scandale de matchs truqués, Keylor Navas embraye sa première saison pleine en Liga avec 14 clean sheets et 4 penaltys arrêtés. Simple échauffement avant un Mondial 2014 de patron avec le Costa Rica, juste avant son transfert à Madrid. Comment fait-il pour encaisser tout cela, depuis si longtemps, avec une reconnaissance finalement minimaliste au regard de ses performances ? « Son pilier fondamental, c’est sa foi », expliquait Gabelo Conejo, entraîneur des gardiens du Costa Rica, dans un portrait publié par Le Temps puis Le Monde. Si Dieu est de son côté, c’est Donnarumma qui va suer à grosses gouttes…
Nicolas Jucha