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Marco Reus : mythe fait, bien fait
Au moment d’affronter le PSG, le Borussia Dortmund aura un léger avantage sur la route de Wembley après sa victoire à l’aller. Pour Marco Reus, la rencontre relèvera une importance capitale, puisqu’une qualification lui offrirait sa toute dernière chance de remporter un titre majeur avec son club de toujours et qu’il quittera en fin de la saison.
Toutes celles et ceux qui ont déjà assisté une fois à un match au Westfalenstadion vous le diront : on ressort généralement bouleversé par cette expérience visuelle et auditive, et ce, peu importe l’affiche. Lors de la victoire du Borussia Dortmund face au Paris Saint-Germain en demi-finales allers de la Ligue des champions, nombre d’observateurs sur place parlaient d’une ambiance légendaire et d’un public qui avait parfaitement rempli son rôle de 12e homme pour faire flancher les hommes de Luis Enrique. Mais quelques jours plus tard, lors de la réception d’Augsbourg, loin d’être l’adversaire le plus sexy de la saison, les décibels envoyés par la Südtribüne et ses petites frangines avaient de quoi filer la chair de poule. Après avoir écrasé les malheureux Bavarois (5-1), les joueurs du BvB ont été célébrés comme il se doit pendant de longues et bruyantes minutes. Surtout un en particulier : Marco Reus, 34 ans, dont les deux tiers passés à porter les couleurs jaune et noir et qui, la veille du match, annonçait qu’il ne renouvellerait pas son contrat à la fin de la saison. La fin d’un long roman, celle d’un mythe aussi. Un mythe à sa façon.
Eine Botschaft von Marco Reus. pic.twitter.com/9RAdvocK0q
— Borussia Dortmund (@BVB) May 3, 2024
Fidélité et trahisons
Face à Augsbourg, Marco Reus, auteur d’un but et de deux passes décisives, a donc commencé sa tournée d’adieu. « Je suis heureux que les choses soient claires et que nous puissions nous concentrer pleinement sur les derniers matchs très importants qu’il nous reste à jouer », avait prévenu dans son communiqué celui qui s’apprête à vivre « une nouvelle aventure » dès la saison prochaine, sans avoir pour autant laissé transparaître une idée de sa future destination. Il reste donc trois rencontres – quatre en cas de qualification en finale de C1 – pour que le public schwarzgelb s’habitue doucement à l’idée que le natif de Dortmund va tirer sa révérence après 10 ans de bons et loyaux services en équipes de jeunes et 12 chez les pros. Hormis deux parenthèses à Ahlen et Mönchengladbach, Marco Reus incarne un concept qui a quasiment disparu au sein du football moderne : celui de la fidélité à toute épreuve, qui plus est sans bouger de son Heimat, son chez lui. Difficile de lui trouver un équivalent en Allemagne, sauf peut-être Thomas Müller au Bayern Munich, ce qui situe le niveau. « Quand on voit comment Marco a joué et comment il a été acclamé, cela prouve une fois de plus l’importance qu’il a pour ce club. Il est l’un des plus grands joueurs que le BvB ait jamais produit », s’émouvait le nouveau directeur du Borussia Sebastian Kehl (qui a évolué trois saisons avec Reus) après le match contre Augsbourg. De quoi lui conférer le statut tant convoité de « légende » ? La question mérite d’être posée, mais la réponse ne coule pas forcément de source.
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En effet, si l’engagement de Marco Reus envers le club de sa ville n’est pas à discuter, le bilan qui en résulte est quelque peu famélique : deux Coupes d’Allemagne (2017, 2021) et trois Supercoupes (2013, 2014, 2019). Niveau championnat, le blondinet – arrivé l’été suivant le dernier titre de champion de son BvB – est un Vizekusen à lui tout seul : entre 2012 et 2023, lui et ses camarades ont terminé sept fois dauphins du Bayern, le dernier exercice étant l’illustration parfaite du rôle de chat noir qui lui colle à la peau, à l’image des blessures à répétition qui l’ont empêché de dépasser les 48 sélections avec l’Allemagne et la possibilité de disputer un tournoi majeur. Dès lors, en partant du postulat que la légende se glane par les titres, Marco Reus ne serait rien de plus qu’une légende locale, au même titre que Torsten Mattuschka à l’Union Berlin ou Johannes Reichert au SSV Ulm, qui vient de retrouver la 2. Bundesliga, plus de vingt ans après l’avoir quittée.
Sauf qu’à la différence de ces deux Fußballgötter, l’aura de Reus touche une audience légèrement plus vaste, comprenez qui dépasse les frontières de son club. Le grand public le connaît et – surtout – le reconnaît comme un joueur de premier plan de la décennie écoulée qui, malgré les trahisons de son corps, compte 425 matchs disputés avec Dortmund et 170 buts, dont 118 en Bundesliga. Seuls Manfred Burgsmüller (135) et Michael Zorc (131) ont fait mieux que lui en championnat avec le BvB. Et même si leur palmarès n’est pas le même, il suffit de poser la question aux concernés : les supporters eux-mêmes. Et il y a fort à parier que ceux-ci répondront que pour devenir une légende, il faut regarder plus loin que la ligne du palmarès.
Monsieur « Was Wäre Wenn »
Pourtant, il n’empêche que Marco Reus cristallise pas mal de regrets chez les amoureux du foot en général et de son jeu en particulier. En allemand, l’expression « et si ? » peut se traduire par « was wäre, wenn? » et elle colle bien pour imaginer ce qu’aurait été la carrière de Marco Reus dans un monde parallèle. Et si son corps ne lui avait pas si souvent fait défaut ? Et si, plutôt que de rester à Dortmund, il avait accepté un transfert au Bayern, en Premier League ou au FC Barcelone ? Et s’il n’avait pas perdu la finale de la C1 2012-2013 ? Et si Dortmund n’avait pas sabordé un titre de champion d’Allemagne qui lui tendait les bras dix ans plus tard ? De quoi se souviendrait-on aujourd’hui en prononçant le nom de Marco Reus ? Peu importe, car une chose est sûre : on ne peut pas réécrire le passé. En revanche, on peut écrire l’avenir. Et pour le numéro 11 le plus célèbre d’Allemagne, cela passe d’abord par une victoire contre le PSG ce mardi, avant de tenter de prendre sa revanche sur la finale de 2013, perdue face au Rekordmeister. Paris est prévenu, il faudra donc lutter avec acharnement contre un Marco Reus qui a prévu de s’empiffrer de gâteau à Wembley le 1er juin, jour où ce mort de faim soufflera sa 35e bougie.
Par Julien Duez