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PSG-Chirac : la drôle de rencontre

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes
PSG-Chirac : la drôle de rencontre

Jacques Chirac fut d’abord le maire emblématique de Paris. Le premier élu, en 1977, depuis Jules Ferry et la mise sous tutelle d’une capitale trop rebelle. Entre-temps, s’embourgeoisant déjà, la ville lumière offre à la droite gaulliste un important et imposant bastion, d'où son leader ira conquérir l'Élysée. Au même moment, un nouveau club, le PSG, s’y fonde dans la douleur. La rencontre entre les deux destins, pourtant si similaires quelque part, ne s’avérera pas si aisée et surtout, à l’image du personnage et de son faible penchant pour le foot, très opportuniste.

Il faut se replacer dans le contexte. À la fin des années 1970, le foot français se rêve en vert, dans une ville ouvrière et parfois rouge, ou du coté des bords, très catholiques et conservateurs, de la Loire, à Nantes. Paris est depuis longtemps devenue la province du foot hexagonal. Surtout, Jacques Chirac, premier édile, regarde avec beaucoup d’incrédulité la naissance de ce PSG, notamment en matière de conséquences sur les finances publiques (les largesses seront surtout réservées pour les comptes du RPR). Les municipalités sont à l’époque de grandes et indispensables pourvoyeuses de subventions, y compris chez les pros, qui ne peuvent guère compter alors sur les droits TV.

« Oui, mais Bravo à qui ? »

Or, d’une part le nouveau big boss de l’hôtel de ville ne comprend rien au ballon rond, et de l’autre, il ne voit pas l’utilité pour lui de se lancer dans une telle aventure quand il doit d’abord assurer son siège de maire et donner corps à ses rêves de grandeur nationale. C’est la réalité du terrain, et l’évolution d’une société en voie de footballisation, qui le feront changer d’avis. Son intuition sociologique – sa principale qualité – aura toujours fondé, en dépit de ses inclinaisons personnelles, son parcours et ses décisions politiques. Les succès progressifs du club, par exemple son titre de champion en 1986 dans un Parc des Princes qui commence à se remplir, l’amènent à regarder autrement le sujet et le ballon rond. Certes, il ne comprend guère les supporters, notamment du côté du Kop de Boulogne. Point de détail, un ancien de cette tribune, qu’il avait certes abandonné depuis longtemps, Maxime Brunerie, tentera de le tuer par dépit amoureux au sein de son milieu militant d’extrême droite.

Pour en revenir à la grande histoire, voir triompher en 1982 et 1983 les couleurs de son Paris devant un François Mitterrand, à jamais son meilleur ennemi, assis à côté de lui, devant le trophée de la Coupe de France, n’aura pas été un petit plaisir pour ce brave Jacquot, bien qu’il n’en ait sûrement pris aucun devant le spectacle des dribbles de Safet Sušić. Bien plus tard, Michel Denisot aimait raconter que lorsqu’il demanda « qui a marqué » , répondant « Bravo » , le grand amateur de sumo aurait rétorqué « oui, mais Bravo à qui ? »

« Je ne continuerai pas à payer n’importe qui pour faire n’importe quoi »

Finalement, ce fut de manière assez classique, pour un élu de la République, que Jacques Chirac intervint au moins, ou du moins essaya, dans la vie du PSG. La première fois en 1978 quand, dans les années incertaines de ses débuts, l’idée d’une fusion des diverses « enseignes » de la capitale continuait d’animer et d’échauffer les esprits. Fatigué des problèmes de gestion du Parc et sans compter les rumeurs grandissantes de caisses noires qui vont faire chuter Daniel Hechter (certes pas de quoi échauder sur le fond le bonhomme), Jacques Chirac commença à y mettre son nez. Jean-Michel Larqué, alors de l’aventure PSG, raconta que le maire avait envoyé un tout jeune Alain Juppé en discuter les termes. De fait, Jacques Chirac met dans la balance sa seule arme – et pas des moindres -, l’argent : « La ville ne lésinerait pas sur les moyens, à condition qu’il n’y ait qu’une seule grande équipe à Paris. J’ai prévenu que je ne continuerai pas à payer n’importe qui pour faire n’importe quoi, n’importe comment. » Toutefois, la société d’économie mixte entre la ville, le PFC, le Racing et Europe 1 sous l’égide de Jean-Luc Lagardère fera psssccchiiittt. Le PFC descend en D2. Le PSG survit sur les décombres. Jacques Chirac en fait son deuil et passe à autre chose.

Deuxième temps. Le PSG est à racheter en 1991. Canal+ est sur les rangs. Dans le même temps, Berlusconi via Charles Pasqua fait savoir son intérêt et promet même du grand avec la venue de stars importées d’Italie, alors l’un des plus beaux championnats européens. Sauf que c’est par l’intermédiaire de Bernard Brochand, en missi dominici du maire, que Canal+ entre finalement dans le capital et entame une nouvelle ère pour le club. Jacques Chirac, soulagé de voir la désormais vitrine de la capitale avec un acteur économique français, même si soupçonné de proximité avec les socialistes, peut dormir tranquille. Car, pour le reste, il a déjà la tête ailleurs. La suite est connue. Elle se terminera avec un baiser sur la tête du Monégasque Barthez, pendant que Bernard Lama, second gardien des Bleus, n’est pas sur la photo. Savait-il seulement qu’il était là et pour qui il jouait ?

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