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PSG-Chelsea : on va enfin savoir
Ce soir au Parc des Princes (20h45), les champions de France reçoivent les Blues de José Mourinho dans un quart de finale qui devrait être plus dur, dans tous les sens du terme, que celui de l’an passé face au Barça. C’est là qu’on va savoir si Paris a vraiment franchi un palier.
Voilà, nous y sommes. Ou plutôt ils y sont. Mais le PSG est devenu un tel phénomène d’attraction, dans un football français de clubs ravagé, que l’on a, nous aussi, envie de savoir. Savoir si Paris a enfin le niveau européen. Oh, pas celui qui vous fait sortir des poules pour atteindre les quarts. Non, le vrai niveau européen : celui d’un vainqueur potentiel de la Ligue des champions. Et pour cela, le champion de France est face au premier véritable test de son histoire qatarie. Barcelone l’an passé ? Non non, rien à voir. L’année dernière, Messi and co, c’était une récompense en soi, un match de gala où Carlo Ancelotti avait même aligné un Beckham lessivé pour que le casting soit parfait. Mais ce n’était pas un vrai match. Trop contents d’être là, les Parisiens n’avaient pas su quoi faire quand ils s’étaient aperçus que, crénom, les Catalans, en fait, n’avaient plus grand-chose dans la godasse. Cette fois, ce n’est pas avec les yeux écarquillés d’admiration que Paris s’apprête à recevoir Chelsea. Conscient que les Blues sont peut-être plus dangereux que les Blaugrana du printemps dernier. Conscient aussi que les hommes de Laurent Blanc aussi sont probablement plus forts que l’an passé. La preuve : une élimination face à ces Londoniens pourtant doubles vainqueurs européens sortants serait vécue comme un échec. Un signe de progression, ça, définitivement. Paris ne veut plus être le puceau déjà bien content d’être accepté en boîte ; désormais, il veut ambiancer lui-même les soirées européennes.
Ibra, fort avec les faibles, faible avec les forts ?
Car il y a cette dynamique collective traduite par un jeu franchement séduisant cette saison. Paris a souvent régalé et il faut y voir autant la patte de Laurent Blanc que la progression naturelle d’une équipe qui a un an de plus et les certitudes nouvelles d’un groupe enfin sacré. Celle aussi d’un milieu de terrain d’une rare maîtrise et d’une complémentarité absolue. Au fond, la meilleure recrue parisienne de la saison s’appelle Thiago Motta. Si le PSG peut dérouler un tel jeu de possession, c’est bien parce qu’il peut compter sur son maître à jouer italo-brésilien enfin capable d’enchaîner les semaines sans se blesser, ce Motta valide qui a tant manqué à Ancelotti l’an passé (pas pour rien que la priorité de Don Carlo à Madrid était de récupérer Xabi Alonso de l’infirmerie). Et puis il y a cette attaque qui fait fantasmer Chelsea lui-même. Les Blues qui devront faire avec le fantôme de Torres, faute de Samuel Eto’o touché aux ischios (ou victime de rhumatismes, on ne sait trop). Ouais, Ibrahimović et Cavani ensemble, avec Lavezzi pour cavaler dans tous les sens, qui dit mieux ? Pas beaucoup de clubs en Europe. Mais une fois déclinés les atouts parisiens, il y a comme un doute, malgré tout. Parce que les quelques fois où Paris s’est fait rentrer dans le buffet, le fameux entrejeu parisien n’a pas toujours su hausser le rythme, comme à Saint-Étienne ou face à Lille. Autant dire du pipi de chaton comparé aux Blues. Et puis parce que Zlatan a souvent rapetissé dans les derniers tours de Champions’, lui qui est pourtant si grand par ailleurs, au point que l’on finirait par se demander : alors Ibra, fort avec les faibles, mais faible avec les forts ? On n’ose y croire, mais les Anglais, eux, se fichent comme de leur dernière pinte des arabesques scandinaves face à des nobodies et demandent encore à voir. C’est donc ce soir qu’on attend le géant suédois. Pas contre Bastia, Nantes et autres médiocres résignés à l’avance. Et autant être clair, ce ne sera pas du tout le même topo face à John Terry et son gang…
Mourinho, l’anti Laurent Blanc
C’est que Zlatan et ses potes vont affronter un drôle d’animal de compétition. À l’heure où la mode est à la possession de balle, Chelsea rappelle souvent brutalement qu’au plus haut niveau, la clé reste le jeu de transition. C’est-à-dire le passage entre la récupération du ballon et la projection vers l’avant. Arsenal et Manchester City, spécialistes des passes redoublées, se sont fait méchamment bifler en Premier League par ces Blues si compacts en phase défensive et si explosifs une fois la gonfle ratissée. Évidemment, vu de France, on guettera avec inquiétude les percussions d’Eden Hazard sur son flanc gauche où défendra Christophe Jallet. Et ce simple énoncé situe l’ampleur du problème parisien. Mais ne surtout pas croire que les Anglais n’auront que l’ancien Lorientais dans le viseur. Motta et Verratti peuvent s’attendre à un pressing intense et la présence de David Luiz devant la défense devrait servir de comité d’accueil à Ibra quand celui-ci aura envie de dézoner. Si on recense sommairement les quelques pièges qui attendent probablement les Parisiens, c’est parce que jouer les Blues, c’est aussi affronter qui vous savez. Ben oui, on ne va pas se mentir, la vraie attraction de Chelsea reste l’impayable José Mourinho. L’anti-Laurent Blanc d’une certaine façon. Une carrière de joueur minable et une façon d’envisager le métier d’entraîneur très loin des exigences esthétiques du champion du monde 98. Car si Blanc se définit avant tout par des principes de jeu, le « Mou » , lui, est un formidable tacticien jamais en retard d’un bon coup. Surtout dans cette compétition où il n’a jamais perdu en quarts en sept participations. On n’est pas certain que l’homme de Setúbal soit vraiment le meilleur entraîneur de la planète, mais on est à peu près sûr qu’il est le meilleur de la Ligue des champions et qu’il rêve de la gagner une troisième fois avec trois clubs différents. Oui, au fond, ce Chelsea est une équipe de warriors revenus de tout, régénérés par de jeunes tireurs d’élite, le tout guidé par un putain de chef de guerre.
Un choix cornélien
Reste donc aux Parisiens à bien gérer cette première manche. L’idée ? Avant tout, ne surtout pas hypothéquer ses chances en encaissant un but en cas de nul ou même de courte victoire. Ensuite, essayer d’en planter au moins un petit dans la musette de Petr Čech. Ça, c’est pour l’aspect comptable qui n’est jamais qu’une conséquence de ce que l’on a fait. Alors comment faire ? C’est un dilemme que va devoir gérer Blanc : rester fidèle à son propre jeu tout en tenant compte de celui de l’adversaire. L’ancien mentor de Bordeaux l’a dit : pas question d’abandonner les principes de l’équipe. C’est aussi ce qu’a fait Arsenal récemment face à ces mêmes Blues avec la raclée que l’on sait. Alors Arsène, un p’tit conseil ? « Le PSG aura à choisir entre « nous on est prudents », ou accepter de faire le jeu, et prendre le risque de se faire contre-attaquer. C’est un choix qu’il faut faire au départ, mais en sachant quand même qu’en C1, on est incité à ne pas attaquer à domicile, mais à l’extérieur, à cause du poids du but à l’extérieur qui est devenu à mon avis trop important. Tous les buts que tu encaisses chez toi sont pratiquement mortels. Donc tu as tendance à être prudent à domicile, et audacieux à l’extérieur. » Parole d’un entraîneur humilié par Mourinho pour sa 1000e sur le banc des Gunners. Oui, après le quart festif de l’an passé, c’est un combat qui attend cette fois les Parisiens. Un vrai match de Coupe d’Europe, avec ses coups d’éclat, ses coups de Trafalgar, ses coups tout court probablement. Autant d’ingrédients à mettre pour battre ce Chelsea qui fait office de maître-étalon européen. Éliminer ce club, en piste pour sa septième demi-finale de Champions’ en dix ans, ferait entrer Paris dans la cour des « vrais » grands d’Europe. Ce n’est pas trop tôt dans sa construction. Reste à savoir si c’est l’heure. On a hâte, nous aussi, de savoir.
Par Dave Appadoo