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Tenas, més que une doublure
Pour sa première apparition chez les pros face au Havre après l’expulsion de Gianluigi Donnarumma, Arnau Tenas a bluffé les supporters du PSG. Une prestation qui étonne beaucoup moins ceux qui le connaissent depuis des années. Portrait d’un gardien fort en caractère et doué des deux pieds.
Certains entrent sans frapper. Arnau Tenas fait partie de ceux-là. Arrivé dans la capitale cet été sur la pointe des pieds, avec un contrat court et une présentation à coups de tweets, l’Espagnol devait être deuxième, voire troisième gardien au PSG. Puis il y a eu ce concours de circonstances : Gigio Donnarumma qui prend un carton rouge sur une belle boulette, Keylor Navas absent pour une blessure aux lombaires et le voilà lancé dans le grand bain pour son premier match professionnel, avec le champion de France réduit à dix face à un HAC très pressant. Une relance offrant l’ouverture du score et sept parades plus tard, le portier de 21 ans se mue en héros d’une victoire 2-0 arrachée en Normandie. À 1 200 km de là, sa famille retranchée dans sa maison de Vic en banlieue de Barcelone admire les exploits du fiston, pas vraiment différents de ce à quoi il les avait habitués quand il domptait les cages de la Masia.
Dans les pas de Victor Valdés
« C’est un grand gardien, il a toutes les qualités techniques, tactiques et la personnalité, juge Pau Moral, entraîneur à la Masia entre 2014 et 2021, mais surtout voisin des parents d’Arnau, qu’il a vu grandir sur les terrains du Vic Riuprimer. Ce qui lui manquait, c’était l’opportunité. Il l’a eue et a prouvé. Je pense qu’il peut devenir l’un des plus grands. Il a cette bonne étoile. Tous n’ont pas forcément de la chance, surtout en tant que gardien, mais lui, il semble même avoir ça ! » Mais la chance, ça se provoque. Arrivé au pensionnat barcelonais dès l’âge de 10 ans chez les benjamins, Tenas a décidé cet été de quitter la Catalogne pour s’offrir un bol d’air français. Il a fait confiance à Luis Enrique, qui l’avait appelé avec la Roja alors qu’il ne comptait aucun match pro au compteur, et à un projet parisien qui lui offrait plus de place que l’effectif du Barça.
Arnau Tenas fait partie de ces rares gardiens performants issus du centre de formation local, l’un des derniers depuis Victor Valdes. Pourtant, il avait devant lui dans la hiérarchie Iñaki Peña, de deux ans son aîné, qui s’est fait une place comme gardien remplaçant derrière l’immuable Marc-André ter Stegen. « L’année passée, il faisait tous les déplacements avec l’équipe première : le samedi il était je ne sais où en Espagne pour être avec eux, et le dimanche, il revenait pour jouer avec le Barça B. Ou l’inverse. Il était tellement impliqué pour le club que, même si la situation le dérangeait, ça ne se voyait pas », se rappelle Pau. Entre-temps, il brille à l’entraînement avec les grands et écœure même Robert Lewandowski lors de sa toute première séance comme blaugrana : le Polonais fraîchement arrivé n’avait pas réussi à marquer une seule fois ce jour-là. « Dans les buts, il est très rapide, très coordonné, très explosif. Il a une très, très grande capacité de réaction », détaille Sergi Uclés, entraîneur des gardiens de la Masia entre 2001 et 2017 qui a façonné le jeune prodige.
Les deux pieds et la confiance
Une agilité et une rapidité qui lui permettent de compenser sa « petite taille », 1 mètre 85 précisément, dans un monde où les gardiens doivent tutoyer le double mètre pour espérer faire carrière. Mais le football moderne lui permet tout de même de briller par une qualité de plus en plus recherchée : son jeu au pied. Arnau Tenas est tellement à l’aise avec le ballon qu’il s’est notamment offert un dribble sur Kevin De Bruyne dans sa propre surface lors d’un match amical en août 2022. « Il interprète très bien où est la supériorité. Il a ce calme pour trouver le bon moment, le joueur libre. Il maîtrise aussi bien des deux pieds », analyse Sergi Uclés. Une qualité innée, « un don » même, si l’on en croit Pau Moral qui le voyait déjà faire des merveilles sur les pelouses de Vic entre ses 5 et 10 ans, qu’il a développé à la Masia. « Ici dans le football à 7, il y a beaucoup d’entraînements auxquels les gardiens participaient en tant que joueurs de champ, explique celui qui travaille aujourd’hui auprès des jeunes saoudiens. On mettait les gardiens comme défenseurs ou attaquants pour qu’ils apprennent à interpréter et lire le jeu d’un autre point de vue. »
Vaya caño el de Aranau Tenas a Kevin De Bruynepic.twitter.com/6IW456dPVi
— Subi. (@subifcb) August 24, 2022
Avec l’équipe première du Barça, il participe même au fameux rondo de début d’échauffements ou tape la balle avec Lionel Messi à tout juste 18 ans. Et déjà à l’époque, il épate la galerie pour une chose : sa confiance en soi. « C’est un fou, je dis toujours que les gardiens sont fous, mais lui est vraiment fou. Mais c’est un bon gars », se marre Werick Caetano, très bon pote d’Arnau avec qui il a grandi à la Masia. « Il a une confiance en lui maximale. Parfois il prenait des risques, ratait son coup, mais dès l’action suivante, il retentait, se remémore Pau Moral, qui se souvient de quelques manqués à ses débuts au Barça B. Il n’était pas comme le gardien de but typique qui, lorsqu’il manque un arrêt ou un dégagement, devient nerveux et ne prend plus aucun risque. » Un ego qu’il trimballe encore chez les seniors. « Lors des séances d’entraînement collectives, il jouait avec des gardiens plus âgés que lui, poursuit Sergi Uclés. Mais il se battait comme s’il était le plus âgé de tous. Il n’était pas là à dire qu’il était le plus petit, qu’ils devaient faire attention… Non, il voulait gagner chaque exercice, et s’il perdait, il s’énervait vraiment. » Un casse-cou qui n’a « peur de rien » selon son ancien coach, mais qui, surtout, « transmet beaucoup de sérénité et de calme » à ses coéquipiers : « C’est un leadership avec lequel on naît, ou pas. Lui l’a et c’est pour ça qu’il a été capitaine durant tant d’années au Barça. » « Dès son plus jeune âge, je me suis dit : il va être professionnel. C’est très rare que tu te dises ça d’un enfant de 8 ou 9 ans. Je me rappelle que Gavi m’avait fait le même effet. Il avait déjà une sacrée personnalité, donnait des consignes à ses partenaires… », énumère Pau Moral, qui longeait les coursives en quête de talents pour la Masia.
Adaptation éclair à Paris
À cette époque, derrière le but d’Arnau, il y avait son père Joan Tenas, lui-même ancien gardien de l’Espanyol, qui braillait quelques consignes au fiston. Et à la pointe de l’attaque, Marc, son frère jumeau. Seul homme de la famille qui préfère marquer des buts plutôt que les arrêter. Avant Arnau et Joan, il y a eu aussi le grand-père paternel, gardien pour Sant Andreu et Gramenet. Un solide noyau familial qui permet à lui et à son frère, même une fois entrés tous les deux à la Masia à l’âge de 10 ans, de garder les pieds sur terre. « Dès qu’il a du temps libre, Arnau va à Vic, retrouver ses parents, il va à la montagne pour retrouver son grand-père, promener les chiens. C’est un garçon qui aime beaucoup sa famille, il pourrait avoir tout ce qu’il veut aujourd’hui vu où il est, mais il préfère passer du temps avec sa copine, aller la voir à ses concours d’équitation… », raconte Werick Caetano. Les jumeaux n’ont pas vraiment connu le même destin, puisque pendant qu’Arnau glanait tous les trophées possibles – dont une Youth League en 2019 – en étant surclassé d’un an à Barcelone, Marc est obligé de s’exiler de centre de formation en centre de formation, pour finalement se faire une place comme avant-centre de Cornella, équipe de D3 de la banlieue barcelonaise. Les deux frangins ont tout de même eu l’occasion de partager le même maillot dans les sélections jeunes de Catalogne et d’Espagne.
Mais alors que Marc s’est arrêté aux U20, Arnau a surtout marqué les esprits avec les U21, signant un Euro 2023 époustouflant, au point que le Barça, qui avait décidé le 15 juin de ne pas activer l’option pour une prolongation supplémentaire d’une saison, revient le supplier de rester après son séjour en Roumanie. Joan Laporta en fait une affaire personnelle et assure devant les caméras que les négociations avec son clan vont bon train. Mais le mal est fait, et Arnau Tenas annonce au lendemain de sa signature au PSG qu’il quitte « le club de sa vie ». « J’ai été très surpris qu’il aille à Paris, parce que moi et beaucoup d’autres personnes au sein du Barça savons qu’il a toujours été un grand fan du Barça depuis son enfance et qu’en plus, c’est un gardien idéal pour le club », s’étonne encore son pote. Depuis, Arnau réitère chaque semaine son invitation pour venir le voir à Paris, où il se sent « bien » selon les nouvelles que peut avoir le jeune Brésilien : « Il a le contact très facile, alors il n’a pas eu de mal à se faire d’amis dans le vestiaire, il parle espagnol avec le staff, comprend déjà comment veut jouer Luis Enrique… » Le jeune portier espagnol « extraverti » et « toujours prêt à faire des blagues » s’est même pris au jeu de répondre aux interviews en français, sans que cela ne choque son entourage qui y voit là aussi un témoignage de sa confiance XXL.
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Pour autant, tous rêvent de le voir revenir au Barça et terminer une histoire qui s’est finie en queue de poisson en fin de saison dernière, quand la fédération espagnole l’a empêché de participer au match retour des play-off pour la montée en Liga 2 face au Castilla. Perdus sans leur capitaine, ses coéquipiers se sont lourdement inclinés 3-0 en demi-finales à Madrid, quand lui était à l’entraînement avec les U21 à seulement quelques kilomètres. « J’espère qu’il reviendra un jour et qu’il le fera par la grande porte, sourit Pau Moral, qui aurait souhaité une autre fin pour son petit protégé. Et s’il revient un jour, on aura l’impression qu’il n’est jamais parti. Parce qu’il est au club depuis tellement d’années qu’il arrivera, et pour lui, ce sera comme s’il était à la maison. » Sur Instagram, Gerard Piqué joue aux pronostics et lui assure en catalan : « Tu reviendras. » Si c’est comme le « Se queda », c’est encore le PSG qui va en profiter.
Par Anna Carreau
Tous propos recueillis par AEC.