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PS, OM : droit au but ?
Ce dimanche soir, les socialistes se seront dégotés un candidat pour les présidentielles de 2017. Il n’aura, sauf miracle, aucune chance de la remporter. En plein désarroi, effondré de l’intérieur, abandonné par son « chef », traversé de crises idéologiques internes (laïcité...) et incapable semble-t-il de déterminer son « projet », la passe difficile que traverse le parti de Jaurès et Mitterrand frappe par les nombreuses similitudes qu’elle offre avec l’actuelle situation de l’Olympique de Marseille. Ces deux grandes « valeurs sûres » de notre pays, qui ont souvent écrit à leur façon le fameux « roman national », qu’on les aime ou les déteste, se retrouvent désormais contraints à jouer les seconds rôles. Tout le paradoxe reste que, même éloignés des podiums, ils continuent de susciter l’intérêt, voire la passion, surtout médiatique. Une situation qui durera encore combien de temps ?
Comment ne pas en sourire ? L’OM et le PS se battent pour être cinquièmes. Et pour les législatives, ce sera sûrement et seulement la Ligue Europa si les socialistes arrivent à sauver les meubles aussi bien que les Phocéens viennent de se redonner un peu d’air depuis l’arrivée de l’ancien coach de la Roma. C’est le mieux qu’ils puissent espérer. Pire que tout, la primaire de la « Belle alliance populaire » avait même des airs de Ligue 2, avec parfois toute la sympathie qu’il est possible d’éprouver pour ce championnat qui s’apparente de plus en plus à un musée à stades ouverts (Strasbourg Reims, Lens, Auxerre…).
Grandeur, engouement et désillusion
Puisque aujourd’hui tout le monde cherche à savoir avec quel argile est façonné notre patrie républicaine, comment ne pas être frappé par le destin similaire de ces deux monuments qui ont si bien incarnés, à de nombreux moments décisifs, le visage de la France ? Nés à l’aube du XXe siècle alors que s’écrivaient les lettres de noblesse du socialisme made in France et du ballon rond hexagonal, leurs parcours parfois chaotiques se sont charpentés d’éclipses et d’étés indiens. Plus récemment, ils ont subi les mêmes ondes de choc de l’actualité : la refondation du réformisme au début des années 70 avec le congrès d’Épinay en même temps que la bande de Gresse et Skoblar régnait sur la D1, ou quand les deux se fracassèrent, façon Tapie, l’un contre l’autre sous l’œil malicieux et amusé de Tonton.
Le PS et l’OM ont ainsi tout partagé : grandeur, engouement, désillusion, descente aux enfers (la relégation en D2 pendant qu’il subsistait seulement 57 députés « roses » à l’Assemblée), corruption, rédemption, etc. Michel Rocard et Éric Gerets ont tenté de leur côté, en leur temps, de rebâtir la « vieille maison » et de réécrire le logiciel avant de se briser les dents sur « l’institution » . Et comme dans la chanson des Stranglers : « Everybody loves you when you’re dead » (symboliquement parlant évidemment).
Reconquérir le cœur du peuple
Il n’empêche, de Solférino à la Commanderie, on a toujours l’impression de jouer dans la cour des grands. Malgré la dure réalité des stats et des sondages, les médias continuent de parler d’eux de la sorte, un temps d’antenne inversement proportionnel à ce qu’ils représentent désormais. Un statut ne se perd pas si facilement sous les ors de la République et il faut bien vendre le Classique contre le PSG, ou la rivalité Valls/Hamon. Parce que sinon, l’épreuve des faits se révèle sans pitié. Les voilà bien mal en point. Orphelins de leurs patrons qui se sont enfuis avec armes et bagages, lassés d’affronter les vents contraires (et l’ingrate impopularité de leurs ouailles), François Hollande et Margarita Louis-Dreyfus s’en sont allés retrouver la quiétude de leur vie paisible. Il faut donc se retrouver un chef, un leader, une équipe, une « force de conviction » , un sens du collectif.
Surtout, première tâche essentielle, il s’impose aussi et en priorité de reconquérir le cœur du peuple : celui de gauche ou des tribunes du Vélodrome (avant le naming). Il ne demande qu’à y croire, il n’est néanmoins plus aussi amnésique qu’avant. En 1899, année où le club phocéen était fondé, Jean Jaurès avait déjà si bien posé l’équation de l’indispensable onction populaire : « Nous ne séparons pas le socialisme et la République… C’est le peuple ouvrier qui lui a donné sa force et son élan. » On cherche les mots et les actes de bravoure qui font gonfler les poumons dans les gradins ou les salles de congrès à Montreuil. Or, le sentiment d’avoir été trahi, abandonné, lâché en rase campagne pèse lourd sur les épaules lors des diffusions de tracts et ou lors des tifos du samedi soir.
Modestie du résultat final
Certes, quelques frissons ont encore récemment irradié l’échine des militants ou des ultras. L’homme de Tulle avait su trouver le chemin de l’Élysée en terrassant le vilain Sarkozy, Bielsa avait réinsufflé le temps d’une saison l’impression que le centre de gravité de notre football national avait repris le chemin du Vieux-Port. De guerre lasse, ils ont tous les deux jeté l’éponge. Leurs successeurs rebâtissent sur des ruines fumantes. Ils compensent par le discours, par la posture, par la « mystique » comme aurait écrit en son temps Charles Péguy. Rudi Garcia et Benoît Hamon incarnent une certaine idée, de la gauche ou du foot peu importe, qui rassurent, malgré la modestie du résultat final. Il ne s’agit plus de soulever des trophées ou de gouverner, juste de retrouver un peu de fierté. L’arrivée de Patrice Évra ou le ralliement de Martine Aubry souligne, un peu façon vintage, que l’on fut grands. Le revenu universel en meeting s’apparente au triplé de Gomis le temps d’un triomphe à domicile contre Montpellier. Comment imaginer la France sans eux ?
Pourtant, certains y songent déjà. Toutefois, on n’enterre pas si facilement les piliers républicains au pays des lieux de mémoire et des panthéons. Le front de gauche bouffe naturellement sur l’aile gauche, comme l’OGC Nice cette saison a dévoré la place de challenger. Emmanuel Macron s’impose sur la droite comme l’OL se construit en libéralisme à la française dans le petit monde du ballon rond tricolore. Sans compter qu’en face, on aiguise ses couteaux, surtout du côté du FN, où l’on n’hésite plus à piller le patrimoine et l’électorat de gauche. Avec la forte probabilité qu’à la fin, ce soit Monaco ou le PSG qui gagne. À moins que l’épouse de François Fillon y ait également travaillé ?
Par Nicolas Kssis-Martov