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Procès Pogba : peur sur Labile

Par Baptiste Brenot, à Paris
8 minutes

Si l’affaire de la séquestration de Paul Pogba est truffée de péripéties plus invraisemblables les unes que les autres, le procès de ses commanditaires présumés a jusqu’à maintenant lui aussi réservé son lot de surprises. L'audience reprendra mardi, par l'interrogatoire de Mathias Pogba.

Procès Pogba : peur sur Labile

Sans doute était-il inévitable qu’une affaire aussi rocambolesque ne donne lieu à un procès tout aussi déroutant. Cinq après-midi avaient été estimées suffisantes par la seizième chambre du Tribunal de Paris pour trouver une issue judiciaire aux déboires de Paul Pogba.  À savoir une tentative d’extorsion de 13 millions d’euros, dont il accuse son frère, quatre amis d’enfance et un « grand » de son quartier de la Renardière, à Roissy-en-Brie. Le tout impliquant braqueurs et armes de guerre. Il faudra finalement au moins d’une cinquantaine d’heures d’audience, publicisées par une intense attention médiatique, pour tenter de faire la lumière sur les tenants et aboutissants d’une affaire où les versions s’opposent et s’entrechoquent. Pas seulement entre le célèbre plaignant et les six accusés, mais également bien souvent entre les incriminés eux-mêmes, pourtant presque tous embarqués dans le même bateau. Les interminables journées d’audience à l’atmosphère aussi lourde qu’incertaine n’ont d’ailleurs guère dissipé les zones d’ombre de l’enquête judiciaire. Si le diable se cache dans les détails, celui-ci est l’invité de marque de la salle 2-03 du Tribunal des Batignolles, tant lors des débats que des suspensions d’audience.

Un calendrier intenable

La première incongruité tient à ce calendrier largement sous-estimé par les magistrats du siège. Pas sûr que ces cinq après-midis auraient suffi, quand bien même l’étude du fond du dossier aurait pu être entamée au premier jour d’audience. Mardi dernier, les avocats de la défense, dans leur totalité, ont joué le jeu – tactique et légitime – de l’obstruction, soutenant longuement la nécessité d’une annulation de la procédure au motif que des éléments avaient été versés au dossier une fois la procédure close, donc sans possibilité d’étude contradictoire. Puis d’un renvoi du dossier en raison de l’annonce – la veille de la tenue des débats – de l’absence de la victime, Paul Labile Pogba, qui préfère étrangement assister à des matchs de NBA à Miami que s’asseoir sur les bancs du tribunal parisien. Une manière pour la défense d’éviter l’étude du dossier, mais un recours « assez ridicule »aux yeux de la procureure.

La solitude de la partie civile

Les cinq heures gaspillées sur ces questions mardi n’auront été qu’anecdotiques, en comparaison des interrogatoires des jours suivants s’étalant parfois jusqu’à six heures du soir pour ceux entamés le matin, et jusqu’à onze heures du soir pour ceux de l’après-midi. Des interrogatoires au long cours qui – doux euphémisme – ne favorisent ni la sérénité ni la clarté des débats. Du public aux accusés en passant par leurs conseillers, l’ambiance est au contraire parfois particulièrement électrique. Pour les avocats de la défense, tous les coups sont permis.

 Je voulais donner leur identité, mais je ne pouvais pas le faire.

Roushdane K., accusé

Couper la parole de la présidente quand ses questions malmènent trop leurs clients, chahuter la partie civile quand elle insiste pour obtenir des réponses, s’insurger de façon théâtrale à tout bout de champ, reformuler les questions du parquet au besoin, s’entêter à parler quand la présidente intime de se taire, quitte à provoquer une interruption de la séance… tous les procédés sont bons pour que se perde le fil des débats, au risque que ceux-ci se poursuivent indéfiniment. Face aux nombreux conseillers de la défense agissant bien souvent à l’unisson, la partie civile fait office de proie d’autant plus facile qu’elle est isolée. À cet égard, outre l’absence fort dommageable de la Pioche, le coup de théâtre aura été, au premier jour du procès, le désistement surprise – par crainte ? – de Rafaela Pimenta, l’agente de Paul Pogba, qui s’était pourtant portée partie civile. Si la stratégie de la déstabilisation est un procédé classique, de bonne guerre, qu’une partie civile n’ose se présenter à une audience est chose moins courante.  Mais est-ce si étonnant dans cette affaire où, à en croire les principaux accusés, la peur est le moteur de chaque péripétie ?

Des accusés victimes ?

La stratégie des accusés est grosso modo identique : ils seraient eux-mêmes victimes de maîtres chanteurs, vrais coupables de la séquestration et tentative d’extorsion, et n’ont rien à faire sur le banc des accusés. Ils seraient les proies et non les chasseurs. À les entendre, la terreur serait entrée dans leurs vies depuis la publication des fameuses vidéos incendiaires de Mathias Pogba à l’encontre de son frère.

Adama C., qui, dix jours avant la réunion du 19 mars au cours de laquelle Paul fut séquestré, s’assurait que chacun remplisse son « rôle  » pour récupérer un quart de la fortune de son ami d’enfance, parle désormais de l’attaque à main armée comme d’un « traumatisme » personnel. Roushdane K., qui a transmis l’adresse de la soirée du 19 mars à « des connaissances » qui l’ont « peut-être piégé », explique : « Je voulais donner leur identité, mais je ne pouvais pas le faire. » La balle qu’on lui aurait tirée dans la main à l’été 2022 l’en aurait dissuadé. Son petit frère, Machikour, dit avoir assisté à la scène avant de recevoir dans sa boîte aux lettres une vidéo de l’agression – qu’il n’a toutefois pas conservée…

Mamadou M., lui, a vu son véhicule incendié autour du 14 juillet 2022. Et Boubacar C., le petit frère d’Adama, affirme que des individus lui ont promis de « le trouer » alors qu’il allait acheter, dans une ferme, un mouton pour l’Aïd. Mathias Pogba n’est pas en reste : il aurait été victime d’une agression entre son voyage à Turin – pour mettre la pression à son frère – en juillet 2022 et la visite rendue à sa mère avec toute la troupe deux semaines plus tard. Aux juges d’apprécier la crédibilité de ces différentes affirmations.

Une apparition mystérieuse

Une même question revient inlassablement : si les six accusés ont été victimes des agressions qu’ils décrivent à la barre, pourquoi aucun n’a porté plainte* ? Et pourquoi aucune trace de ces dernières, à part l’opération à la main de Roushdane K. ? Et pourquoi être allé mettre la pression à Paul à Turin, l’invectiver par messages, et lui transmettre l’IBAN d’Adama pour lui permettre de payer la rançon aux ravisseurs ? La même réponse revient : la peur. Peur pour soi et sa famille, face à des agresseurs qui connaissent leurs adresses et sont prêts à tout. Sauf, étrangement, à rendre une visite amicale à la mère de Paul Pogba, Yeo Moriba.

Ils sont dehors, ils lui mettent la pression !

La femme de Mamadou M. après son interrogatoire

La peur ne semblait pourtant pas guider Adama et Mamadou quand ces derniers « peaufinaient  » leur stratégie pour demander à Paul « un quart de sa fortune ». D’après ce dernier, la peur ne semblait pas non plus dominer Roushdane K. lors de l’attaque à main armée, puisqu’il l’aurait vu « sourire  » à ses agresseurs – ce que l’accusé dément formellement. Pourtant, plus de deux ans plus tard, cette peur est bien présente en salle d’audience. Une peur plus forte que la menace d’une lourde peine de prison ? C’est ce qu’expliquait Roushdane K. lors de son interrogatoire. « Que craignez-vous de pire que de vivre dans la terreur ? » interrogeait vendredi soir la procureure. Réponse : « Après la prison, il y a la mort. » Ambiance.

Autre scène troublante : le jeudi soir, sur le coup de 23 heures, lorsqu’au terme d’un long interrogatoire, Mamadou M. se met à lancer des regards furtifs vers le public dans son dos. Deux individus ont pris place sur le banc où Yeo Moriba fait corps avec ses proches. Ils semblent inquiéter l’accusé. L’audience suspendue, la femme de Mamadou M. panique à son tour. « Ils sont dehors, ils lui mettent la pression ! » Mais qui ?

Un accusé hurlant face contre terre

Les journées à rallonge et leur lot d’émotions contradictoires jouent sur les nerfs de tout le monde. Mais comment expliquer qu’Adama C., calme durant toute la journée de vendredi, s’effondre subitement lors d’une suspension d’audience tardive ?

Dernier soubresaut, vendredi aux alentours de 22 heures. Roushdane vient de donner du fil à retordre aux magistrats, entre réponses laconiques et mots à peine audibles, quand la présidente annonce souhaiter entendre Mathias Pogba le soir même. Explosion de colère surjouée de la part des avocats, abattement unanime d’accusés épuisés… profitant de ce capharnaüm, tandis que la présidente suspend les débats, Adama s’éclipse discrètement. Puis s’effondre, hurlant face contre sol, dans les couloirs du tribunal, avant d’être réconforté par une proche et de se réfugier en sanglots, sur un banc, dans l’obscurité d’un palais de justice à présent presque désert. Pourquoi une telle réaction ? De toute évidence, ces larmes ne viennent pas des mots prononcés au tribunal. De la même manière que la peur qui semble animer les accusés n’est pas celle des peines de prison qu’ils encourent. Peuvent-ils être aussi victimes, comme ils le prétendent ? Certaines questions risquent de rester sans réponse, mardi soir, à la fin attendue de ce procès hors norme.

@so_foot

Mathias Pogba fait partie des accusés dans le procès de la séquestration de son frère Paul #footballtiktok #sportstiktok #pogba #proces

♬ Drill Ritual – Lastra


* Une plainte contre X classée sans suite a été déposée par Adama C. concernant la nuit du 19 au 20 mars 

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