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Procès M’Baye Niang : Fallait-il plaider la stupidité ?

Par Christophe Gleizes
Procès M’Baye Niang : Fallait-il plaider la stupidité ?

L'attaquant M'Baye Niang était hier jugé au tribunal correctionnel de Montpellier pour conduite sans permis, blessures involontaires et délit de fuite. Confronté à de graves chefs d'accusation, l'attaquant s'en est sorti avec 18 mois de prison avec sursis. En plaidant la stupidité. Une bonne stratégie ?

Il est monté dans sa voiture. Une belle Ferrarri rouge flambant neuve prêtée par une connaissance. De quoi impressionner ses amis d’enfance et les jolies Héraultaises. Il est 14h45, le repas au restaurant s’est éternisé. Il a rendez-vous au centre d’entraînement et Rolland Courbis va encore gueuler. Alors M’Baye accélère. C’est pratique, une grosse cylindrée, et c’est marrant à piloter. On se croirait presque dans un jeu vidéo. Déjà un concurrent de dépassé, puis deux, puis trois. Toujours plus vite, toujours plus près, comme dans un souffle. Mais M’Baye en veut plus, sentir sa liberté, jouir de sa vitesse sur le fil du rasoir. Il peut presque sentir les battements de son cœur maintenant, au rythme des coups de klaxon et des feus rouges grillés. Ivre de sensations, il emboutit une première voiture, puis deux, puis trois. Un quatrième choc et c’est le tête-à-queue. Qu’importe, la partie n’est pas finie, son rutilant véhicule s’élance à nouveau tel un cheval cabré. Il a peur, il panique, il tente de se sauver. La réalité, c’est cet énorme arbre qu’il ne peut éviter. Le choc est violent. La tôle se froisse, la machine se casse. Le jeu est terminé.

Retour sur terre

Lundi 24 février, au tribunal correctionnel de Montpellier. Trois semaines ont passé depuis l’accident. Confronté au président Paul Baudouin, M’Baye Niang a la tête des enfants qui ont fait une grosse bêtise. « J’ai eu un moment de folie » , s’excuse le joueur. « De stupidité » , complète son avocat, qui présente rapidement son client comme « un petit enfant vivant sur une autre planète » . Convoqué par la police le jeudi 6 février, et placé en garde à vue, le jeune homme de 19 ans a reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Le président lit quelques témoignages édifiants : « J’ai été percuté par une Ferrari, il a effectué un tête-à-queue, percuté la barrière de sécurité et il est reparti » , « j’ai vu une C3 embrochée par une Ferrari qui ne s’arrêtait pas et continuait sa route » . De quoi être inculpé pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui, infractions au code de la route, conduite malgré la suspension de permis et blessures involontaires. Des chefs d’accusation passibles de trois ans de prison et 75 000 euros d’amende, auxquels il faut encore ajouter le délit de fuite, le plus important. Le visage de l’attaquant de Montpellier se fige, les yeux se baissent, la bouche baragouine quelques mots inaudibles : « Sur le moment, j’étais pris par la panique. Je regrette, c’était complètement stupide. »

Vidéo

Stupide, c’est sans doute le terme approprié pour définir la conduite du footballeur, qui n’en est pas à sa première sortie de route. À son tableau de chasse, une virée en boîte de nuit à Paris à la veille d’un match avec les Espoirs et une usurpation d’identité au Milan AC, alors qu’il est arrêté pour conduite sans permis. À l’époque, il se fait passer pour son coéquipier Bakaye Traoré auprès des carabiniers. Cette fois, il a été suppléé par son ami Mohamed Ramadani, qui a affirmé dans un premier temps être l’auteur de l’accident. « Vous avez mis un certain temps à reconnaître que vous conduisiez » , constate le magistrat, en déplorant tous les subterfuges employés. « J’ai paniqué » , reconnaît M’Baye Niang, conscient de sa faute, mais déjà récidiviste. « Faut-il vous mettre en prison pour que vous ne rouliez plus, puisque vous retirer le permis ne sert à rien ? » Pour toute réponse, cette fois, un silence éloquent.

Appelées à la barre, les victimes viennent de s’exprimer, se plaignant de « crises de panique au volant » ou d’autres « douleurs insupportables » . « Il y aurait pu y avoir 10 morts, ce n’est pas un accident, c’est une agression, il a eu de la chance » , dénonce Maître Lafont, l’avocat de la partie civile, qui laisse ensuite le champ libre à Patrick Bottero, le procureur de la République. Ce dernier annonce en préambule : « Il aurait été plus simple de vous arrêter après le premier accrochage au lieu de cette fuite en avant. Il faut vous sortir du cocon du club. Après un accident, on ne part pas, on assume. » Une leçon de morale bienvenue, avant de requérir, en plus de petites amendes et de l’annulation du permis, près de 170 heures de travail d’intérêt général, « à réaliser dans les six mois » .

Est-ce une bonne idée de plaider la stupidité ?

La parole est à la défense. Avant le procès, Maître Abratkiewicz, l’avocat du joueur, s’était déjà épanché sur sa stratégie au micro de RMC : « Il est prêt à assumer ses erreurs. Pour lui, c’est une honte terrible de comparaître devant la justice pénale. Il sait que devant le palais de justice, les caméras vont l’attendre, que cela va peut-être entacher sa carrière sportive. Il faut qu’il soit jugé comme un jeune homme de 19 ans un peu immature. » Alors, quand il prend la parole, à 15h15, le conseil plaide non pas « la folie » , mais « la stupidité » , avec pour objectif de montrer au tribunal que son client n’est pas quelqu’un de dangereux, simplement un imbécile. « On lui a dit qu’il était habitué aux situations de stress, mais parfois on relâche ce trop-plein d’énergie, surtout quand on a 19 ans » , explique-t-il fermement, avant d’ajouter : « Il reconnaît, il assume, il regrette… Que peut-il faire de plus que d’entendre les plaintes des victimes qui sont présentes ? »

Une ligne de défense inattendue pour un joueur qui l’est tout autant. Avocate à la cour de Paris, Juliette Daudé a bien voulu commenter pour nous le dossier, même si elle ne veut pas juger la stratégie de son confrère : « À partir du moment où le client reconnaît sa responsabilité, l’avocat doit trouver de quoi amadouer le juge afin d’obtenir la peine la plus basse possible. On entre dans un domaine qui n’est plus tellement de l’ordre du juridique, mais plus de la psychologie. Cela peut arriver de plaider la stupidité. C’est peut-être un peu brutal comme terme, mais cela revient à parler d’une erreur de jeunesse. Le message, c’est qu’il a bien compris la leçon et qu’il ne recommencera plus. » Visiblement, la tactique a fonctionné. M’Baye a évité le pire. Le tribunal correctionnel l’a condamné à 18 mois de prison avec sursis, avec annulation de son permis et 700 euros d’amende. « Le juge doit prend en compte les circonstances, le fait qu’il soit jeune et qu’il n’y ait eu aucune victime grave diminue forcément la peine. Contrairement aux apparences, la condamnation est lourde. Il atterrira forcément en prison au prochain délit, c’est loin d’être anodin. C’est une épée de Damoclès qui va le dissuader de recommencer. » Allez, roulez jeunesse.

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