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Wissam Ben Yedder, caché derrière son verre

Par Baptiste Brenot, à Nice

Accusé d’agression sexuelle en état d’ivresse, de conduite en état d’ivresse et de refus d’obtempérer, Wissam Ben Yedder comparaissait ce mardi après-midi au Tribunal de Nice. Le parquet a requis deux ans et demi de prison, dont un an ferme aménageable et dix-huit mois de sursis. La défense du joueur a plaidé la relaxe, tandis que ce dernier s’est caché derrière sa consommation d’alcool. Le jugement sera rendu le 12 novembre.

Wissam Ben Yedder, caché derrière son verre

Un ciel d’un bleu pur illumine les murs jaunes de la très bourgeoise vieille ville niçoise, où touristes et badauds profitent de l’été indien. Sur les coups de 16h30, une petite cohue attire les regards sur les marches du palais de justice, et s’engouffre jusqu’à la salle d’audience numéro trois, derrière celle des pas perdus. Au cœur de l’agitation, un homme vêtu d’un pantalon noir et d’une veste kaki, casquette vissée sur le crâne et une main devant le visage, fait mine de se gratter l’œil, suivi de ses deux avocates. Wissam Ben Yedder, le regard tourné vers le sol, pénètre dans le sas accompagné de son conseil et tourne le dos aux journalistes, terrés dans le coin de la succursale.

L’ancien international tricolore, 19 sélections, vice meilleur buteur de l’AS Monaco, comparaît pour agression sexuelle en état d’ivresse, conduite en état d’ivresse et refus d’obtempérer. Un peu moins d’une heure après son entrée, il se tient à la barre, à quelques mètres de la plaignante de 23 ans. Ses premiers mots sont inaudibles. Il baragouine, si bien que le président le reprend, et lui demande de décliner son identité. Le magistrat récapitule les faits qui lui sont reprochés, survenus lors de la nuit du 6 au 7 septembre dernier, aux alentours de 2 à 3 heures du matin.

Jack Da et Coca

Ce soir-là, Wissam Ben Yedder monte à bord d’une Peugeot 206 bleue appartenant à son frère, et descend siffler une bouteille de Jack Daniel agrémentée de Coca-Cola en bord de plage. Il reste à bord de son véhicule, « dans sa bulle ». Une bulle où il a pris l’habitude de se réfugier ces deux dernières années, une manière selon lui d’oublier tous ses problèmes. Comme la « trahison » de son agent de toujours et l’escroquerie à plusieurs millions d’euros de son gestionnaire en patrimoine, que lui avait présenté ce dernier, ainsi que son divorce, engagé depuis mai 2023, qui l’a vu perdre la garde de son jeune enfant, ou encore les problèmes cardiaques graves qui touchent sa mère depuis quelques mois. Sans oublier les poursuites judiciaires pour viol dont il fait l’objet en compagnie de son frère Samir, pour des faits allégués survenus au mois de juillet 2023, où ils auraient amené dans leur logement deux femmes avec lesquelles ils ont eu des rapports sexuels décrits par les plaignantes comme non consentis.

Cette bulle, il en sort malgré tout pour apostropher un groupe de jeunes qui passe sa soirée en bord de mer dans leur ville du Cap d’Ail, à proximité de Monaco. Il appelle l’un des mecs de la bande, M., lui dit qu’il l’aime bien. Il empoigne l’autre par le col, faisant croire aux témoins qu’une bagarre se prépare, avant de finalement rigoler avec lui. D., la plaignante, témoigne d’un comportement « très bipolaire » de sa part : un coup l’ex-attaquant asémiste rigole, un coup il se montre « agressif ». La jeune femme et une amie présente durant la soirée témoignent toutes deux des regards insistants de ce dernier. « On en avait tous peur, c’est une personne plus âgée », pose la première. Auprès de leur ami M., il se renseigne. « La brune était prise, la blonde, elle était bien », rapporte-t-il en garde à vue. Autrement dit, il y voit « une opportunité de sexe facile », décrit la procureure. « Un bout de viande dont il pouvait se servir. »

Ben Yedder reste près de trois heures, assis dans sa voiture, en compagnie du petit groupe, à descendre sa bouteille de Jack Da. Les jeunes ne reconnaissent pas le joueur et comprennent mal ce qu’un prétendu illustre manieur du ballon rond foutrait à cette heure, seul dans une petite Peugeot 206 avec une « énorme bouteille d’alcool ». Ils vérifient les dires de l’homme de 34 ans sur Instagram. L’homme croit être filmé et s’énerve, une nouvelle fois. Quand M. demande à ce qu’ils aillent chercher des clopes à la station-service non loin, Ben Yedder l’invite à monter dans la voiture en compagnie de D., la jeune femme blonde, qui dit obtempérer « par peur » de ce dernier, rassurée par la « présence sécurisante » de son ami, qui lui fait comprendre qu’elle « ne risque rien ». À bord du véhicule, il tente de forcer la jeune femme à boire. Arrivé à destination, M. sort, la porte se claque, Wissam active la sécurité enfant et verrouille le véhicule. « Je vois ma copine essayer d’ouvrir la porte », se souviendra M. devant la police. Trop tard, Wissam Ben Yedder démarre en trombe.

« Je suis fou »

La voiture « vole » à chaque dos-d’âne, et D. réalise qu’elle n’a plus ses affaires, M. étant sorti avec son téléphone et son portefeuille. Elle angoisse. « T’inquiètes, on va dans un coin plus tranquille », lui aurait dit le joueur, en la menant au parking fermé près de sa résidence, où il aurait intimé à la jeune femme esseulée de passer sur la banquette arrière. Le siège nourrisson mis dans le coffre, il s’assoit à ses côtés. Durant de longues minutes, d’après le récit de la plaignante, l’international aurait tenté de l’embrasser. Elle dit l’avoir rembarré sèchement. Il aurait alors essayé de l’amener à elle en lui attrapant les épaules à d’innombrables reprises, passé sa main à l’intérieur de sa cuisse et se serait masturbé « sans érection », précise la plaignante à la barre, mais le regard oblique sur sa poitrine. Tétanisée, elle réalise finalement que les portières ne sont pas verrouillées, et s’enfuit.

Je suis un solitaire, j’ai du mal à faire confiance. Je me suis réfugié dans l’alcool, et c’est la pire décision de ma vie.

Wissam Ben Yedder

Une caméra de surveillance la filme en train de sortir du parking pour se cacher derrière une poubelle, jetant des regards dans la rue. Elle entend Wissam crier : « Tu es où ? Tu es où ? » Elle finit par croiser un passant, qui la ramène auprès de ses amis. Elle hurle : « Il a essayé de me violer ! », s’effondre en larmes. Là-bas, M. a déjà vu revenir Ben Yedder, très énervé, qui reproche à son amie d’avoir dérobé son téléphone. « Je suis fou », se répète-t-il. À 2h58, la gendarmerie du Cap d’Ail est prévenue de la situation, et débarque. Les militaires aperçoivent rapidement ladite Peugeot 206 bleue sur le rond-point adjacent, qui s’arrête à la vue des gendarmes. Le conducteur remet sa ceinture, puis les gaz pour fuir. Wissam Ben Yedder est finalement interpellé en bas de chez lui, à deux pas de la gendarmerie, avec 0,76 gramme d’alcool par litre d’air expiré. En garde à vue, il explique être juste sorti boire un verre, avant de tomber sur un groupe de gens mal intentionnés, dont une femme qui aurait un comportement intéressé, car il est célèbre et gagne beaucoup d’argent. « J’ai dit des trucs sur le coup de l’émotion », minaude-t-il à la barre.

« Je suis portugaise, tout ce que je connais au foot c’est CR7, alors un mec de Monaco… », dément la plaignante. À la barre, la défense de Ben Yedder a changé. Désormais, il ne se souvient de rien, il en était à sa deuxième bouteille d’alcool, et buvait depuis trois ou quatre jours. « J’ai tendance à dire, ne vous cachez pas derrière une bouteille », le tance le président du tribunal. Se cacher derrière ses problèmes d’alcool, voilà la seule réponse que Wissam trouve à chaque question qui lui est posée. Nerveux, il se balance d’un pied sur l’autre. Le père de famille déclare ne pas se souvenir de sa soirée, et les faits allégués comme « impossible à faire » s’il avait été sobre. Il baragouine, cherche ses mots, parle d’une voix faible, éraillée. Demande « sincèrement pardon » à la victime, sans rien reconnaître pour autant. Il quémande « l’opportunité de se soigner », mais aussi celle de reprendre sa carrière. Monsieur a une préparation physique de six semaines prévue à la fin du mois, et des clubs européens attendent encore pour le signer, lui qui gagnait il y a peu « près de 700 000 euros par mois ». « Je suis un solitaire, j’ai du mal à faire confiance. Je me suis réfugié dans l’alcool, et c’est la pire décision de ma vie, tente-t-il. Je n’ai plus envie de boire. »

Sanglots et traumatisme

À écouter Wissam Ben Yedder, il serait presque une victime. Victime de sa consommation d’alcool, des personnes malveillantes qui ont gravité autour de lui. Pour faire amende honorable, son avocate met en avant sa mère malade sur qui il a veillé, son suivi psychiatrique interrompu uniquement le temps de sa cure de désintoxication au CHU de Nice, qu’il a repris avec entrain une fois sorti, et sa participation à des réunions des alcooliques anonymes. Pourtant, ce n’est pas lui qui n’ose plus sortir dans la rue seul. C’est elle, D., qui n’a pu reprendre son travail pour cause de syndrome post-traumatique et d’un état de détresse psychologique qui ne la quitte plus depuis cette nuit du 6 au 7 septembre 2024. C’est elle qui évoque, des trémolos dans la voix, au bord des larmes, sa transformation depuis cette soirée. « Je ne suis plus la même. Je ne parle plus aux hommes, je ne laisse plus mes amis me toucher, je ne travaille plus, je fais des cauchemars… »

Je ne suis plus la même. Je ne parle plus aux hommes, je ne laisse plus mes amis me toucher, je ne travaille plus, je fais des cauchemars…

La plaignante

Poussée par ses proches, elle porte rapidement plainte, sans grand espoir. L’homme qui l’aurait agressé est riche et célèbre, elle a donc peu d’espoir d’obtenir justice. D’après elle, il se serait même permis de se vanter auprès de ses amis masculins d’avoir déjà été accusé de violences sexuelles par d’autres femmes, sans conséquences. Elle fait malgré tout sa déposition dans ce même commissariat où elle a déjà déposé plainte pour viol par le passé, alors qu’elle avait 16 ans, avec pour seule issue une plainte pour dénonciation calomnieuse de celui qu’elle considère comme son agresseur.

« Pourquoi, si on a peur, on monte dans la voiture ? », interroge l’avocate de la défense, qui conteste que l’acte décrit corresponde pénalement à une agression sexuelle et plaide donc la relaxe de son client. « On ne peut pas comprendre le comportement tant qu’on ne voit pas [une telle scène] » explique la plaignante, arguant avoir craint qu’il en vienne aux mains en cas de refus d’obtempérer de sa part. « Chacun sa façon de réagir. » La procureur soulève une autre question. Que se serait-il passé si, tétanisée, elle n’avait pas osé fuir ? Si Wissam Ben Yedder avait été plus maître de lui-même, de son corps et de ses actes ? Elle demande une peine de deux ans et demi de prison, dont douze mois fermes aménageables, donc sans mandat de dépôt et passage par la case prison, et dix-huit mois de sursis avec obligation de soins.

La décision du tribunal a été mise en délibéré au 12 novembre prochain. Wissam Ben Yedder est toujours présumé innocent. Le 27 décembre, il sera à nouveau jugé pour « violences psychologiques ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours » envers son épouse avec qui il est en procédure de divorce. Il reste également dans l’attente d’une date concernant le procès pour « viol, tentative de viol et agression sexuelle » sur une jeune femme de 19 ans en juillet 2023. « Que quelqu’un poursuivi dans une affaire de viol se retrouve dans une telle situation, c’est qu’il y a un problème », concluait l’avocat de la partie civile, Me Frank Michel, une fois l’audience levée.

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