- Affaire de la sextape
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Procès Benzema-Valbuena : le Zouaoui Show
On prend les mêmes et on recommence. Comme mercredi, Karim Benzema n’a pas pu se libérer afin de se présenter au tribunal judiciaire de Versailles. Valbuena a, lui, dû quitter les Yvelines à midi pour rejoindre son équipe à Francfort. En ce deuxième jour du procès de la sextape, Mustapha Zouaoui a livré un nouveau one-man-show, avant que le parquet ne formule sa réquisition.
Le juge Christophe Moran, toujours privé de la présence de Benzema, décide d’aborder ce jour nouveau avec des écoutes téléphoniques. Toutes concernent Mustapha Zouaoui, dit « Sata » , personnage haut en couleur, comme ses chaussures, cerveau présumé de l’opération. Toutefois, ce n’est pas de la sextape dont il est question, mais bien, encore une fois, du business de coussins de Sata, dans lequel Zenati comptait s’impliquer à terme. « Il y avait déjà eu une volonté de me tromper », réagit le pote de KB9, tout de noir vêtu, qui a appris en garde à vue que les maroquineries de Sata étaient des fausses. D’après lui, c’était faire du business avec Zouaoui qui l’intéressait. Ce qui n’était pas exactement réciproque.
« Vous reconnaissez avoir manipulé Karim Zenati ? », lui demande un avocat. « À fond, rétorque-t-il. Honnêtement, il est naïf. Je l’ai boosté, mais il a plongé. » Cette réflexion le pousse à dédouaner Zenati : « Franchement, il ne savait rien, et je suis désolé pour lui. » Quand il ne parle pas de coussins, de produits Hermès transformés en claquettes, ou d’avoir refait le yacht du président du Panathinaïkos, il jette la pierre sur Djibril Cissé, encore au cœur de cette journée. « Il a joué un rôle. Je ne sais même pas comment il s’est démerdé avec le procureur pour s’en sortir. Karim (Benzema), lui, il a été gentil. Djibril est allé beaucoup plus loin. » Arborant de nouveau un sweat à capuche noir, il finit par se prendre le bec avec l’avocat de Younes Houass (proche du vestiaire marseillais qui aurait contacté Valbuena), qui essaie de prouver qu’il a également manipulé son client. Le Marseillais hausse le ton et perd son sang-froid en demandant au Maître de retourner « étudier deux ans et de revenir après ». Après avoir repris son calme, il conclut sa longue intervention en demandant pardon à Valbuena. « Tu peux même me mettre un coup de pied, je dirai rien du tout », lâche-t-il pour prouver sa bonne foi.
Audi A3, « clown » et imitation du Parrain
Après une courte audition de Younes Houass, marquée par son émotion après avoir avoué que cela faisait « six ans » qu’il attendait de pouvoir parler, vint le temps de l’enquête de personnalité. Une séance où chaque prévenu doit, tour à tour, faire une sorte de CV. On y apprend notamment que Sata est aujourd’hui agent immobilier, et qu’il a huit mentions dans son casier, record de ce procès. Comme la veille, le juge s’interroge sur sa capacité à avoir pu offrir une Audi A3 à sa femme, ainsi qu’un bateau alors qu’il touchait le RSA. « C’est une barque. C’est limite si je sors les rames », rigole-t-il. Au moment où le président suspend l’audience pour la pause-déj, les avocats de Mathieu Valbuena, qui n’a pas eu la chance de présenter sa chemise blanche moulante à la barre de la matinée, précisent que leur client ne sera pas là l’après-midi. Il doit se rendre à Francfort, où joue l’Olympiakos ce jeudi. « Sa présence est requise. Il est un peu l’âme de l’équipe », justifie Me Iweins.
Après le déjeuner, place aux plaidoiries de la partie civile. D’abord Me Benjamin Peyrelevade, défenseur des intérêts de la FFF, qui n’avait pas fait profiter l’audience du son de sa voix depuis le début de ce procès. Les néons jaunâtres de cette septième chambre correctionnelle braqués sur son crâne dégarni, il explique à quel point la fédération a pu pâtir d’une telle polémique. Après avoir estimé un préjudice à hauteur de 6000 euros, il laisse la place à Me Paul-Albert Iweins, avocat du joueur de l’Olympiakos. Les lunettes vissés sur le nez, il tourne en dérision tous, ou presque, les arguments usés par les prévenus. À part Axel Angot, dont il reconnaît la bonne volonté, il n’a cru mot de ce qu’a pu raconter la défense. Surtout Zouaoui, cible de l’avocat. « Il fait le clown devant le tribunal, mais ce n’est pas un imbécile », remarque-t-il. Pour résumer cette affaire, il se lance même dans une imitation du Parrain. « Tu as le choix, mais… », singe-t-il avec l’accent italien. En concluant sa plaidoirie, il insiste sur la présence bénéfique de Valbuena à ce procès, puis chiffre le préjudice moral à 150 000 euros.
Maîtrise du suspense
Viens le moment d’une très longue réquisition. C’est la procureure, Ségolène Marés, brune et coiffée d’un chignon, qui prend la parole et la monopolise près d’une heure, reprenant point par point le déroulé d’une affaire que toute la salle connaît désormais par cœur. Elle a quand même pris le soin de justifier le non-lieu dont a bénéficié Djibril Cissé, alors que l’avocat de Younes Houass s’est plaint plusieurs fois de son absence. « Cissé s’est contenté de prévenir », justifie-t-elle, en opposition à Benzema qui a proposé des solutions à Valbuena. Tout en déconstruisant un à un les arguments de la défense, elle affirme que ce procès « n’est pas une mascarade, mais on a une belle équipe de comédiens », sans y inclure Axel Angot, le seul à vraiment reconnaître les faits.
Son confrère, Julien Eyraud, prend le relais, d’un ton beaucoup moins formel, utilisant le second degré pour enfoncer une nouvelle fois les prévenus. « Mais vous n’avez rien compris, Monsieur le Président », adresse-t-il au juge, parodiant les accusés. Maîtrisant l’art de tenir en haleine son auditoire, il fait sciemment durer le plaisir : « Le suspense va se terminer, les oreilles se dressent », dit-il avant de retarder l’annonce de ce que requiert le parquet. Les demandes finissent par tomber. Quatre ans de prison et 15 000 euros d’amende pour Mustapha Zouaoui, 18 mois d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour Axel Angot, 18 mois de sursis et 5 000 euros d’amende pour Younes Houass, deux ans de taule et 5000 euros d’amende pour Zenati, et enfin dix mois de sursis ainsi que 75 000 euros d’amende pour Benzema. « On n’aurait pas passé autant de temps sur ce dossier si Benzema n’était pas là », lance le procureur.
La journée se conclut sur les plaidoiries de Me Emmanuel Molina, avocat d’Axel Angot, puis du rechignant Me Tewfik Bouzenoune, défenseur de Younes Houass, qui s’attendait à déclamer son monologue vendredi. Le premier insiste surtout sur la bonne volonté de son client : « Monsieur Angot n’a pas été le plus médiocre de tous, s’agissant de dire la vérité. » Le second s’est surtout attelé à décrier les absences de Djibril Cissé et de « Luka » , en réalité le commissaire Bessette, agent sous couverture, qui s’est fait passer pour l’homme de confiance de Valbuena pour faire tomber les maîtres-chanteurs. Vendredi, sans Benzema et Valbuena, les avocats de Zouaoui, de Zenati et du Madrilène essaieront de convaincre le juge que leurs clients respectifs ne méritent pas la peine demandée par les procureurs. Il sera ensuite l’heure de la délibération, et, enfin, du verdict tant attendu.
Par Léo Tourbe, à Versailles