Premier League : Villa a un plan

Luiz Felipe Scolari n’aurait pas dû écarter Steve Clarke. En arrivant à Chelsea, l’entraîneur brésilien s’est posé avec sa moustache, ses bagages et son staff là où Jose Mourinho avait formidablement su s’appuyer sur le savoir de l’adjoint anglais, sa connaissance du club londonien et celle du football anglais dans son ensemble, avec le succès que l’on sait (deux championnats, une FA Cup, une League Cup).

Si Scolari avait fait de même, Clarke aurait pu le prévenir du danger dominical qui menace les Blues. Pour Scolari, Aston Villa n’est peut-être qu’un improbable quatrième de début de saison qui compte dans ses rangs John Carew. Pas de quoi se lever la nuit, donc. Et Clarke n’est plus là pour lui suggérer que les Villans sont sans doute plus que ça. Et voilà comment un Portugais, aveuglé par son arrogance et sa moustache, va peut-être flanquer une série unique de 85 matchs sans défaite à domicile en championnat.

Quand Villa se permet de toiser Chelsea

Pour mémoire, Aston Villa s’était déjà bien échiné à faire suer les gros la saison passée et en particulier Chelsea. À Villa Park, les Londoniens s’étaient pris une petite leçon (0-2) avant de concéder un nul ultra spectaculaire (4-4) à Stamford dans ce qui fut peut-être le match de l’année en Premiership.

Alors ? Alors cette équipe est casse-bonbons. Depuis la reprise, Villa n’a pas changé ses habitudes, toujours aussi difficile à manœuvrer : une seule défaite en tout et pour tout. Mieux qu’Arsenal, aussi bien que Manchester United et à peine moins bien que les deux imbattables du moment, Liverpool et…Chelsea. Evidemment, Aston Villa se verrait volontiers remettre les vice-champions d’Angleterre à leur niveau. À moins que Villa n’ambitionne de se hisser à celui de Chelsea ou plus précisément d’y revenir.

Club phare de la proprette Birmingham devant les tâcherons de City, Aston Villa peut en effet se targuer d’un titre qui fait cruellement défaut dans l’armoirie de son rival du jour : la Coupe des clubs champions. Dans la foulée du titre de champion d’Angleterre conquis en 1981, le dernier de ses sept sceptres nationaux, Villa avait mis l’Europe à ses pieds en terrassant (1-0) le grand Bayern Munich des Rummenigge, Breitner (revenu au bled après ses années madrilènes) Augenthaler, Hoeness et consorts. Autant le dire, pas de la gnognotte. Mais avec une attaque menée par le grand barbu Peter White, la flèche Tony Morley et l’étoile filante Gary Shaw (meilleur jeune Anglais en 1981, meilleur espoir européen en 1982), les Villans avaient déjoué les pronostics.

Le sorcier O’Neill

Martin O’Neill connaît ses classiques et tente aujourd’hui de repatouiller l’affaire à sa sauce 25 ans plus tard dans le secret espoir de remettre Aston Villa en haut de l’affiche.

O’Neill, la plus belle arme du club en vérité et le rappel hebdomadaire de la déliquescence technique de l’Angleterre. Car le royaume compte bel et bien deux managers de niveau mondial et aucun n’est anglais.

L’un, écossais, se nomme Alex Ferguson.

L’autre est nord irlandais et s’appelle Martin O’Neill. Le bougre a façonné sa culture de la gagne en tant que joueur de Nottingham Forest auprès d’un maître du genre, Brian Clough, en raflant à peu près tout (deux C1, un championnat, deux League Cup). Alors que ce soit à Leicester (deux League Cup et une finale) ou au Celtic (Coupe de l’UEFA 2003, trois championnats d’Ecosse et des coupes en-veux-tu-en-voilà), O’Neill a récité parfaitement la leçon.

Pour perpétuer sa légende de gagneur à Villa, le vieux sorcier de 56 ans s’inspire, on l’a dit, de ce qui fit le succès du club de Birmingham en distillant un savant 4-3-3 avec devant, comme lors de l’épopée 81/82, un grand gars et deux mecs rapides autour.

Signe du temps qui passe, trois afro-jojos ont remplacé les white boys des 80’s. Comprenez le trident Carew, Agbonlahor, Ashley Young à la place du trio White-Morley-Shaw.

Au milieu, O’Neill fait son beurre sur une triplette de polyvalents dirigés par le très coté Gareth Barry, assisté du remuant Reo-Cocker et de l’impeccable Petrov. Derrière, le back-four conduit par le Danois Laursen et complété par Young, Curtis Davies et Shorey, rappelle le souci d’O’Neill d’avoir une majorité d’Anglais dans chaque ligne. Un cas unique pour une formation de premier tiers de tableau et un exemple à méditer pour les multinationales de Premier League, à commencer par Chelsea et ses quatre nationaux maxi dans le onze (Terry, A. Cole, Lampard, J. Cole).

Reste à rendre le projet viable. Fissurer le Big Four paraît insensé aujourd’hui. Trop gros, trop solide. Dans l’immédiat, seul un nouveau riche semble éventuellement en mesure de mettre le bazar et encore, personne n’y croit vraiment.

Mais à moyen terme, avec deux jeunes attaquants parmi les plus prometteurs du pays (surtout Young), un maître à jouer quasi intransférable (même à 20 millions, Liverpool n’a pas réussi à dévergonder Barry, 27 ans seulement) et un défenseur central d’avenir (Davies 23 ans) bien encadré par des vieux briscards, allez savoir.

Avec pareils ingrédients et un chef nommé O’Neill en cuisine, la recette pourrait bien être un jour gagnante. Dès dimanche à Stamford Bridge ?

Dave Appadoo