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Premier League – Liga espagnole, les vases communicants
Au cœur des années 2000, la Premier League plaçait régulièrement trois de ses pensionnaires dans le dernier carré de Ligue des champions. Avec un millésime 2008 sous fond de finale Chelsea-Manchester United. Puis les clubs espagnols, Barcelone et Real Madrid en tête, sont venus ouvrir une nouvelle ère. Décryptage avec Jonathan Wilson, éditeur de la revue The Blizzard et auteur de l'ouvrage référence sur la tactique en Angleterre, Inverting the pyramid.
27 mai 2009, stade olympique de Rome. Il reste vingt minutes à jouer dans la finale de Ligue des champions entre le FC Barcelone et Manchester United. À l’approche de la surface mancunienne, Xavi Hernández lève la tête et caresse le ballon, qui s’en va atterrir sur le crâne de Lionel Messi. Le petit argentin a anticipé l’offrande, au contraire d’une défense anglaise totalement dépassée, et voit sa reprise de la tête mourir dans le petit filet d’Edwin van der Sar. 2-0 pour le Barça, une victoire assurée et la fin d’une époque. Un an plus tôt, Manchester United arrachait la coupe aux grandes oreilles face à Chelsea, pour une finale 100% Premier League en guise d’apogée pour un championnat qui avait placé au moins une équipe en finale de 2005 à 2009. Au lendemain de la défaite de Rome, l’Angleterre ne verra même pas les demi-finales de l’édition 2010 remportée par l’Inter. Le début d’un rééquilibrage européen que l’auteur anglais Jonathan Wilson, connu outre-Manche pour son ouvrage Inverting the Pyramid et sa revue The Blizzard, attribue plus à un retour des grands puissances continentales qu’à une baisse de niveau anglais. « À l’époque de l’âge d’or anglais, Barcelone, le Real, le Bayern Munich n’étaient pas au niveau qui est le leur aujourd’hui. Même le Barça de 2006 qui l’emporte sur Arsenal. Donc nos clubs ont dominé, car ils comblaient un vide. » Depuis 2009, Pep Guardiola a lancé une révolution du jeu en Catalogne, le Real a retrouvé son ADN européen, et le Bayern est redevenu un rouleau compresseur sans état d’âme. Quand l’Angleterre a vu se retirer une génération d’exception avec Steven Gerrard, Frank Lampard ou Paul Scholes, et par la même occasion a vu ses locomotives rentrer dans le rang. « Dans les années 2000, on avait vraiment quatre équipes au-dessus en Angleterre. Manchester United avec Sir Alex Ferguson, Arsenal avec Arsène Wenger à son pic, Liverpool avec un Rafa Benítez ayant l’ADN des coupes, et Chelsea avec de lourds investissements et l’héritage du travail de José Mourinho. »
Quand Manchester City brise le Big Four anglais
Or, avec l’explosion des droits télé ou l’arrivée de nouveaux riches, l’échiquier anglais s’est complexifié. « L’arrivée de Manchester City a en quelque sorte rompu l’équilibre, la Premier League est devenue plus dense, plus compétitive, et donc on a commencé à avoir plus de roulements dans les équipes qualifiées en Champions. Or, c’est quasi impossible de briller en C1 sans avoir l’expérience de la jouer chaque année. » Surtout, quand le Bayern Munich ou le FC Barcelone claquent les valises sur leurs scènes nationales et font ainsi le plein de confiance pour les joutes continentales, les écuries de Premier League dépensent au contraire beaucoup d’influx physique et nerveux tous les week-ends. « En Angleterre, chaque match est une bataille, même à Middlesbrough, alors que les plus grands clubs espagnols ont parfois des victoires 6-0 sur lesquelles elles se régénèrent au lieu de s’épuiser. Les gros clubs anglais laissent beaucoup d’influx dans les joutes nationales, et donc quand ils arrivent dans les gros matchs de LDC, ils n’ont plus forcément ce qu’il faut. » D’autant plus que pour beaucoup de clubs, le championnat et ses droits télé faramineux deviennent prioritaires sur la Ligue Europa, « voire la Ligue des champions elle-même malgré le prestige » , soutient Wilson. « Alors que les clubs espagnols ont l’intelligence de jouer à fond la Ligue Europa, comme Séville ou l’Atlético de Madrid, et que cela permet de progresser très vite pour ensuite tenir la route en Ligue des champions. » À part Chelsea en 2012 en tant que reversé de la C1, aucun club anglais n’a d’ailleurs brillé dans la « petite » compétition européenne depuis des lustres.
La configuration optimale du football espagnol
À voir si la hausse annoncée des droits télé en Espagne amène les pensionnaires de Liga à délaisser la Ligue Europa et à se tirer une balle dans le pied sur le long terme. Sauf que pour l’instant, selon Jonathan Wilson, la péninsule ibérique offre les meilleures conditions pour continuer de dominer le Vieux Continent. « Malgré l’argent, les top players préfèrent le Barça, le Real ou le Bayern à la Premier League, car il y a l’assurance de gagner des titres, de jouer la C1 et de briller individuellement. En Angleterre, tout est plus dur, regardez Paul Pogba à Manchester United, il dispute la Ligue Europa et on ne le trouve pas si exceptionnel. S’il jouait au Bayern ou au Real, ce serait plus simple chaque week-end. » À la nuance près que l’Espagne a l’équilibre optimal quand l’Allemagne s’avère trop facile pour les Bavarois. « Le Bayern domine sûrement trop facilement son championnat malgré Dortmund, un cran au-dessous, et il est donc un peu juste pour se mettre au niveau d’intensité arrivé aux demi-finales. En Espagne, ils ont quelques clubs au-dessus du lot, suffisamment pour garder l’habitude des gros matchs tout en ayant certaines victoires faciles. » D’où l’intérêt d’alterner promenade de santé à Grenade et chocs au sommet contre le Real Madrid pour se maintenir au top…
Par Nicolas Jucha