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Premier League : casse-tête chinois en formation

Par Adrien Candau
4 minutes
Premier League : casse-tête chinois en formation

Selon des informations de l'agence Bloomberg, la CCTV (réseau de télévision publique de la République populaire de Chine) va reléguer la diffusion de la dernière journée de Premier League de sa chaîne de sport principal à un canal annexe. Une décision qui viendrait sanctionner l'exclusion de l'entreprise Huawei dans le développement de la 5G au Royaume-Uni. De quoi se demander si le raidissement des relations entre Londres et Pékin ne risque pas de torpiller en plein vol l’ascension du championnat anglais, au sein de l'Empire du Milieu.

Un premier avertissement avait déjà sonné, ce mercredi. Le duel Liverpool-Chelsea, pour le compte de la 37e journée de Premier League, s’annonçait comme le divertissement phare de la CCTV-5 ce jour-là (jeudi matin, en Chine). Pourtant, nulle trace du match tant attendu sur la chaîne sportive du réseau de télévision publique chinois. Pour voir les Reds sécher les Londoniens 5-3, il fallait se rediriger vers la CCTV-5 , une chaîne haute définition, vouée a diffuser l’offre sportive secondaire du diffuseur.

À en croire l’agence de presse Bloomberg, rebelote ce dimanche pour l’ultime journée du championnat anglais : celle-ci ne sera pas diffusée sur la chaîne sportive principale de la CCTV, mais seulement sur son canal annexe, à l’audience usuellement beaucoup plus restreinte. Bizarre ? Oui et non. Si changer soudainement sa programmation n’est pas dans les habitudes du mastodonte de l’audiovisuel chinois, c’est la grande tambouille économique sino-britannique qui vient ici bouleverser le quotidien réglé comme une horloge suisse de la diffusion de la Premier League.

Huawei dans le viseur

De fait, s’il y a de l’eau dans le gaz entre la Premier League et son diffuseur chinois, c’est probablement parce que Londres et Pékin s’opposent frontalement sur un certain nombre de dossiers sensibles depuis plusieurs semaines. À commencer par l’épineuse gestion du cas Huawei. Le géant chinois des télécommunications avait reçu en janvier dernier l’autorisation de se mettre d’accord avec les opérateurs téléphoniques du Royaume-Uni, pour construire jusqu’à 35 % de l’infrastructure nécessaire au déploiement du nouveau réseau 5G du pays. Une décision invalidée par Boris Johnson six mois plus tard, alors que le gouvernement britannique annonçait mi-juillet exclure finalement Huawei du processus de développement de la 5G dans le Royaume. À cet égard, la politique de Downing Street rejoignait celle des États-Unis : mi-mai 2019, Donald Trump avait notamment interdit aux réseaux de télécommunications américains de se fournir en équipements auprès de sociétés étrangères jugées à risque – une mesure ciblant d’abord les firmes chinoises et plus spécifiquement Huawei, leader en la matière au pays. Une résolution venue sanctionner la proximité supposée entre l’entreprise de télécommunication et les services de sécurité chinois.

Les services de renseignement américains soupçonnent notamment la firme d’installer des outils d’espionnage électronique directement au cœur de ses équipements. Une baston économique qui affecte donc par ricochet la Premier League, même si la réponse de la CCTV (qui n’a pas non plus déprogrammé intégralement le championnat anglais de ses antennes) reste pour l’instant graduée. Si les relations sino-britanniques se détériorent, on peut en revanche se demander si la Premier League ne risque pas d’être rayée de l’antenne de la TV publique chinoise dans un futur proche. Sur le papier, le dernier contrat TV entre la ligue anglaise et son diffuseur chinois garantit à la Premier League 650 millions de dollars sur la période 2019-2022. Soit un deal sur les droits TV chinois douze fois plus important que le précédent. Que se passera-il si l’exécutif chinois contraint la TV publique à boycotter la diffusion des matchs des clubs anglais ? Le paiement des droits TV à la Ligue anglaise, généralement divisé en tranches versées le long des saisons, sera-t-il intégralement effectué ? Rien n’est moins sûr. D’autant plus que les relations sino-britanniques ne se sont pas tendues que sur le plan économique, mais aussi géopolitique, ces derniers mois.

La fracture hongkongaise

Cette fois-ci, c’est Hong Kong qui est au centre du schmilblick. Depuis l’année dernière, l’ancienne colonie britannique est en proie à des manifestations massives, alors que le gouvernement hongkongais avait annoncé l’élaboration d’un projet de loi devant permettre les extraditions vers la Chine continentale. Une partie de la société civile hongkongaise avait redouté une instrumentalisation politique des extraditions par Pékin, notamment pour museler les individus critiques du régime communiste. En soutien aux protestations de la société civile hongkongaise, Londres a ainsi étendu fin juillet son embargo sur les ventes d’armes appliqué à la Chine à son ancienne colonie. «   Cette extension de l’embargo signifie qu’il ne pourra y avoir aucune exportation d’armes potentiellement létales du Royaume-Uni vers Hong Kong » , expliquait le ministre des Affaires étrangères britannique Dominic Raab.

Surtout, Downing Street avait décidé dans la foulée de suspendre son traité d’extradition avec Hong Kong. Ce qui signifie que les personnes suspectées de crime par Hong Kong résidant au Royaume-Uni ne pourront plus être renvoyées vers l’ex-territoire britannique. Cela évitera ainsi aux individus soupçonnés de tomber potentiellement entre les mains de la justice chinoise par la suite. Voilà qui ne risque donc pas de réchauffer les rapports entre les pouvoirs britanniques et chinois, et qui pourrait bien complexifier le business en pleine expansion de la Premier League en Chine. Et si les choses empirent encore entre Londres et Pékin, pas certain que Chelsea, Liverpool, Manchester City et compagnie continuent à faire de la Chine la destination privilégiée de leurs stages de pré-saison dans les années à venir.

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