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Premier cycle QSI au PSG, l’heure du bilan
Zlatan Ibrahimović jouera son dernier match sous les couleurs du PSG face à Marseille en finale de Coupe de France. Avec son départ, c'est une page qui se ferme à Paris, celle du premier cycle de Qatar Sport Investments dans le club de la capitale. Que penser de ces cinq ans ?
Il a quitté la pelouse comme il était arrivé, en début de saison 2012-2013, avec un doublé. Et contrairement à David Beckham qui avait joué la carte « émotion » alors qu’il n’était resté que six mois, Zlatan Ibrahimović est lui parti avec l’arrogance qui le caractérise. Son 38e but de la saison inscrit, il a quitté la pelouse – remplacé symboliquement par deux de ses enfants – alors que Laurent Blanc avait déjà usé de ses trois changements. Rien à carrer du protocole habituel ou de laisser ses coéquipiers à dix, le Suédois a une nouvelle fois de plus imposé ses règles. Au plus grand plaisir des propriétaires qataris qui avaient fait de lui leur tête de gondole depuis quatre ans. Car l’avant-centre n’était pas là que pour marquer des buts, mais aussi faire parler du PSG. Son départ marque la fin d’un premier cycle pour le Paris version qatarie, et donc le début d’un nouveau où les décideurs parisiens vont devoir faire les bons choix pour continuer d’avancer. Pas forcément simple pour un projet déjà significativement avancé et où la marge de progression est ténue.
PSG, club de Ligue des champions et marque internationale
Cette saison, le PSG était le plus gros budget de Ligue 1 avec 490 millions d’euros. Le double de l’AS Monaco, seconde puissance financière du championnat. Ce qui a permis à Laurent Blanc et ses hommes de décrocher haut la main un quatrième titre de champion de rang, ainsi qu’un quatrième quart de finale en Ligue des champions. Sans oublier trois Coupes de la Ligue et une – bientôt deux peut être – Coupe(s) de France. Les détracteurs du projet parisien – ou plus spécifiquement de Laurent Blanc pour certains – minimisent le mérite d’une telle progression sportive à la lumière du changement de surface financière du club.
Si une telle augmentation du compte bancaire du club a forcément facilité l’amélioration des résultats, la direction parisienne – incarnée par le Brésilien Leonardo pendant deux ans – a tout de même eu le mérite de ne pas faire n’importe quoi avec ses énormes moyens. Et bâtir ainsi très rapidement un effectif compétitif avant de l’optimiser avec l’arrivée de stars internationales comme Ibrahimović, Thiago Silva ou Ángel Di María. Les seuls vrais accrocs sportifs du PSG depuis 2011 resteront la seconde place en Ligue 1 2012, face à un Montpellier en mode « Leicester » , et l’élimination précoce en phase de poules de la Ligue Europa au début de cette même saison.
Passer un cap
Antoine Kombouaré était alors aux manettes et disposait d’un effectif clairement suffisant pour ambitionner le dernier carré de l’épreuve, ce qui aurait peut-être permis au PSG actuel d’être mieux préparé pour la C1. Tout en captant une plus grande sympathie dans l’Hexagone. La direction parisienne a néanmoins réussi à faire de son jouet une équipe qui compte sur la scène internationale : depuis quatre ans, le PSG est un club qui sort facilement des poules en Ligue des champions et qui a produit quelques belles prestations contre plusieurs écuries bien mieux rodées comme le FC Barcelone, le Real Madrid ou encore Chelsea, éliminé deux fois sous les coups parisiens. Pas encore aussi glamour que les épopées des nineties, mais respectable. Le PSG, comme l’a indiqué son entraîneur Laurent Blanc, est entré dans la cour des grands, il lui reste à s’y imposer comme un maillon fort, avec la même réussite que sur le plan marketing.
Avec Zlatan Ibrahimović en figure de proue, Paris s’est donné un rayonnement international certes encore loin du Real Madrid ou du FC Barcelone, mais un rayonnement international tout de même. D’un peu plus d’un million de fans Facebook avant la reprise du club, on est passé à 25 millions aujourd’hui, quand l’Olympique lyonnais est à 2,5 millions. Encore loin des 90 millions des deux cadors espagnols, mais suffisant pour donner une force médiatique supérieure au club de la capitale. Ce qui n’est pas seulement accessoire pour les propriétaires qataris, puisque le PSG est un outil de « soft power » censé donner de l’influence et de la visibilité à cette monarchie du Golfe. Mais si celle-ci a réussi à capter l’attention – à défaut d’avoir totalement placé Paris sur une carte, Zlatan l’a fait plus clairement pour Doha -, elle doit encore faire passer un cap à son club de football pour « conquérir » les cœurs, ou tout du moins bonifier la situation actuelle.
Ce PSG a besoin d’un supplément d’âme
Sur le plan sportif, le PSG version QSI est menacé par le syndrôme du Grand Lyon, à savoir vivre en mal-aimé du football français à force de dominer sur la scène nationale avec outrance, sans réaliser un exploit hors des frontières. Le Lyon de Jean-Michel Aulas a tenu sept titres de Ligue 1 sans faire mieux qu’une demi-finale de C1 accrochée une fois son hégémonie mise à mal par les Girondins de Bordeaux en 2010. Avec ce quatrième échec de rang pour Paris – qui plus est contre un Manchester City qui était à sa portée -, le club parisien a consolidé un seuil qui sera toujours plus douloureux à chaque nouvelle élimination européenne.
Or, pour continuer de grandir, le PSG n’a d’autre choix que de briser sa malédiction dans la reine des compétitions européennes, et ainsi honorer – n’en déplaise à ceux qui datent la naissance du PSG à 2011 – l’histoire du club sous l’ère Michel Denisot avec cinq demi-finales de rang dont une victoire en Coupe des coupes 1996. Avec une seconde problématique d’importance : créer une équipe plus représentative de sa base de supporters. Depuis 2011, Paris a pris une coloration internationale et essentiellement sud-américaine. S’il y a toujours eu une vraie tradition de joueurs brésiliens au Parc des Princes, le club a besoin d’une touche plus « française » pour vraiment être accepté de l’ensemble du football français.
Façonner sa future star
Ceci passe par un recrutement des meilleurs joueurs français disponibles – ce qui n’est a priori pas le cas des cibles Anthony Martial et Antoine Griezmann -, mais aussi des plus belles promesses. Sans parler d’ouvrir les portes de l’équipe à davantage de joueurs formés au club, afin d’imiter l’exemple des plus grands clubs comme le Bayern Munich, le FC Barcelone ou le Manchester United de Sir Alex Ferguson, afin d’avoir des joueurs pour qui le PSG est un rêve d’enfance, pas seulement un contrat béton. La direction parisienne l’a visiblement compris en donnant du temps de jeu à Adrien Rabiot – qui, prochainement, pourrait découvrir l’équipe de France -, mais aussi dans une moindre mesure à Christopher N’Kunku. L’exemple Kingsley Coman, qui brille aujourd’hui au Bayern Munich, a peut-être aidé dans cette prise de conscience.
Pour Paris, se recentrer sur la France et sur son centre de formation pourrait traduire une nouvelle stratégie plus sage : être malin plutôt que prodigue. Laurent Blanc l’a d’ailleurs plus ou moins laissé entendre en conférence de presse avant Nantes pour commenter le départ d’Ibra : tout ne s’achète pas. « On perd un phénomène, un joueur qui marquait énormément de buts. Il n’y a pas de joueurs de ce profil-là sur le marché. On ne va pas l’inventer, il n’existe pas. Il faut continuer sur ce chemin-là avec peut-être une voie différente. » Une voie différente qui pourrait être de façonner sa future star à partir d’un gros potentiel. Alors que pour des raisons tout autant sportives que marketing, la direction qatarie cherche actuellement un gros poisson pour incarner son projet et sublimer son équipe, la meilleure stratégie consiste désormais à ne pas chercher à aller forcément vite. Car s’il suffisait de « tirer la manette » comme l’a si bien imagé René Girard il y a 5 ans, Paris serait déjà champion d’Europe. On ne lui demande pas forcément autant, comme on ne lui demande pas d’être champion de France tous les ans. Rêver plus grand, ce n’est pas qu’une question d’argent.
Par Nicolas Jucha