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« Pourtant, je ne fais vraiment rien pour draguer les joueurs »

Propos recueillis par Émilien Hofman
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Hilde Van Malderen aime le foot. Journaliste depuis dix ans pour divers médias flamands, elle ne s'attendait pourtant pas du tout à entrer dans un monde aussi macho. Un monde dans lequel joueurs, entraîneurs et même arbitres lui envoient des messages pour s'envoyer en l'air. Un monde qu'elle a récemment décrit dans son livre Speelgoed, un résumé de tout ce qu'elle a déjà vu dans le football.

Vous avez toujours été fan de sport ?

Oui toujours. Je suivais tout : cyclisme, volley, basket, formule 1… Chaque dimanche après-midi, je regardais tout à la télévision. Moi, j’ai fait de l’athlétisme. J’étais pas un super talent, j’étais douée, mais pas pour être la meilleure, je pense que j’étais dans le top 10 en Belgique, mais pas dans les trois plus fortes. J’ai arrêté parce que mon père était très très sévère avec moi, c’était jamais suffisant pour lui.

Vous avez fait des études d’histoire et de politique internationale. Avez-vous senti une atmosphère spéciale en entrant dans le monde du journalisme sportif ?

Au début, tout le monde me trouvait amusante, je suis sûre qu’ils se sont dit « Hoo c’est bon, elle ne va pas nous faire grand-chose, elle est gentille hein ! » Puis petit à petit, je faisais des articles, des interviews dont une d’Éric Gerets qui a été la plus lue de tous les articles du journal. Là, certains journalistes se sont rendu compte que j’étais là pour rester, donc ils ont parlé dans mon dos et m’ont donné l’image d’une femme qui a quelque chose avec tout le monde (sic), et que c’était la seule raison pour laquelle j’avais de bonnes interviews. Tout le monde avait quelque chose à dire sur mes cheveux, mes vêtements… Mais rien sur mes articles. On peut dire qu’aux yeux de certains journalistes, je suis passée du statut de gentille petite plante blonde à la dragueuse de service. Ils savaient que ce n’était pas le cas, mais il fallait qu’ils salissent mon image.

Vous sentiez qu’être une femme blonde plutôt jolie vous aidait dans votre métier…

Oui, c’était plus facile pour moi d’avoir des interviews avec des joueurs qui refusaient de rencontrer mes collègues masculins. Pourtant, je reste toujours comme je suis : polie, respectueuse, gentille… Je ne porte jamais de jupe ou de robe, jamais de décolleté, donc je ne fais vraiment rien pour draguer les joueurs. Mais bon, certains d’entre eux me confiaient aussi qu’ils étaient très curieux de me rencontrer, c’est pour ça qu’ils avaient accepté l’interview. D’autres étaient étonnés de me voir arriver pour l’interview, mais je n’ai jamais eu l’impression qu’ils ne me parlaient pas sérieusement parce que j’étais une femme. Par contre, ils sont beaucoup plus polis avec moi, plus doux !

Quelle est la plus grande difficulté de votre métier ?

Le fait d’être une femme n’a jamais été une difficulté pour moi. Ce qui est plus dur à vivre, c’est l’énorme ego du monde du football. Au début, c’est difficile de se rendre compte que les acteurs de ce sport ont un gros coup.

Vous avez une bonne relation avec ces acteurs du foot ?

Oui, pourtant on dit souvent que je suis très réservée, mais je le fais exprès parce que je sais qu’en tant que femme, je ne peux pas faire la même chose que les journalistes masculins. Au début, j’allais discuter et boire un verre avec les joueurs en faisant l’interview, mais directement on pensait que j’avais une relation avec. Maintenant, je fais attention, je reste au club ou dans une petite brasserie discrète.

Il y a peu, vous avez sorti le livre Speelgoed, quelle était votre idée derrière cette publication ?

Dans le foot, il n’y a pas que les résultats, les interviews d’après-match, etc. Il y a beaucoup plus que ça, et j’avais envie de parler de ce qu’il y a à côté du terrain : le vrai visage d’un joueur, l’influence de l’argent sur les agents, les jeux d’influence…
Ils essayaient d’être créatifs, mais depuis la sortie de mon livre, plusieurs femmes m’ont appelée pour me dire qu’elles avaient reçu exactement le même message.

Dans votre livre, vous évoquez des messages particuliers envoyés par certains acteurs du football qui vous invitent plus ou moins poliment à participer à des parties de jambes en l’air…

Ça a commencé dès que j’ai débuté dans le sport, il y a dix ans… Le premier message que j’ai reçu venait d’un journaliste. Je ne savais pas comment réagir, puis j’étais tellement étonnée que j’ai rigolé avec tout ça. Depuis, j’en reçois un par mois en moyenne, et je me suis rendu compte que je devais dire « non » d’une manière diplomate, car si je lui dis que c’est un con, ça va être difficile de l’avoir en interview plus tard.

Est-ce que certains essayaient d’être plus romantiques dans leurs messages ?

Oui oui, ils essayaient d’être créatifs, mais depuis la sortie de mon livre, plusieurs femmes m’ont appelée pour me dire qu’elles avaient reçu exactement le même message. Peut-être que c’est un hobby pour certains footballeurs, même si j’ai aussi été appelée par une journaliste allemande qui reçoit des propositions osées de pilotes de Formule 1.

Vous n’avez pas donné le nom des joueurs, arbitres ou entraîneurs concernés, pourquoi ?

Parce que dans le livre, je décris, je ne juge pas. Je ne veux pas compromettre quelqu’un. Je cherche juste à décrire ce qui se passe dans le football. Moi, j’ai travaillé dix ans dans le monde du foot, voilà ce que j’ai vu. Et ces SMS en font partie.

Jamais un seul acteur du foot ne vous a séduite ?

Si, Aristide Bancé. Il y a sept ans, il a commencé par des « Comment ça va avec toi ? » , « Tu vas me porter bonheur » puis après deux-trois mois, il a fini par m’envoyer quelque chose du genre « Je sais pas, mais est-ce que tu voudrais pas peut-être aller boire quelque chose avec moi si on gagne ce week-end ? » C’était au tout début de ma carrière, donc j’étais naïve, je pensais qu’il était très timide et qu’il était différent des autres. Mais je me suis trompée…

D’après vous, qu’est-ce que les joueurs aiment chez vous ?

Je ne sais pas, je ne suis pas particulière, je ne suis pas spéciale. C’est juste parce que je suis une femme et qu’il n’y en a pas beaucoup dans le monde du football. Peut-être qu’ils voient ça comme un challenge, mais moi je ne suis pas Miss Belgique hein, pas du tout.

Comment ça se passe quand vous recroisez ces acteurs du monde du foot ?

Moi, je ne suis pas énervée car, après tant de messages, c’est devenu normal, j’en rigole, c’est banal. Et eux font comme si de rien n’était. Ils ne sont pas fâchés parce que je refuse très poliment. Après la sortie de mon livre, j’ai reçu quatre messages d’hommes dont j’avais publié les sms. Le premier m’a dit « Mon message, c’est le plus beau hein ?! » et un autre, un dirigeant de club, m’a dit : « Je suis sûr qu’il y a un de mes footballeurs qui t’a envoyé un message ? »

À vous entendre, vous n’avez pas l’air de reprocher à ces joueurs de vous envoyer des messages plutôt crus…

Je trouve ça très macho. Je n’ai d’ailleurs reçu de tels messages que par des acteurs du football. Mais bon, dans ce milieu, tout le monde est en concurrence avec tout le monde. C’est pas comme dans un hôpital par exemple. Ça fait que le footballeur a une manière de vivre assez particulière : il doit se battre tout le temps, toujours prouver qu’il est meilleur que l’autre, et tout ça entretient la culture du macho. Donc en fait, c’est pas leur faute, aux joueurs.

Après avoir publié ces messages, vous pensez encore avoir un avenir dans le foot ?

On va voir. Mais je ne suis pas quelqu’un qui cherche à faire toute sa carrière dans le football. J’aime bien, mais si demain c’est fini, c’est fini. Je pense que j’ai des qualités pour faire autre chose donc pas de problème.

Si une étudiante en journalisme fan de sport venait vous dire qu’elle est désespérée après avoir lu votre livre, que faites-vous ?

Je lui conseille de se battre ! J’ai eu des problèmes, c’est vrai, mais j’aime mon boulot. Donc il faut vraiment foncer si on adore écrire ou parler du foot. Faire attention, oui, mais pouvoir aussi y croire. Mais pour revenir à ces messages, ils m’ont aidée à devenir plus forte. Mes amis disent que je suis plus directe qu’avant. Je le dois à ces gars-là. À la limite, je lui conseillerais quand même de prendre un deuxième GSM uniquement pour récolter les sms de footballeurs…
Dans cet article :
France-Israël : puisque le foot est politique
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