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Pourquoi tous les Islandais sont-ils tous des fils de ?
Sigurdsson par-ci, Sigþórsson par là, le 11 de la Strákarnir okkar est un vrai hall d'immeuble. Mais pourquoi les Islandais sont-ils tous les fils de leurs parents ?
Il a joué au Barça, à Chelsea et même au Molde FK. Il a soulevé la coupe aux grandes oreilles et celle du Roi. Il a remplacé son père, international islandais, à la mi-temps d’un match amical face à l’Estonie, en 1996. Mais ce ne sont pas toutes ces raisons, somme toute banales, qui font d’Eiður Smári Guðjohnsen un cas à part dans l’île du Nord. Non, le plus fou, c’est qu’Eiður se nomme Guðjohnsen, comme son père Arnór, et non pas Arnórson, comme tout le monde. Résultat, il est le seul des 23 sélectionnés islandais dont le blase ne rime pas avec Nicky Larson. Les autres ? Hauksson, Hermansson ou Hallfredsson, fils de Hauk, Herman ou Hallfred. Une structure patronymique qui révèle bien plus qu’une simple solution de facilité.
Le tout puissant Mannanafnanefnd
Ce n’est pas pour services rendus à la patrie qu’Arnór et Eiður ont le droit de transmettre leur éminent nom de famille de génération en génération (le petit-fils et fils de, qui joue en 2e division islandaise, s’appelle Sveinn Aron Guðjohnsen). Ce qu’il y a, c’est que leurs racines plongent jusqu’au Danemark et que la loi islandaise autorise les 10 % de familles islandaises d’origines étrangères à conserver leur nom, en exception au droit commun. Pour les autres, le choix est restreint : une fille prendra un prénom parental et lui adjoindra le suffixe « dottir » , ainsi Björk Guðmundsdóttir, fille de Guðmund ; un garçon, quant à lui, partira de la même base en y adjoignant « son » , comme le meilleur commentateur de l’Euro Gudmundur Benediktsson, fils de Benedikt. Même s’il est désormais plus connu sous son pseudo Gummi Ben.
En Islande, le prénom est une affaire d’État. De jeunes et heureux parents, dans l’euphorie d’une nouvelle tête blonde, n’auront pas le loisir d’envoyer du Kizito ou du Kermit, selon qu’ils aient une affinité avec les Girondins ou le Stade rennais, et ainsi risquer de pourrir l’avenir de leur progéniture. Au contraire, ils doivent piocher dans la liste des 3500 prénoms autorisés ou demander la permission d’innover au Mannanafnanefnd, le Comité des prénoms islandais, moyennant 3000 couronnes islandaises, soit 21 €. Et le risque est grand de se faire bâcher, puisque moins de 50 % des idées sont acceptées. Des prénoms aussi classiques que Ralph, Hector ou Carla se sont fait recaler. Pas que l’Islande soit pointilleuses en matière de goût, mais elle souhaite conserver la spécificité de sa langue. Non seulement les prénoms doivent être compatibles avec l’alphabet islandais, 32 lettres et pas de « c » , par exemple. Mais la loi dispose en outre que les prénoms doivent être « établis par tradition dans la langue islandaise » et que « les noms ne doivent pas être en conflit avec la structure linguistique de l’islandais » . Ainsi doivent-ils pouvoir s’accorder selon les cas au nominatif, accusatif, datif ou génitif. Un truc à en perdre son latin.
Une appli pour éviter de coucher entre cousins
La tradition n’empêche pas les évolutions. Le chemin vers l’égalité des sexes conduit de plus en plus d’Islandais à choisir comme base du nom de famille le prénom de leur mère. Voire de leurs deux parents pour les plus consensuels : le maire de Reykjavik s’appelle Dagur Bergþóruson Eggertsson, fils de Bergþóra et d’Eggert. Les usages sont également adaptés à la tradition, puisque personne ne s’appelle par son nom de famille, du pêcheur au président, et que l’annuaire est rangé par prénoms. Mais surtout, la tradition possède une grande qualité, celle de pouvoir remonter facilement les arbres généalogiques. Utile dans un pays de 300 000 âmes où, selon le pince sans-rire ministère des Affaires étrangères, on sélectionne les joueurs par soustraction.
@pin_upicierno pic.twitter.com/ot0Mq2lsjM
— MFA Iceland (@MFAIceland) 27 juin 2016
Les lignées les plus lointaines peuvent retourner jusqu’à 1200 dans le passé. Le site web Íslendingabók permet ainsi de connaître précisément ses origines et ses liens avec telle ou telle autre personne – inutile de s’y précipiter si la hype viking venait à perdurer, un numéro de sécurité sociale islandais est nécessaire pour y accéder. Quelque chose d’a priori peu excitant pour un profane de la généalogie, mais qui a vu naître une application bien particulière chez les insulaires : avant de passer sous les draps, un couple d’un soir pourra rapprocher les téléphones et savoir s’il risque de verser dans la relation intra-familiale. Un truc qui aurait pu servir à Christine et Louis, par exemple.
But de Ragnar !
Fort de cette prééminence des prénoms, une pétition a été lancée pour demander l’autorisation à l’UEFA d’adosser aux maillots du 11 volcanique les prénoms des joueurs. La pétition a réuni 996 signatures – rapporté à la population, cela ferait 220 000 en France –, mais l’instance européenne a été sourde à la requête, ignorant au passage les Kaká ou Chicharito sud-américains. C’est d’autant plus dommage qu’un « but de Ragnar ! » aurait vraiment eu de la gueule. Barbue, cela va de soi. Heureusement, les autorités islandaises sont décidément facétieuses dès lors que leurs prénoms sont respectés. L’ambassade d’Islande a ainsi lancé un générateur de prénoms et noms islandais. Vous savez désormais comment floquer votre prochain maillot.
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— Embassy of Iceland (@IcelandInUS) 30 juin 2016
Par Ericur Cárpentierson