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- Allemagne/Portugal
Pourquoi sous-estime-t-on toujours le Portugal ?
Depuis l'Euro 2000, le Portugal a connu deux demi-finales et une finale de championnat d'Europe des nations, ainsi qu'une quatrième place en Coupe du monde. Pourtant, à l'heure de croiser le fer avec l'Allemagne, les potes de Cristiano Ronaldo sont bien les seuls à croire en leur succès. Pourquoi ?
Le Portugal va entamer sa Coupe du monde à domicile dans quelques heures face à l’Allemagne. Et pour changer, la Selecção va endosser son plus beau costume, celui de l’outsider que personne ne croit capable de gagner face aux favoris. Et pas seulement d’ailleurs. Cette année et à l’instar de 2010 avec la Côte d’Ivoire et 2012 avec les Pays-bas, bon nombre de spécialistes placent le Ghana au-dessus du Portugal, désigné troisième devant les États-Unis – qui ont pourtant une belle gueule de trouble-fête. Sans Cristiano Ronaldo, les bookmakers seraient sans doute capables de les placer au niveau du Honduras ou de l’Équateur. Mais pourquoi ? Certes, le classement FIFA est aussi significatif que les sondages qui annonçaient Lionel Jospin président de la République en 2002, certes, le Portugal n’est peut-être pas intrinsèquement la quatrième meilleure nation du monde, mais l’équipe de Paulo Bento est loin d’être une somme de bras cassés. Alors pourquoi personne ne la craint ? Pourquoi tout le monde la donne perdante face à l’immense Allemagne et contre une sélection africaine alors que celles-ci s’en tirent toujours mal avec les Portugais ? Retour sur un mystère non élucidé.
Souvent placés, jamais vainqueurs
La Coupe du monde est une galaxie bien complexe. Simple à première vue, mais en réalité complexe. Simple parce qu’il existe deux types d’équipes : celles qui ont gagné la Coupe du monde et les autres qui ne pourront jamais la gagner, groupe auquel on ne peut paradoxalement accéder qu’en gagnant. Un énorme bordel dont le dernier exemple se nomme Espagne, cette équipe de losers (Raúl, Zizou deux fois, Ribéry, tout ça, tout ça) que tout le monde voyait tomber devant l’Allemagne en 1/2 finale il y a quatre ans et qui était, avant le désastre orange, devenue la nation la plus puissante du monde. Évidemment, il y a la vérité du terrain, Xabi, Xaviniesta, Ramos et toute la clique, mais il y a surtout l’étoile brodée au-dessus de l’écusson de la Roja. Ce petit amoncellement de fils inspire aux autres nations respect et crainte avant le début d’un Mondial. Même l’Uruguay, dont le dernier titre date de 1950, et la France, malgré la catastrophe de 2010, sont considérés comme de potentiels vainqueurs. Le Portugal n’a rien de tout ça, sinon une troisième place en 1966, une quatrième en 2006, ainsi que trois demies et une finale de championnat d’Europe des nations. Oui, il y a Cristiano Ronaldo, mais ça ne suffit pas. Ballon d’or ou pas, extraterrestre ou pas, tant que le Portugal ne franchira pas le cap, il ne sera pas respecté par les sélections qui règnent sur le toit du monde. Être favori permet par définition de ne jamais être sous-estimé. Et le favoritisme se mérite.
La Selecção peut battre n’importe qui
Que les Lusitaniens ne soient pas considérés comme de potentiels vainqueurs est une chose, les placer sous la Bosnie, la Suède, la Côte d’Ivoire et le Ghana, une autre. Les deux premières équipes étaient données quasiment favorites à l’occasion des derniers barrages de la Coupe du monde et de l’Euro par une grande partie des médias hexagonaux avant de s’incliner logiquement devant la clique de Ronaldo. La Côte d’Ivoire était censée donner une leçon de football au Portugal en 2010, leur confrontation s’était soldée par un match nul. Et le Ghana est pour beaucoup bien plus fort que les Portugais alors que ces derniers n’ont perdu qu’une fois contre une équipe africaine en cinq Coupes du monde. Et encore, c’était en 1986 contre le Maroc en plein « Knysna » portos. Alors comment, si l’histoire démontre le contraire, peut-on encore considérer cette équipe comme une formation de quinzième zone ? La réponse se trouve peut-être ailleurs, quelque part dans l’arrogance et la vanité du nouveau riche incarnées par Cristiano Ronaldo, ainsi que la lourdeur de ceux qui l’aiment et imitent jusqu’à son style douteux. Bref, le Portugal est aussi sous-estimé car peu aimé. En plus des titres, il lui manque cette aura noble que dégagent d’autres grandes nations du ballon rond. Mais au final, les Portugais n’en ont que faire. C’est dans cette posture qu’ils peuvent battre n’importe quelle équipe, à commencer par les meilleures. Rien de nouveau là-dedans. Mais pour évoluer, la Selecção ne devra pas se contenter d’un seul coup d’éclat. Il en faudra plusieurs, jusqu’à soulever le trophée et entrer dans la cour des grands. Avant cela, il faudrait déjà gagner le premier match…
Par William Pereira