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Pourquoi Sean Dyche est l’entraîneur de l’année
Vainqueur de Leicester samedi dernier, Burnley touche aujourd’hui du doigt une première qualification européenne depuis 52 ans. Une surprise ? Tout sauf ça, en réalité, pour un effectif qui a coûté deux Lacazette et qui touche un miracle : celui d’exister au milieu des gros bras du Royaume. Il est l’heure de rendre grâce à Sean Dyche.
Peut-être faut-il d’abord commencer par écouter. Replaçons le décor et le contexte : août 2015 à Burnley, ville située à une cinquantaine de kilomètres au nord de Manchester, au lendemain d’une relégation en Championship que Sean Dyche, le coach du club local classe dans les « flots houleux » d’une carrière d’entraîneur débutée il y a plus de dix ans du côté de Watford. On parle ici du football qui bricole, qui fouille à la recherche des bonnes affaires comme un étudiant à l’heure de l’ouverture des soldes et qui rêve avec les pieds toujours scotchés au bitume. Avant de faire le voyage, Joey Barton est en quête de réponses : « Les clubs de Premier League pensent qu’en me faisant signer, ils vont avoir Charles Manson dans leur équipe. Aujourd’hui, c’est l’héritage ridicule que je traîne. » Alors, que faire ? La suite appartient à Dyche, qui reçoit alors Barton chez lui. Et c’est l’invité qui raconte la scène : « Il a fait une omelette. Je ne sais pas en faire. Pour moi, une omelette, c’est relativement compliqué. Sa femme m’a dit qu’elle n’était pas terrible, mais moi, je l’ai trouvée mangeable. J’ai regardé Sean dans les yeux et j’ai compris que ce mec était un génie. » Un génie qui, un peu moins de trois ans plus tard, a replacé Burnley en Premier League et s’apprête surtout à le remettre dans les bras de l’Europe, scène que les Clarets n’ont plus aperçue depuis 52 ans et un passage par la Coupe des villes de foires.
Version moderne d’E.T.
Fort ? En réalité, c’est un peu plus que ça : en faisant cuire à l’étouffée Leicester (2-1) samedi dernier dans sa cocotte de Turf Moor, Burnley a conforté sa septième place et dégagé les Foxes de Claude Puel à neuf points. Le cours de la saison anglaise joue pour les hommes de Dyche : ce week-end, si Southampton se fait éliminer de la FA Cup à Stamford Bridge, la septième place de Premier League deviendra qualificative pour la Ligue Europa (Chelsea, Manchester United et Tottenham ayant déjà des billets pour l’Europe via le championnat, N.D.L.R.). L’histoire est belle, surtout lorsqu’on prend deux minutes pour se retourner sur la courbe d’évolution des Clarets depuis la prise du gouvernail par Sean Dyche en octobre 2012. Voilà six ans maintenant que l’ancien soldat de Brian Clough écrit l’impossible dans un relatif silence et qu’il progresse en serrant les boulons. Qu’en dit-il justement ? Que « la lumière et les grands termes philosophiques » ne sont pas pour lui, qu’il est avant tout entraîneur de foot et qu’il n’a pas besoin de vendre ses exploits. « Je ne suis pas là pour impressionner les gens » , aime-t-il souvent ajouter.
Perdu : tout ça ne peut passer inaperçu. Dans le milieu, Dyche est une version moderne d’E.T. et Burnley est le vélo qui lui permet de décoller. C’est en réalité un retour au foot normal : le club est une institution, les joueurs en sont la main-d’œuvre et l’économie de la machine est au-dessus de tout. Ainsi, on ne dépense pas ce qu’on n’a pas et on ne réinvestit que ce qu’on gagne tout en prenant soin de structurer l’ensemble. Depuis 2012, Burnley a donc solidifié son stade, son centre d’entraînement et son futur. Et l’effectif dans tout ça ? Il a été monté avec malice et a coûté deux Lacazette environ. La star s’appelle Steven Defour, mais le Belge s’est blessé au genou en janvier et n’est toujours pas revenu sur le terrain. Tom Heaton, le gardien révélé à la gueule du monde lors d’un nul héroïque à Old Trafford la saison dernière (0-0) et devenu international, a, lui, vu son épaule le lâcher en septembre et avale une saison quasi blanche. Pas de problème, Nick Pope l’a remplacé et on parle désormais de lui comme d’un probable numéro un à la Coupe du monde.
Les belles choses de la simplicité
C’est aussi ce qui sort des fourneaux : des internationaux. Lors des deux dernières saisons, des joueurs recrutés en Championship – Tom Heaton, James Tarkowski – ont accroché des capes chez les Three Lions à leur CV tout en hissant leur club loin d’une zone rouge qu’on leur promettait encore en août dernier. Une période où Burnley a préféré tirer une première balle dans le cœur d’un Chelsea champion en titre en allant s’imposer au Bridge (2-3). La suite ? Des performances globales et (enfin) régulières, les Clarets trouvant enfin la route du succès à l’extérieur (sept en dix-sept voyages, là où ils n’en avaient remporté qu’un sur toute la saison 2016-2017, N.D.L.R.) et réalisant quelques beaux coups, notamment un nouveau nul gratté à Old Trafford le 26 décembre dernier (2-2). Dyche a surtout réussi à produire plus de jeu et à inverser les règles économiques du football anglais tout en se voyant offrir des coups gratuits en ville. Alors oui, Pep Guardiola devrait être nommé entraîneur de l’année, mais Dyche mérite sa révérence : parce que la simplicité produit encore de belles choses.
Pour Enzo Maresca, Chelsea sera le grand club anglais des années 2030Par Maxime Brigand