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Pourquoi Naïm Sliti va marcher sur Paris
Natif de Marseille, passé par le Paris FC et le Red Star, Naïm Sliti continue de monter, à Lille. Et ce soir, il va dépasser les étoiles.
Vendredi 28 octobre 2016, 22h35 : Naïm Sliti emporte le ballon du match sous le bras en l’honneur de son triplé. Le stade Pierre-Mauroy est en feu – dans la mesure de son possible –, Paris à terre. Laurent Paganelli court après le héros de la soirée : « Naïm, oh, Naïm ! Qu’est-ce qu’il s’est passé oh, pourquoi t’en n’as pas marqué cinq ? Ahahah, non, plus sérieusement, c’est un match parfait pour toi ce soir ? » Timide, Sliti reconnaît sa réussite, remercie ses coéquipiers, son entraîneur, son président, les supporters et les jardiniers, termine en plaçant « un gros bisou pour mon petit Imram qui doit dormir à cette heure-là (clin d’œil) » et s’en va saluer le virage nord. De bout en bout, prestation parfaite pour l’ailier de vingt-quatre ans. Naïm Sliti vient de faire une entrée fracassante dans le grand monde de la Ligue 1 en retournant le PSG à lui tout seul.
« Dans un an » , c’est maintenant
Tout est écrit. Mercredi, Sunderland et l’Angleterre ont fait connaissance de Sofiane Boufal et de son pied droit délicieux ; aujourd’hui, c’est le PSG qui va apprendre à écrire le nom de son successeur à Lille, en cinq lettres et 90 minutes. Un blase qui, jusqu’ici, n’avait pas vraiment réussi à franchir la limite du périph’. Car la première fois que Naïm a tenté de conquérir Paris, la tentative s’est soldée par une déroute imprévisible. En 2013, deux saisons et 48 matchs de Ligue 2 dans les jambes, Sliti quitte son Sedan formateur et en dépôt de bilan pour rejoindre le Paris FC, une division plus bas. Il arrive dans le XIIIe avec une étiquette de créateur, le plus gros salaire du club… et ne joue pas. Quatre pauvres matchs de National pour l’ancien Sanglier, qui doit se contenter de la CFA 2. Alors, en fin de saison, il s’échappe du traquenard capital pour poser ses guêtres en banlieue, à Saint-Ouen. Là où on saura l’aimer. Là où il pourra exploser.
Deux saisons avec le Red Star, huit goals en National et quatre en Ligue 2, plus une nomination dans l’équipe type de la dernière levée avant l’arrivée des pizzas, jalonnent la route menant à une place de titulaire au LOSC pour affronter le PSG. Ça, et six éléments offensifs sur le flanc dans les rangs lillois. Sauf qu’Antonetti peut bien affirmer qu’il « l’a pris pour le faire évoluer dans six mois, un an » , la vérité est que Sliti est fait pour être décisif dans les matchs qui comptent. Comme ce 15 mai 2015 où, à Fréjus, il marque deux buts en deux minutes d’arrêts de jeu – un raid solitaire et une reprise de volée à l’entrée de la surface – pour faire revenir son équipe à 3-3. Lefaix conclut la remuntada d’un dernier but, le Red Star est champion, Sliti retrouve la Ligue 2.
À jamais le premier
Trois mois plus tard, le Franco-Tunisien fait un pas de plus vers son adoption par le stade Pierre-Mauroy. C’est à 40 kilomètres, Lens est en fête pour l’affiche face au Red Star : le Racing retrouve son Bollaert-Delelis après 15 mois d’exil amiénois. Jusqu’à la 22e minute et un coup franc à 25 mètres, légèrement excentré côté gauche. Sliti s’avance, poteau rentrant, le stade s’éteint. Pire, les Sang et Or ne le savent pas encore, mais le premier but dans le nouveau Bollaert-Delelis restera à jamais inscrit par un futur Lillois. Et ce soir, à Pierre-Mauroy, l’histoire se répétera : Naïm déposera le ballon dans la lucarne d’Alphonse pour son premier but avec le LOSC en match officiel.
Il aurait pu le faire lors de sa 2e titularisation, la semaine dernière contre Bastia, mais c’est Corchia qui a pris le coup franc et les honneurs. Quelques minutes plus tard, c’était au tour d’Eder de conclure une frappe vicieuse de son ailier. Et si faire marquer Eder est, par les temps qui courent, une performance, alors que dire de cette 63e minute, quand une subtile passe croisée aurait pu mettre le nom de Sankharé au panneau d’affichage si ce dernier avait été à la hauteur de son passeur ? Oui, quatre apparitions ont suffi à faire de Sliti le patron du jeu lillois. Quatre matchs pour se chauffer avant l’explosion contre Paris. Avec l’aide de Sankharé évidemment, dans la grande tradition des ex plantant leur ancien club dans le dos.
Le numéro de Gervinho
La première fois, contre Toulouse, la marche Dupraz était trop haute pour les 30 minutes du numéro 27, l’ancien numéro de Gervinho. Mais depuis, Sliti a eu droit à trois titularisations au mois d’octobre : contre Mouscron en amical, il a obtenu et transformé un penalty avant de délivrer un corner décisif ; à Guingamp, il a envoyé un coup franc sur la barre ; et contre Bastia donc, il a fait marquer Eder. Soit plus de frissons en quatre matchs que Ryan Mendes en quatre saisons, entre autres. Pendant ce temps à l’Olympic, on pleure le départ de Naïm Sliti : sans son meneur, le Red Star galère, 15e de Ligue 2 et pénultième attaque avec sept buts en douze matchs, quand le club de David Bellion avait échoué à un petit point de la montée la saison dernière.
Ce soir, Paris va comprendre la puissance venue de sa banlieue. Sliti, né à Aubagne et passé par l’OM en jeunes, va faire à la défense parisienne ce que son ancien club n’a pas su faire au Parc : la retourner. Avec son mental de Viêt Cong – on ne passe par de la Méditerranée aux Ardennes à quatorze ans sans avoir les nerfs solides –, Naïm Sliti va faire danser Aurier et Marquinhos depuis son côté gauche. Et, devant sa télé, l’ancien parisien Alioune Touré, qui a fait bosser Naïm Sliti au Red Star, pourra arborer un grand sourire : dans quelques minutes, Paganelli va interroger son ancien poulain.
Par Eric Carpentier