- Coupe du monde 2014
- Question existentielle
Pourquoi mange-t-on des pizzas devant le foot ?
La pratique est devenue tellement banale qu'on en oublie parfois pourquoi la pizza s'est imposée comme le fil rouge des soirées foot. Vecteur de partage et de convivialité, la spécialité numéro 1 en Italie fait désormais partie du patrimoine culturel comme le vin ou le cassoulet. Parce qu'il n'y a pas plus simple un soir de match ou qu'il n'y a pas meilleur qu'une bonne quatre fromages ? Sûrement un peu des deux.
Certains les aiment moelleuses et généreuses. D’autres piquantes, colorées et bien dodues. Tout le monde s’accorde à le dire : football et pizzas forment une alliance aussi réussie que celle de Brad Pitt et d’Angelina Jolie. La gourmandise en plus. Beauferie sans nom ou simple plaisir de la vie, les soirées passées à squatter le canapé en critiquant le jeu de l’adversaire tout en recrachant ses croûtes de pizza font partie de la culture du fan de foot. Année après année, la spécialité italienne s’est imposée comme l’aliment de base de n’importe quelle soirée Ligue des champions, à tel point qu’il est devenu impensable d’avaler autre chose qu’une grosse Regina devant un PSG-Chelsea. Qui a dit cliché ?
La France, championne du monde de la pizza
L’information est assez peu répandue, mais la France est, aujourd’hui, le plus grand consommateur de pizzas au monde. Devant les États-Unis. Devant la maison-mère italienne (!). À raison d’une par match et par personne, en moyenne, les chiffres de consommation des Français peuvent vite donner le tournis. Dans un pays où la culture foot est loin d’égaler celle de ses voisins européens, le combo pizza/ballon est devenu monnaie courante. Gérant du restaurant Sale e Pepe situé dans le XVIIIe arrondissement parisien, Vincent Cavallaro confirme la tendance : « Pendant les matchs, on se fait vraiment déboîter. Toute l’année, je sais que le mardi, le mercredi et pour certains matchs du dimanche, c’est blindé ! Nous, on fait des pizzas et des pâtes à emporter. Et dès qu’il s’agit de la France, d’une demi-finale ou d’une finale, on se fait allumer. » Si les fans de foot se ruent à ce point sur ces mets, c’est avant tout pour les notions de partage et de simplicité qu’ils véhiculent. Comme l’explique une nouvelle fois Vincent, rien ne remplace la convivialité d’une pizza pour se rassembler et vibrer entre potes devant la bonne purge de Ligue 1 du dimanche soir : « La pizza, c’est facile à manger, tu n’as pas besoin de regarder tes mains quand tu la manges. Tu prends ton triangle, tu le plies en deux pour pas que les ingrédients se cassent la gueule et tu gobes ça en matant la télé. » Exit donc les plateaux sushis raffinés et les assiettes de pâtes les soirs de foot. Un match digne de ce nom se vit sans couverts ni baguettes, mais avec les doigts bien huileux !
« Les mecs envoient souvent les nanas chercher les pizzas »
Évidemment, les chaînes tirent largement profit de la Coupe du monde. Pour David, manageur au Domino’s de la rue des Pyrénées dans le XXe arrondissement parisien, la venue des clients les soirs de match ne fait absolument aucun doute : « Il y a deux types de commandes : celles qui arrivent 15 minutes avant le match, donc en début de soirée. Après, ça se calme un peu et ça reprend durant la mi-temps. » Une période charnière qui nécessite de l’organisation et un certain sens de l’anticipation. Ce qui n’est pas pour rassurer Vincent Cavallaro : « En général, c’est à la mi-temps que les gens veulent la pizza. Ça dure 15 minutes et c’est là où on a quelques soucis. Il y a un délai à respecter. Mes meilleurs clients, ils m’appellent à la 10e minute et me demandent : « Bon, t’es chaud ? Je déboule dans à peu près 30 minutes. » Plusieurs fois, ça m’est arrivé de me planter sur le timing, mais maintenant je mets les chaînes de télé sur mon portable et ils matent le match en attendant que les pizzas sortent. » À chaque problème sa solution, du moment que les ventres sont remplis à temps et que leurs propriétaires n’ont pas perdu une miette du game. Bien entendu.
30 à 60% de ventes en plus
Au-delà d’une tranche horaire bien précise – 20h/22h -, un autre paramètre permet d’identifier les clients qui vont retourner prestement s’engraisser devant leur petit écran. « Le mardi et le mercredi, je sais que c’est le foot. Et puis, de toute façon, il n’y a que des mecs ! Ce qui est marrant, c’est qu’ils envoient souvent les nanas chercher les pizzas s’ils sentent qu’on ne sera pas dans le bon timing pendant la mi-temps » , nous lâche Vincent, amusé. Placés en pole position, les gérants d’enseignes comme Pizza Hut ou Domino’s ne se cachent pas pour dire que le ballon rond contribue à faire fructifier leur fond de commerce. Quitte à en rajouter en décorant leurs boutiques de fanions aux couleurs des équipes nationales pour attirer le chaland en période de Coupe du monde. Employé du Pizza Hut de la rue Ordener dans le XVIIIe arrondissement, Thibaut* est très clair sur la question : « Les soirs de matchs, on estime que l’augmentation du chiffre oscille entre 30 et 60%. Les planning sont adaptés en conséquence et il nous arrive de doubler ou tripler les effectifs ces soirs-là. » Aussi indispensable que le tour au McDo un lendemain de cuite, la commande de pizza un soir de match est devenu un acte de bonne foi. Sodebo ou resto, pâte fine ou épaisse, avec ou sans olives, les formes et les tailles varient selon les préférences et le budget de chacun. « Les soirs où l’équipe de France joue, c’est pire que tout ! » , conclut Thibaut, casquette visée sur le crâne. Vous êtes prévenus : ce soir, il s’agira d’être à l’heure… et de ne pas oublier de mettre les bières au frais.
*Le prénom a été modifié pour garder l’anonymat de la personne
Par Morgan Henry