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Pourquoi les Portugais de France sont-ils tant attachés à la Selecção ?
Les articles de la presse française, à l’encontre du jeu de l’équipe du Portugal durant cet Euro, a fait ressortir le patriotisme des Portugais de France, qui ont mal vécu ces critiques. Insultes, menaces, boycotts, les supporters se sont lâchés sur les réseaux sociaux contre les auteurs de ces papiers. Mais d’où vient cet attachement à la Selecção de ces personnes qui sont pour la plupart nées en France ?
« Nous sommes venus vous remercier pour votre soutien » , a lancé Ronaldo, micro en main et pas dans le lac, en direction des 500 supporters amassés devant le Centre national du rugby de Marcoussis, où loge le Portugal durant l’Euro. On est vendredi, au lendemain de la qualification des coéquipiers de Pepe pour la demi-finale de la compétition. Et comme tous les jours de la semaine depuis le début de la compétition, les amoureux de la Selecção patientent devant l’enceinte pour rencontrer leurs héros. La majorité d’entre eux vivent en France : le dernier recensement en date indique la présence de 1,2 million de personnes d’origine portugaise. Des supporters qui, malgré un attachement certain à la France, terre d’accueil ou de naissance, ne jurent que par la sélection portugaise.
Le rituel des vacances au bled
Pour les Portugais, le football est une religion. Au café ou à table, entre amis ou en famille, les sujets tournent souvent autour du même sujet : le ballon rond. C’est donc assez logiquement que cette passion du football et de la Selecção se transmet de génération en génération. Pour Victor Pereira, enseignant-chercheur en histoire à l’université de Pau, mais également spécialiste de l’émigration portugaise et du sport, le football permet même de resserrer les liens familiaux : « Soutenir l’équipe du Portugal montre, vis-à-vis de ses parents et de soi-même, une sorte de loyauté au pays d’origine. Les enfants ne parlent pas tous très bien le portugais, ils n’ont pas le même milieu social que leurs parents, le football qui est transgénérationnel permet donc ce rapprochement familial. »
Plus que le football, les enfants ou petits-enfants d’immigrés lusitaniens ont, pour la plupart, un fort attachement au pays. Demandez-leur où ils ont passé toutes leurs vacances d’été depuis leur naissance, et la réponse sera toujours la même : « Au Portugal. » Ce contact perpétuel avec le pays d’origine accentue cet attachement au Portugal et donc à la Selecção comme l’explique à Eurosport le Franco-Portugais Raphael Guerreiro, qui a choisi de porter le maillot rouge : « Mon père est portugais, ma mère est française, mais depuis que je suis tout petit, j’ai toujours préféré le Portugal à la France. Dans ma famille, c’est comme ça. Mes frères, c’est pareil. Avant que je rejoigne Caen, nous allions tous les ans en vacances près de Faro (au sud du Portugal). »
Un attrait également lié au succès
Si Guerreiro n’arrive pas à trouver une réelle explication à sa préférence pour le Portugal, Victor Pereira pense que l’une des raisons de cet attachement est à retrouver dans les cours de récréation : « À l’école, les autres camarades nous appellent « le Portugais », et inconsciemment on adopte cette mentalité. Le processus d’attachement au pays s’accentue. » Le football portugais qui a connu de nombreux joueurs de classe mondiale ces 15 dernières années comme Luís Figo, Pedro Miguel Pauleta et maintenant Cristiano Ronaldo, permet donc aux enfants de se servir de ce sport pour avoir un moyen de réponse : « Supporter le Portugal permet de retourner le stigmate à son avantage. L’enfant peut répondre avec fierté :« Je suis d’origine du même pays que Ronaldo. » »
Le niveau de jeu du Portugal sur les quinze dernières années joue donc un rôle majeur dans l’attachement à la Selecção. Il n’est pas impossible de penser que, si la sélection était classée à la 80e place du classement FIFA, l’attrait pour l’équipe du Portugal serait beaucoup plus modéré. Lors de la Coupe du monde de rugby 2007 en France, il n’y avait pas le même attachement à cette sélection, qui a pris un violent 108-13 contre la Nouvelle-Zélande. En revanche, Victor Pereira rappelle que dans les années 1970, les Portugais de France vibraient au rythme de Joaquim Agostinho, un cycliste lusitanien deux fois troisième du Tour de France et vainqueur de quatre étapes sur la Grande Boucle : « À part le foot et le rink hockey, les Portugais n’excellent pas dans d’autres sports. Il y a eu ce fort appui au cycliste Agostinho. D’ailleurs, il n’est pas impossible de voir des drapeaux à son effigie dans certains bars portugais de Paris entre les écharpes de Benfica, Porto et du Sporting. » D’ailleurs, il va comment José Azevedo ?
Plus Ronaldo que Premier ministre
La relative faiblesse des Portugais dans les autres sports médiatisés comme le basket, le tennis, le handball ou encore le rugby fait que beaucoup de personnes d’origine portugaise vont supporter l’équipe de France dans ces sports. Mais en football, ces mêmes supporters ne seront pas derrière les Bleus, mais uniquement derrière la Selecção. Les confrontations de 2000 et 2006 entre la France et le Portugal ont accentué cette rivalité footballistique, attisant le besoin de choisir. Preuve qu’en football, les Portugais aiment se retrouver entre eux. Il n’est pas rare de voir en France des clubs « réservés » aux Lusitaniens. On n’en dénombre pas moins de neuf dans l’Essonne, avec par exemple les Portugais Ulis A.S. ou encore les Portugais Ris Orangis U.S.
Le lien familial mis de coté, le football est un des rares éléments qui permettent aux Franco-Portugais de garder une accroche affective avec leur pays d’origine. Victor Perreira rappelle, à juste titre, que « le Français d’origine portugaise s’intéresse plus à la sélection portugaise qu’à la vie politique du pays. Beaucoup ne sauraient pas donner le nom du Premier ministre portugais, alors qu’ils sont tous capables de donner le 11 du dernier match du Portugal. » Si António Costa est le Premier ministre, les supporters ne savent toujours pas qui sera le premier Portugais à soulever un trophée avec la Selecção. Et si c’était CR7, le 10 juillet prochain à Paris, devant toute la communauté portugaise de France ?
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