- Mode et foot
Pourquoi les maillots des équipes féminines sont plus beaux que ceux des hommes
Pour le Mondial 2023, Nike est l’équipementier de treize sélections féminines (dont la France). Et que ce soit pour les clubs ou pour les sélections, le côté esthétique semble plus travaillé que pour les maillots masculins. Un constat qui peut s’expliquer par des choix marketing, mais également s’inscrire dans un mouvement de mise en valeur et de lutte sociale pour les femmes. Focus.
Avec le développement croissant du football féminin, répondre au mieux aux attentes des joueuses devient crucial. Un des gros enjeux est notamment de les « rendre visibles par le vêtement », selon la formule de Claire Allard, cofondatrice d’ALKÉ (marque de vêtements de sport lifestyle dédiée aux femmes, qui fournit aujourd’hui des équipes de football amateur). « Les pionnières du football féminin ont toutes relayé le combat du droit de jouer pour toutes, et œuvré pour le droit des femmes. Le vêtement était déjà un moyen de lutte, d’émancipation », rappelle Claire Allard, qui a très tôt compris que l’équipement féminin était une réelle problématique. Plus jeune, elle jouait en club avec les maillots des garçons, puisque son équipe n’avait pas de tenue à disposition. C’est donc de la frustration liée à des expériences personnelles et de sa passion pour le foot ainsi que pour la mode que l’idée de créer ALKÉ a germé. « La problématique de l’équipement était assez importante parce qu’on nous donnait des maillots de garçons, qui n’étaient déjà pas flambant neufs et qui étaient en plus beaucoup trop grands », raconte-t-elle. Chez Nike, en tout cas, la conception des maillots des équipes féminines passe par une recherche minutieuse qui se reflète sur les produits finaux.
Angelo Trofa, designer graphique pour la marque à la virgule, détaille les dessous de la création des maillots des Bleues dans une interview accordée à Footpack : « Il s’agit avant tout de raconter une histoire, un nouveau storytelling. Pour les maillots de l’équipe de France féminine pour lesquels j’ai travaillé, il s’agissait vraiment d’essayer de trouver une histoire unique que nous pourrions raconter et qui serait spécifique aux Bleues. Et pour ce faire, nous avons vraiment étudié les origines de l’équipe nationale féminine française avant même qu’elle ne soit une fédération officielle. » Le maillot que les joueuses d’Hervé Renard vont porter pour le Mondial s’inspire ainsi de l’orphisme, un courant artistique des années 1920 constituant une variante du cubisme qui met en avant l’utilisation de formes géométriques épurées dans l’art. C’est également à cette époque que les premières sélections d’équipes françaises de football féminin ont commencé à voir le jour, avec par exemple l’écusson de l’équipe de France brodée dans un hexagone. Et pour que le storytelling ou le travail de recherche autour de ces maillots aient également une utilité sociale, les équipementiers n’hésitent pas à mettre en avant l’inclusivité de leurs vêtements. « À l’approche de ce Mondial, nous avons mis en place notre plus grande collection de vêtements de supporters. Les hommes, les femmes ou les enfants peuvent acheter des pièces pour être des supporters et défendre le football féminin », explique Charlotte Harris, également directrice de la conception chez la marque au Swoosh. Même son de cloche du côté d’ALKÉ, qui précise être une marque « inclusive ».
Allier la mode et le sport
« Allier le sport et la mode à travers le football. » Tel est l’un des objectifs principaux d’ALKÉ, la marque créée en 2019. Partie du constat que les maillots présents sur le marché n’étaient pas vraiment adaptés aux femmes, Claire l’a cofondée avec Barbara et Laura. Il s’agissait, alors, de répondre à un véritable besoin pour faire face au « manque d’équipement dédié, et au manque de reconnaissance en tant que sportive dans un environnement encore très masculin ». Le but, aujourd’hui, est de créer « des combinaisons plus issues des tendances de la mode que ce qu’on pouvait voir dans le sport en tant que telles ». Elle regrette d’ailleurs que les maillots féminins ne soient parfois qu’un calque de la version masculine, plus cintré et agrémenté de « rose ». La solution ? Concevoir des maillots pour les femmes, avec l’avis des femmes.
« On a interrogé les joueuses pour savoir quels étaient leurs envies, leurs besoins. Ce qui est le plus remonté, c’est qu’elles ne voulaient pas de coupe cintrée. Elles souhaitaient davantage un maillot dans lequel elles étaient libres de leurs mouvements et qui n’était pas moulant, plutôt droit, ample et confortable. Le confort, on est aussi allé le chercher dans le choix des matières. On a trouvé des matières qui étaient légères, douces et respirantes. Ce qui permet également de dire “Je porte un vêtement, mais je porte un vêtement qui ne me fait pas me sentir autre que moi-même. Je me sens vraiment à l’aise et confortable dans mon maillot, ce qui me donne encore plus de confiance pour être à l’aise sur le terrain en tant que telle” », raconte la jeune responsable. Allier la mode et le sport en prenant en compte des problématiques exclusivement féminines comme les règles, ALKÉ y voit une nécessité plus qu’un choix esthétique. C’est d’ailleurs pourquoi la marque privilégie les shorts foncés et travaille même actuellement sur le développement de « shorts menstruels », sur le modèle des culottes menstruelles. Cette question avait déjà soulevé plusieurs questionnements, et mené des changements. Les Lionnes de l’équipe d’Angleterre évolueront donc au Mondial avec des shorts bleus au lieu de blanc, a annoncé la fédération anglaise de football. Un petit pas pour le football, un grand pas pour la société.
Par Gnamé Diarra