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Pourquoi le Mondial des clubs est-il si important pour les Argentins ?

Par Ruben Curiel
5 minutes
Pourquoi le Mondial des clubs est-il si important pour les Argentins ?

Independiente en 1984, River Plate en 1986, Vélez en 1994, Boca Juniors en 2000 et 2003 : bon nombre d’équipes argentines ont créé l’exploit de remporter la Copa Intercontinental, ancêtre du Mondial des clubs. Retour sur l’importance de cette compétition, avec quelques vainqueurs mythiques.

Juan est supporter de River Plate depuis son enfance. « L’héritage paternel » , dit-il. Pour ce Mondial des clubs, il a parfaitement préparé son coup : « Je travaille dans le bâtiment. Dès qu’on a gagné la Copa Libertadores, j’ai annoncé à mon patron que je voulais prendre mes vacances en décembre. Il a su directement que c’était pour faire le voyage au Japon. » Devant les refus constants de son boss, le socio des Millonarios a tout quitté : « Je suis allé le voir, et je lui ai dit clairement : « Vous savez que mon club passe avant tout. Et je lui ai montré mon tatouage de la Copa Libertadores. » Il m’a envoyé chier. J’ai directement pris la décision de démissionner. Heureusement que je n’ai pas de femme et d’enfants, parce que je les aurais laissés aussi. » Aujourd’hui, il fait donc partie des 15 000 supporters de River Plate qui vont envahir Osaka, d’abord pour la demi-finale du Mondial des clubs face à Sanfrecce Hiroshima, puis Yokohama, dans l’optique d’une finale de rêve face au FC Barcelone. Les joueurs qui ont remporté ce titre (ou la Coupe intercontinentale, ancêtre de ce petit Mondial) comprennent la folie des supporters, et la symbolique de ce titre de champion du monde. Témoignages.

Quand le Rojo bat les Reds

Les exploits sont légion. Independiente qui vient à bout de Liverpool, River qui bat le Steaua Bucarest, Boca Juniors qui surclasse le grand Real Madrid en 2000. Outre un trophée de champion du monde qui trône dans les musées des clubs, ces victoires permettent au football argentin d’un temps régner sur l’européen. Jorge Burruchaga, ancien milieu de terrain d’Independiente, a soulevé la fameuse Copa Intercontinental, en battant le Liverpool de Kenny Dalglish et Ian Rush, en 1984. Dans une interview pour So Foot, il donnait une dimension politique à cette victoire, comme une « revanche » de la guerre des Malouines : « C’était le premier match d’après-guerre entre Argentins et Anglais. Ça a été toute une histoire, d’ailleurs. Le président argentin, Alfonsin, et le Congrès ne voulaient pas que l’on aille jouer ce match au Japon. On a dû aller nous-mêmes mettre la pression, expliquer qu’il s’agissait d’une grande possibilité pour nous, qu’on avait gagné le droit de disputer ce match, qu’il ne fallait pas mélanger le foot et la politique. Ça a été difficile, mais on a fini par jouer, et gagner. Contre une énorme équipe de Liverpool ! » À l’époque, une finale se jouait directement entre le vainqueur de la Copa Libertadores et celui de la Coupe des clubs champions.

Deux ans plus tard, c’est River Plate qui se présente face au Steaua Bucarest. Norberto Alonso, idole du club, se souvient : « Le River de 1986 était très, très, très fort. Il pouvait gagner partout, était très compact, difficile à bouger. Il était sûr de lui. On perdait 2-0 et on savait qu’on allait quand même gagner, tu vois ? On avait des phénomènes de partout :El Cabezón(Oscar Ruggeri),El ToloGallego,El NegritoHenrique, Enzo Francescoli. Même nos remplaçants étaient très bons. » Il raconte les dessous tactiques d’une victoire un à zéro : « Notre entraîneur, Héctor Rodolfo Veira, avait remarqué en les étudiant que quand l’arbitre sifflait, ils se déconcentraient et tardaient à se remettre en place. Ils tournaient le dos à l’action. Donc sur une faute anodine au milieu de terrain, je joue vite et offre un caviar à Antonio Alzamendi. 1-0, match plié. » El Beto décrit l’importance de ce titre : « Après cette action, je me suis dit : « C’est bon, j’ai tout donné pour le club. C’est fini. » À la fin du match, je ne pouvais même pas fêter le titre. J’étais vide, j’ai eu des frissons, comme si la mort venait. C’était une journée grise, et on a fait sortir le soleil avec notre résultat. » Il ajoute : « Je suis allé au vestiaire, je me suis allongé sur une civière. Je voulais juste rentrer en Argentine, offrir les cadeaux que j’avais achetés au Japon à mes enfants. » Un mois plus tard, il annonce sa retraite à 34 ans. « La consécration parfaite » , conclut-il.

Boca se paie le Real et le Milan

Comment parler du titre de champion du monde sans aborder les exploits de Boca Juniors. En 2000, Riquelme réalise le meilleur match de sa carrière, et cela face à Claude Makelele et Iván Helguera. Et Carlos Bianchi donne une énième leçon à un grand entraîneur européen. L’ancien entraîneur de Reims avait, en 1994, remporté le titre avec Vélez, contre le Milan AC de Capello. Six ans plus tard, c’est Del Bosque qui rentre bredouille de Tokyo. Bianchi témoigne : « C’était un match atypique. On avait marqué deux buts en six minutes. Le Real a marqué à la douzième. Ensuite, c’était compliqué. Ils ont poussé, mais on a tenu. » Selon lui, cette compétition est aussi importante pour les Européens que pour les Sud-Américains : « Ça, c’est l’excuse que les Européens utilisent quand ils perdent. Mais c’est faux, tout le monde la joue avec la même envie. Avant la finale de 2007, Maldini avait déclaré qu’il voulait remporter cette rencontre, parce qu’il n’avait pas digéré la défaite contre Vélez en 1994 et contre Boca en 2003. Cela montre simplement que tous les footballeurs veulent gagner cette compétition. » Le mot de la fin revient à Juan : « Pour un supporter, je t’assure que ce n’est pas la même chose de battre le Real ou le Barça, que de remporter un simple match de championnat contre San Martín de San Juan. Si on est champion du monde, si on bat le Barça de Messi, ma vie sera totalement différente. »

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Par Ruben Curiel

Propos de Jorge Burruchaga recueillis par Léo Ruiz, ceux de Juan, Norberto Alonso et Carlos Bianchi par Ruben Curiel.

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