- Billet d'humeur
- Réflexion intellectuelle autour du football
Pourquoi le football-il est meilleur que les animaux ?
L'enfer vert, ce n'est pas la jungle, c'est le terrain de foot. Puisque 30 Millions d'Amis prend la suite de Téléfoot le dimanche, vous pourrez comparer sans trop d'efforts.
Vendredi 26 octobre 15h34, comme chaque vendredi à 15h34 depuis que vous avez perdu votre job chez PSA, la télévision vous regarde dans le blanc des yeux. Aujourd’hui est un mauvais jour, beIN Sport 1 passe une redif de la finale du Superbowl entre le Tampa Bay Buccaneers et le Minnesota Viking. Le football en armure, pas vraiment votre tasse de thé. Vous zappez rageusement sur beIN Sport 2. Pas de bol, la demi-finale de l’Open féminin de Bang Saen. Du beach-volley féminin. L’angoisse vous saisit à la gorge, la sueur perle sur votre front. Excédé, vous décidez, le cœur gros, de quitter votre confortable train-train pour bifurquer vers un autre canal télévisé. Ça ne vous était pas arrivé depuis le 8 septembre… Vous visez M6 mais comme votre doigt est gros et boursouflé, il effleure par mégarde la touche 5. Patatras, France 5, le coup est parti et vous vous retrouvez nez-à-nez avec un Lion (de la Téranga) qui s’apprête à bondir sur une frêle antilope.
La parade nuptiale du paon
Fasciné par l’instinct de prédateur du félin, vous croyez distinguer dans son regard la même flamme malsaine qui brilla dans celui de Nigel de Jong le jour où il mordit dans le tibia de cette pauvre bête d’Hatem Ben Arfa. Intrigué, vous repassez sur la chaîne sportive pour observer le duel entre deux grands mâles en rut, Arjen Robben et Franck Ribery, à la lutte pour obtenir les faveurs de la balle sur un coup franc. Pris d’un affreux doute, vous décidez d’en avoir le cœur net en zappant sur Planète TV : un reportage sur le dressage des lions de mer. De plus en plus étrange, vous observez l’otarie en train jongler du bout du museau et de faire mumuse avec la baballe. Le public applaudit et en redemande. Devant votre téléviseur, tel le chien de Pavlov, vous vous mettez à saliver au moment où l’animal enchaîne les gestes techniques. Puis, vous décapsulez une bière, par réflexe.
Frappé par tant de ressemblances, vous commencez à établir une théorie fumeuse : comme la bête, le footballeur serait mû par son instinct. Sa condition humaine laissée au vestiaire, le joueur entre sur le terrain pour courir, sauter, sa battre, se vautrer dans la boue, baver, aboyer, etc. Ses mouvements, ses inspirations, ne sont pas le fruit de son raisonnement intérieur mais plutôt d’une sorte d’intelligence primaire, d’une intuition primitive. Et plus le footeux est bon, plus il se laisse aller à son esprit animal, quitte à parfois disjoncter totalement et à foncer tête baissée sur le poitrail de son concurrent. « Le bec du perroquet qu’il essuie quoi qu’il soit net » , disait Pascal. Plongée dans la fange, la bête relève en effet parfois la tête, c’est le temps des amours. Le paon lustre ses plumes et débute sa parade nuptiale, il fait la roue et appelle « Léon », sa femelle. De l’autre côté de la chaîne alimentaire, le Cristiano Ronaldo gominé fait le beau, il glisse sur les genoux et rugit devant la caméra. Tout aussi viril, le Mario Balotelli à crête ôte son maillot, prend la pause et exhibe ses attributs physiques.
La Chèvre de Monsieur Seguin
Émoustillé par cette géniale intuition, vous cherchez des références pour étayer votre thèse. N’en déplaise à messieurs de La Fontaine et Daudet, vous mélangez Le Corbeau et le renard et La Chèvre de monsieur Seguin pour inventer une nouvelle fable footballistique : Le Renard et la chèvre. Le buteur n’a le choix qu’entre deux éléments du bestiaire : le renard et la chèvre. Rusé comme un goupil, il peut se faufiler au milieu des bovins défenseurs, furète, attend son heure, puis au moment où personne ne l’attend, il fond sur sa proie, rapide comme l’éclair, et envoie la balle au fond des filets. Il est Pippo Inzaghi, le renard des surfaces. A l’opposé campe le ruminant, pataud balle au pied, maladroit au moment d’achever le gardien, l’animal trouve toujours le moyen de manger la feuille de match. Il est Mamadou Samassa ou Dennis Oliech, il est la chèvre du pâturage.
La théorie est vérifiée, tout concorde, le gardien qui tisse sa toile dans les cages, le guépard qui déborde sur l’aile, le molosse qui hurle ses consignes sur le bord du terrain. Vous en êtes persuadé, le footballeur représente à lui seul l’essence du règne animal, il est le roi de la jungle, le meilleur de tous. A force de zapper entre les deux chaînes, votre esprit se met à dérailler. Tout s’embrouille dans votre tête. Déboussolé, au bord de la crise d’épilepsie, le week-end suivant, en tribune, vous imiterez le cri du singe et balancerez des bananes sur le pré. La prochaine fois, vous irez au zoo.
Par Pablo Garcia-Fons