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Pourquoi le football est-il meilleur que Paris-Roubaix ?
En pleine période de classiques flandriennes, la Métropole européenne lilloise accueille ce dimanche l’arrivée de la 117e édition de Paris-Roubaix. Au bord des routes pavées du Nord, nombreux sont les spectateurs qui attendront des heures avant qu'une énième victoire belge vienne ponctuer cette sale journée. Autant aller se mettre derrière une main courante ou dans les gradins du stade Pierre-Mauroy, il y fera moins froid.
Impossible de se lever tôt comme décidé unanimement la veille lors d’une cuite aussi banale qu’affligeante. Dès le petit-déjeuner, les questions fusent. Compiègne ou Roubaix ? Carrefour de l’Arbre ou Trouée d’Arenberg ? Confiture Bonne Maman ou confiture de ta mère-grand ? Direct Energie ou Groupama-Française des Jeux ? Jupiler ou Stella Artois ? Mais pourquoi devrait-on s’entasser au petit matin sur les bords d’une route pour attendre, et attendre ? Pourquoi s’infliger l’accent flamand et la descente rapide d’une Jupiler chaude dès 10 heures ? Allons plutôt rendre visite à Pierre Mauroy et Christophe Galtier. Il paraît qu’ils affrontent le PSG.
La dictée du metteur en selle
Comme chaque année, Paris-Roubaix a débuté mi-mars avec sa dictée annuelle qui met aux prises cent soixante-dix élèves de la métropole lilloise. Le meilleur de chacune des sept écoles présentes ce 19 mars aura le droit d’accéder aux coulisses de l’arrivée. Mais quel genre de compétition sportive permet aux enfants d’assister à un événement sportif (gratuit) par le biais d’une dictée ? Drôle de départ pour une course où la sueur, la tactique et le collectif sont le moteur de la réussite, tout l’inverse d’une compétition orthographique. Le flegmatique Antoine Blondin avait échoué à un concours de rédaction du même style, l’empêchant d’assister au Tour de France alors qu’il était l’élève de sa classe le plus sportivement passionné. Comment un gosse peut-il se relever après ça ?
Voyez donc le petit Raphaël, féru de dérailleurs et de rustines, mais cancre invétéré, se vautrer sur sa dictée comme Niki Terpstra sur les routes pavées. Louis, lui, n’en a rien à carrer de Paris-Roubaix, encore moins du Néerlandais. Excellent élève en français, il bazarde la dictée comme la quasi-totalité des autres écoliers. Furieux et atterrés devant la nullité des copies, les correcteurs envoient finalement les élèves aller réparer les pavés qui mèneront les coureurs à Roubaix. Quelle drôle d’idée. Imaginez Pierre Ménès faire une dictée à une classe de Boulogne-Billancourt pour permettre à une poignée de gosses d’assister à un match du PSG. Pour gagner, nul besoin de savoir écrire « petit pont » , « but somptueux » ou « dribble chaloupé » . « Gros con » , « salaud d’arbitre » et « il est mauvais » suffiront. Trop facile pour Raphaël, qui a bien fait de participer aussi à la dictée football. La logique est enfin respectée.
Pierre qui roule n’amasse pas mousse
Revenons là où se vit la course, sur le bord de la route. Un lieu où il y a les courageux d’un côté, et les endimanchés de l’autre. Pour Paris-Roubaix, faire partie de la seconde catégorie vous contraint à arriver le dernier. Vous essayez alors de vous faire une place, mais Wallons et Flamands ont déjà pris leur marque et leur aise, quadrillant les bords de route comme un Néerlandais et son camping-car mal garé. Il est alors temps de prendre son mal en patience et de jouer des coudes tel un festivalier plantant sa tente sur le campement d’à côté. Le fan club de Pierre Rolland, pourtant absent ce dimanche, a pris ses aises dans le Carrefour de l’arbre. Laissés libre par les végétariens d’à côté, un coin à l’ombre est jonché de canettes et de détritus. Quel bordel.
Une fois installé, il est temps de s’intéresser à la course et ses héros. Il est déjà 14h30, mais les coureurs ne passent que dans deux heures. Pour se mettre au courant de l’évolution de la course, tout le monde checke son téléphone. Comme quoi, les stades ne sont pas les seuls à s’être smartphonisés. Manque de chance, personne ne capte dans ce coin paumé, là où l’OLwifi du Groupama Stadium vous aurait envoyé les derniers tweets de Jean-Michel Aulas en instantané. La radio des cyclix d’à côté diffuse la course, mais en flamand, forcément. Allelujah, Arthur a enfin une once de 4G, mais il ne lui reste plus que 10% de batterie, car il a regardé une compilation des plus beaux sprints d’Arnaud Démare. Autant dire pas beaucoup. Il prend alors la décision non collégiale de ne faire que trois points course par heure en actualisant vigoureusement le live & direct de la RTBF. Tous tabassés par un savant mélange soleil, Jupiler et accents du Benelux, l’attente est longue. Mais les coureurs pointent enfin le bout de leur nez. L’espace de quelques secondes, une vague Total, Groupama-FDJ, Deuceunink, Lotto, Jumbo, Direct Energie passe en trombe dans un vacarme assourdissant. La voiture-balai fait son apparition derrière le peloton, comme si les exhumés avaient le droit eux aussi à leur montée aux flambeaux.
Maintenant que les coureurs sont passés, il faut se précipiter à travers champs pour s’agglutiner derrière un écran géant où Wallons, Ch’tis et Flamands beuglent à tue-tête. Les derniers miles se vivent en direct et, allez savoir pourquoi, c’est le vélodrome de Roubaix qui ponctue cette course de pavés retapés par des écoliers. C’est ici, dans les douches du vélodrome, que le patronyme du vainqueur sera écrit sur une plaque dorée. Comme souvent, le nom qui y sera inscrit n’est pas français. Pour battre les Belges, inutile d’aller à Paris-Roubaix, c’est vers le football qu’il faut se tourner.
Par Maxime Renaudet