- Billet d'humeur
- Réflexion psychologique autour du football
Pourquoi le football est-il meilleur que GTA ?
C’était le moment que les lascars du monde entier attendaient tous. Ce mardi 17 septembre, ils n’avaient que ces trois lettres à la bouche. Alors, LDC ou GTA ? Ligue des champions, évidemment. Voici pourquoi.
Ils ont raison, les vieux. Le monde se barre en sucette. Prendre des photos de soi tout nu afin de les publier sur des réseaux sociaux passe encore. Il y a un âge où on a besoin de lire que son zizi est un peu petit ou que cette paire de fesse est résolument trop grosse quand on ne s’appelle pas Lopez ou Knowles, mais Dupont. Poster des images de la jaquette d’un jeu vidéo pour en accuser réception comme si l’on venait de recevoir le faire part de mariage du couple Pitt-Jolie, en revanche, est une honte. C’est exactement ce qu’il s’est passé ce mardi, quand le très attendu GTA V est arrivé en France, le même jour que la reprise de la Ligue des champions. Et vas-y que je me prends en photo avec comme si je posais avec Kate Upton, vas-y que je raconte que « ma copine va devoir prendre sur elle parce que je vais jouer » alors depuis Cindy, cette fille peu farouche de Terminale S, c’est le désert de Gobi, vas-y que je commence déjà à dire que ce week-end, on ne regardera ni Roma-Lazio, ni City-United ni PSG-Monaco parce qu’on a trouvé mieux à faire. Vraiment ?
Los Santos, Castolo et Bolata
Sans doute ces personnes-là ont-elles oublié qu’à l’époque où elles jouaient à Rayman et à Tétris, on ne dégainait pas le Kodak jetable jaune ou le Fuji vert pour immortaliser son faciès boutonneux avec la célèbre cartouche de Nintendo. Peut-être ont-elles oublié qu’à une ère où le premier opus de Grand Theft Auto est sorti en deux dimensions, 2D rimait avec L’Entraîneur, puis avec Football Manager. Soyons clairs, quitte à voir des petits points de haut, ce qu’on veut, c’est Henri Saivet et Maxim Tsigalko, pas un petit point qui va répondre dans des cabines téléphoniques. Alors oui, depuis, le graphisme a évolué. Le budget avec. Dans le monde des gamers, il se murmure que GTA V, dernier du nom, a coûté 256 millions de dollars. Plus de 200 millions d’euros pour des fusillades, du trafic de drogue et des femmes dénudées. De quoi assouvir la soif de s’encanailler du joueur lambda, certes. Mais si c’est pour ressortir la même soupe à chaque opus, avec un scénario un peu différent, Pablo Correa n’avait guère besoin de plus de dix millions pour faire vibrer les supporters de Nancy à sa façon. Après, c’est sûr, les « States » , comme ils disent, ça claque plus que Marcel-Picot. Mais pour des puristes du jeu vidéo, il est quand même bizarre de se balader dans les rues de « Libery City » ou de « Los Santos » , non ? Au fond, ces villes sont à New-York et à Los Angeles ce que Roberto Larcos et Batustita sont à Roberto Carlos et Batistuta : des Castolo et Bolata de la géographie.
Paint&Spray et Sócrates
Il y a aussi eu GTA Vice City. Un opus qui sent bon la Floride des années 80, la chemise à fleur et Tony Montana. Et le football des années 80, vous y avez pensé ? Vous avez pensé à Sócrates et à son Brésil ? Vous avez pensé au Marius Trésor de Bordeaux et à Alain Giresse ? C’est autre chose Sonny Forelli et la radio disco Fever 105, hein. De toute façon, avec GTA, vous êtes foutu. Vos potes vous voient déjà en train de vous tâter à refuser ce football du dimanche, prétextant la maladie de votre chien, juste pour passer la journée devant la console. Ce n’est pas grave ? Non, c’est sûr que ne plus avoir de potes et devenir gros, ça n’a jamais tué personne. Après tout, aller repeindre sa caisse à Paint&Spray pour échapper à la police est peut-être plus enrichissant que de découvrir les couleurs folles de la nouvelle Seat du Portugais de votre équipe. Peut-être que se bastonner avec les Yakuza est moins humiliant que de se faire gifler par l’équipe d’Asiatiques du coin. Oui, celle qu’il y a partout en France. Celle qui, face à votre escouade de débraillés, possède des maillots floqués et 11 joueurs à la condition physique digne de celle de Park-Ji Sung. Au fond, l’amateur de GTA fuit les vraies embrouilles, celles avec les potes, parce qu’il préfère s’embrouiller avec les Yardies, le gang de Jamaïcain de GTA 3 ou avec les Diablos. Car au pire des cas, s’il se fait démonter, il y a un code. Ce n’est pas comme quand il râte une relance. En fait, ce mec, c’est un lâche. Il fuit la vraie vie, alors que le football, c’est la vraie vie. Saint-Étienne – Toulouse, c’est la vie. Les ultras, c’est la vraie vie. Et eux, les flics n’attendent pas qu’ils aient six étoiles pour sortir les gaz lacrymos, hein. Et puis qu’est-ce qu’il croit, le fou de GTA ? Que les Girondins de Bordeaux ont attendu Rockstar pour faire apparaître un tank devant les buts ? S’il veut faire le voyou, qu’il aille embrouiller Martin Škrtel et Japp Stam. Là, il pourra prendre une photo du résultat. Au moins, celle-là, elle fera vraiment le buzz.
Par Swann Borsellino