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Pourquoi le foot est meilleur que le tour de France ?

Par Ugo Bocchi
5 minutes
Pourquoi le foot est meilleur que le tour de France ?

Un truc auquel on s'intéresse deux semaines par an, pratiqué avec des collants et sponsorisé par Oakley... Tu te poses sérieusement la question ?

Un filet de bave roule sur ton menton. Un autre, de sueur cette fois-ci, prend son départ au pied du col de ton aisselle et s’apprête à rejoindre le peloton agglutiné au creux de tes reins. Le ventilateur s’est enrayé, il fait chaud. Il fait moite, surtout. Mais la douce voix d’Eric Fottorino continue quand même de te bercer les oreilles : « L’abbaye de Saint-Victor, construite en 1743 par le maréchal Cloizon est un joyau de l’architecture berrichonne post-médiévale… » Thierry Adam et Laurent Jalabert chuchotent également. Ils le savent bien : à 14h34, les téléspectateurs se trouvent bien devant leur écran, mais leur attention n’est pas tout à fait au rendez-vous.

Présentation non-officielle du Tour

Si certains téléspectateurs sont déjà dans les bras de Morphée, comme Tonton Richard affalé à tes côtés qui te le fait allègrement remarquer à grand renfort de ronflements et de bruits de lèvres qui collent et se décollent, les autres s’accrochent au grupetto (surprise pour ceux qui pensent encore que ça s’écrit groupe-étau). Ils pédalent pour arracher les quelques minutes, quelques heures du sommeil tant espéré. Bref, tout est parfaitement agencé pour t’offrir la sieste de tes rêves. Et puis, tout à coup, ça hurle : « Chute ! Chute dans le peloton ! » Sur sa moto, Cédric Vasseur a oublié la règle d’or et t’a sorti de ton coma, aussi violemment qu’Eugène Saccomano ou Avi Assouly pour « une touche dangereuse » de l’OM. Et tout ça parce qu’un mec a déraillé.

Mondial > Tour

Personne ne s’en cache et même le dictionnaire le confirme : le Tour de France est synonyme de sieste – enfin, quand les commentateurs veulent bien te laisser tranquille –, là où le foot prône la convivialité et le partage. La dernière fois que tu t’es endormi devant un match, c’était pour la retransmission d’une rencontre estivale entre le Stade brestois et l’amicale de Concarneau. Autant dire, pas vraiment une énorme perte. Le Tour veut faire la promotion de Saint-Jean de Cuculles, Grateloup-Saint-Gayrand ou de Chantemerle-sur-la-Soie ? La Coupe de France s’en charge toute l’année. Le pire étant tout de même la différence de consommation entre les deux sports : le cyclisme se vit seul devant un petit écran, le football se partage au bar.

Le Tour de France, ce sont des heures et des heures de route pour quelques secondes (au mieux) de spectacle en plein cagnard, à dormir dans une tente en bord de route, sur une pente où les spectateurs se poussent pour voir un mec pédaler et un type courir tout nu – pratique volée, soit dit en passant, au ballon rond – alors que le foot, ce sont des infrastructures prévues pour l’occasion, des fumigènes craqués en toute sécurité, des copains toujours sobres, du respect pour l’adversaire et une relative cohérence du public. Une vraie organisation d’un côté, un événement où des photographes rentrent sur le terrain et mettent en danger le sportif de l’autre. Le jour contre la nuit. La panenka de Pirlo contre celle de Landreau.

Zlatan > Giro

Et puis comment peut-on sérieusement s’intéresser à un sport qui n’a d’intérêt que deux semaines par an ? Certains diront que le Giro, c’est super intéressant. Ils soutiennent également que Better Call Saúl est aussi réussi que Breaking Bad. D’autres diront que la Vueltaest un monument. Ceux-là même qui t’assurent qu’ils suivent encore le Paris-Dakar. Et puis il y a ceux qui diront que les Classiques, il n’y a que ça de vrai. Un mensonge proféré avec le même aplomb que Zlatan quand il arrive à l’AC Milan et déclare qu’il a toujours rêvé de jouer ici, alors que le mec est déjà passé par la Juve et l’Inter. Le même culot qu’Arnaud Démare (et quelques autres coureurs français avant lui) quand il annonce, dans le plus grand des calmes, « qu’il croit en ses chances de victoire sur le Tour » .

Non, la vérité, c’est que le cyclisme – et c’est malheureux à dire –, on ne s’y intéresse qu’une infime partie de l’année : l’été. Pile-poil pendant le mercato, la période où il ne se passe tellement rien qu’on a le droit de consacrer sa Une à des rumeurs de transfert sur Olivier Giroud. Coïncidence ? Absolument pas. D’ailleurs, l’année prochaine, les dates du Tour sont décalées pour ne pas être éclipsées par la Coupe du monde. Les Belges et les Néerlandais exultent : ça leur fait au moins une chance d’assister à une victoire l’été prochain.

Matador > Blaireau

Et que dire des surnoms donnés à certains des plus grands cyclistes ? Le blaireau, l’ogre de Tervueren, le géant de Navarre, le panda, l’ogre de Rostock, le pirate, menthe à l’eau, le ouistiti des Cimes, Tonin le taciturne, ou encore l’aigle de Vizille… Non, s’il vous plaît, messieurs, restons sérieux. À croire que le salut des journalistes spécialisés dans le cyclisme, dont l’ennui au boulot ne doit avoir d’égal que la puissance offensive du LOSC cuvée 2015-2016, passe par l’invention de pseudonymes en trois particules qui ne veulent rien dire. Certes, on est un peu moins imaginatif dans le milieu du ballon rond, mais au moins, les surnoms que portent les joueurs ont un sens. Le jargon du cyclisme – grupetto, avoir de la giclette, emmener la bracasse – n’arrange rien à cette situation embarrassante.

Pas d’équipe à supporter, c’est tout juste si on encourage ses compatriotes. On regarde des mecs pédaler sans pouvoir se reconnaître ni dans l’un, ni dans l’autre. Il y a tant à dire sur le cyclisme, les lunettes Oakley, les coups de soleil, les chaînes en or, les traces de Labello… Même le plus beau look de l’histoire du vélo, Laurent Brochard le magnifique, est directement inspiré d’un autre adepte de la mode en crampon, Chris Waddle. Déception. À la limite, les podiums, la caravane et les bobs Cochonou, ou encore la voiture-balai redonnent un peu de mordant au Tour et pourraient inspirer les pelouses. Mais clairement, le vélo ne fait pas le poids. Victoire pour le foot. Et ce, sans même avoir énoncé le moindre produit dopant. Célébration avec l’index pointé vers le ciel. Celle du vrai Ronaldo, pas de Virenque ou Jalabert.

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