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Pourquoi le foot est finalement plus fort que le pass sanitaire
Mesure ô combien contestée ou contestable, voire nécessaire selon les points de vue, le pass sanitaire conditionne désormais nos loisirs et décide même de notre liberté de circulation. Il aurait dû affecter en premier lieu le football. Au contraire, le désir pour ce sport est toujours là et bien là. Un étrange paradoxe qui pour le moment déjoue tous les sombres pronostics. Le ballon rond reste plus fort qu'un QR code !
Après un an et demi de pandémie, de confinement et autres restrictions sanitaires, qui ont réduit comme peau de chagrin la vie du foot, aussi bien pro qu’amateur, le retour à la normale pour la rentrée 2021 s’avère désormais soumise à la présentation d’un pass sanitaire, que ce soit a l’entrée du Stade Océane au Havre que lors de son inscription en foot a 7 FSGT dans la Loire. Ce foot dont l’existence est mise sous astérisque et alinéa interroge pour le longe terme, mais il faut reconnaître qu’à ce jour, au milieu de cet été peu clément, le pass sanitaire n’a pas gâché la fête ni le plaisir des amoureux ou des amoureuses des fumigènes du samedi soir ou des gadins en district le dimanche. Au contraire, il a peut-être étrangement redonné une semblant d’unité entre ses divers niveaux de pratique et de passion.
Les tribunes malgré tout
Si certains groupes ultras se sont positionnés contre le dispositif – inquiets que comme tant d’autres par le passé, il ne vienne finalement s’installer dans la durée pour égratigner encore davantage leur liberté – dans l’ensemble les tribunes ont répondu présent pour célébrer la fin des huis-clos et des jauges. Ce fut d’ailleurs un des lieux communs de tous les commentateurs, quel que soit le média ou la chaîne, que de s’enthousiasmer devant le moindre chant ou les guichets fermés. Bien sûr les événements de Montpellier ont souligné que la nervosité d’une si longue cure ne s’évacuerait pas facilement, et que les relations entre les directions et les ultras ne glissaient pas que sur du velours. Toutefois, du Vélodrome extatique à l’accueil hors-norme accordé par le « peuple parisien » à Lionel Messi et les nouvelles recrues, sans oublier Lens ou Strasbourg entre autres, le petit monde des gradins reste le grand vainqueur de cette reprise de la L1.
Même sur le terrain, les prestations ont démontré une envie de jouer qui surprend toujours, surtout dans l’hexagone. Des promus troyens ou clermontois qui refusent le statut de victimes face aux gros et vont les chercher jusque dans leur surface de réparation. Des Angevins sans complexe, des Bordelais qui se retrouvent un mental ou un Galtier qui piétine les pronostics avec son OGC Nice, le profil foutraque et dadaïste de ce début de saison ne semble pas correspondre à la sagesse administrative et la raison que nous dicte notre certificat de vaccination. De même, les réseaux sociaux bruissent de photos, commentaires, boutades d’un univers amateur qui trépigne sur le bord des pelouses pelées ou des stabils, et de remplacer les selfies de running collectif par des vidéos de but à la Jacques Tati.
L’amour foot réanimée
L’amour pour le football était diagnostiqués depuis un an dans un triste état, la faute au feuilleton concernant les droits télé, aux affaires de racisme, d’homophobie ou encore à l’échec des Bleus à l’Euro. À cela s’ajoutait cet été la hype, mérité et méritoire, du BHV (Basket Handball Volley, tout le monde ayant oublié la belle médaille d’argent des rugbywomen) après leur succès aux Jeux Olympiques, sans public, de Tokyo. Le foot masculin paraissait daté, dépassé, hors de son temps. Verdict : un retour en force, peut-être démesuré, que l’arrivée de l’Argentin ne suffit pas à expliquer. La France n’est probablement toujours pas un pays de foot mais désormais, qui peut nier à quel point elle le désire et lui est fidèle. Un QR code ne tuera pas plus le foot que le port du préservatif n’a éteint la libido des Françaises et des Français.
Par Nicolas Kssis Martov