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- PSG/Valenciennes
Pourquoi le dernier titre du PSG date d’il y a 19 ans ?
1986. 1994. 2013. Fondé en 1970, le PSG va sans doute braquer son troisième titre de champion de France, dix-neuf ans avant après le dernier. Une éternité. Surtout pour un club comme le PSG. Pourquoi a-t-il mis autant de temps avant de revenir tout en haut de l'affiche ?
Parce que l’OL
2002-2008. Un septennat aux couleurs de l’OL. Pendant ce temps, le titre de champion de France n’est pas accessible. Et encore moins au PSG en dépit d’une belle place de dauphin en 2004. Cette mainmise sur le championnat empêchera le club de la capitale d’exister. Aussi bien médiatiquement que sportivement. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si les Franciliens connaissent leur pire classement durant cette domination avec un millésime 2008 ô combien flippant puisqu’ils se sauvent de la relégation à Sochaux, lors de l’ultime journée sur un doublé d’Amara Diané. Durant les années 2000, le PSG est également en pleine mutation. L’après Michel Denisot est un cauchemar. C’est également la fin de l’ère Canal Plus, l’arrivée laborieuse de Colony Capital, les conflits ouverts entre les supporters et la valse des coachs et des présidents. Le modèle lyonnais est à l’opposé. On parle stabilité et confiance. Le fossé est immense. Le PSG va de travers pendant une belle décennie et souffre d’un complexe d’infériorité. Alors que Lyon est devenu le club référence en France, le PSG est devenu une équipe de seconde zone. Un club en décrépitude où le bordel est permanent. Malgré tout, les Franciliens sont capables de beaux coups en coupes (2004, 2006, 2008, 2010), mais rien de plus. Oui, le PSG de 2000 à 2010 est sans doute le plus triste de l’histoire en dépit de joueurs exceptionnels (Pauleta, Ronaldinho, Okocha, Heinze, Anelka, Sorin, Pochettino…).
Parce que Luis Fernandez
Sans aucun doute l’homme le plus amoureux du club de la capitale. Mais on le sait, l’amour rend aveugle. Joueur adulé et pierre angulaire du premier titre de 1986, Luis débarque sur le banc de la capitale durant l’intersaison 1994 en lieu et place de Jorge. Le PSG vient de valider son second titre de champion de France et possède un effectif haut de gamme (Lama, Ricardo, Roche, Guérin, Ginola, Raï, Valdo, Weah, etc.). Sauf que le jeune entraîneur français n’arrivera jamais à en braquer un autre. Pis, en 1996, il compte dix points d’avance sur Auxerre à la trêve, mais perd son groupe sur la phase retour. Pour la finale de la Coupe des coupes, on lui colle Yannick Noah dans les pattes pour récupérer le vestiaire. L’humiliation ultime…
Chambreur à l’entraînement et dans la vie, surtout quand il tape le carton, Luis est proche de ses joueurs. Trop. Et quand les résultats ne suivent pas, le groupe explose. Illustration avec une anecdote qui date du printemps 1995. Lors d’une promenade matinale avant la réception de Martigues – lanterne rouge du championnat – Youri Djorkaeff et Daniel Bravo décident de regagner l’hôtel. Furax, Luis les fait débuter sur le banc le soir-même, le PSG ne s’impose pas au Parc (0-0) et rate l’occasion de passer devant Nantes à trois journées de la fin. Plus tard dans la soirée, Fernandez est encore furibard et convoque les deux joueurs. « Alors ? balance Fernandez.
– Alors quoi ? lui répond Bravo.
– J’avais raison ou pas ?
– Tu avais raison sur le fond, mais pas sur la forme. Tu aurais dû nous mettre une amende et non pénaliser toute l’équipe. Je reconnais qu’on a eu tort, même si j’avais une raison pour ne pas faire la promenade…
– Laquelle ?
– J’avais froid. Je n’étais pas couvert.
– Pourquoi n’as tu rien dit ?
– Tu m’as parlé comme à un chien dès le départ, je n’avais pas envie de t’expliquer les choses. »
Voilà, le PSG de Luis Fernandez, c’était ça. Une école de la grande gueule. Un club qui explose car l’entraîneur n’est pas capable de maintenir son groupe sous pression en championnat. C’est une cour d’école. C’est le bordel. En coupes, pas de souci, le club est à l’aise (doublé coupe en 1995, 1998, C2 en 1996, etc.), mais sur 38 journées, ce n’est pas possible. Le club ne sait pas faire. Et Luis encore moins. Suffit de voir son retour aux affaires en 2000. Avec un quatuor Okocha-Arteta-Anelka-Ronaldinho, le PSG n’accroche même pas le podium. Au final, Luis Fernandez restera l’entraîneur qui a mis Ronaldinho sur le banc de touche.
Parce que le pari jeune de banlieue
On est à l’été 2000 et le PSG va rejouer la Ligue des champions. Canal se décide à sortir le chéquier et le club part sur un projet fou : les jeunes. Ainsi, Dalmat, Mendy, Distin, Luccin et Anelka débarquent dans la capitale. L’idée de Jean-Lamarche, alors directeur sportif, c’est de tout miser sur des jeunes prometteurs, mais aussi sur le centre de formation. En fil rouge, on a envie de rassembler autour du club, notamment en région parisienne, véritable vivier de jeunes talents. En tout, le PSG claque 500 millions de francs sur le marché et son président, Laurent Perpère, assume : « On vise le titre et les quarts de finale de Ligue des champions. » On parle de club « génération rap » . N’importe quoi donc. La presse s’engouffre dans la brèche et joue la carte hip-hop à fond. Ça va durer trois mois avant de partir en couilles. Au cœur de l’hiver, Nicolas Anelka suggère à son entraîneur, via son site internet, de jouer avec un meneur de jeu axial. Sympa, il lui suggère le nom de son pote Fabrice Abriel, dont les intérêts sont à l’époque gérés par ses frangins. Bonnard, Bergeroo balance une punchline en conférence de presse le lendemain : « Si je commence à prendre les cousins et les amis, on va finir à vingt-cinq… » Ambiance. La greffe ne prend jamais et les jeunes n’arrivent pas à prendre le pouvoir. Et comme Perpère n’a pas les épaules, le club est instable. La suite ? On la connaît. C’est la défaite de Sedan (pas celle de 1870) et le retour de Luis aux affaires. Une fausse bonne idée. Une de plus.
Parce que Colony Capital
Le fonds de pension américain aura la lourde tâche de passer après Canal Plus et avant QSI. Moins médiatique que le premier, beaucoup moins riche que le second, CC et sa tête de pont Sébastien Bazin ont connu le PSG au fond. Peu de titres, des morts dans les conflits entre supporters et, surtout, le match symbole de la lose parisienne. Automne 2007, le PSG de Paul Le Guen pointe à la 14e place après dix journées. Le club apprend la mort de Francis Borelli, son plus charismatique président. Quatre jours après le décès, le club lui rend hommage lors de la réception de Rennes. Les Bretons s’amusent sur le pré (victoire 3-1). Alain Cayzac a honte du spectacle proposé. D’autant qu’il avait convié dans la corbeille du Parc l’épouse et les enfants de Francis Borelli. « Cette défaite a terni l’hommage à Francis » , déclare Cayzac. Il faut agir et Le Guen frappe un grand coup. Pour le déplacement à Valenciennes, la semaine suivante, il aligne cinq minots sans expérience (Arnaud, N’Gog, Sankharé, Ngoyi et Sakho, promu capitaine) pour piquer ses cadres. Dans le vestiaire, c’est la fissure. Rebelote une semaine plus tard contre Lyon où Pauleta traîne son spleen sur le banc… Médiatiquement, Colony Capital est dépassé et se fait humilier en coulisses. Lors du mercato d’hiver suivant, Yoan Gouffran décide de faire un « fuck » au club en dépit de la signature d’un pré-contrat et préfère rester à Caen. C’est un séisme médiatique. Dans la foulée, ils sont nombreux à refuser de rallier la capitale durant la fenêtre hivernale (Fred, Tiago, Krasić, Ziani). Mais ce n’est rien à côté du flop Souza-Santos qui clôture le mercato. Une double arrivée qui a pour conséquence l’éloignement définitif entre Paul Le Guen et Alain Roche, le responsable de la cellule recrutement. Le PSG sauvera sa tête in extremis, six mois plus tard, sur la pelouse de Bonal. Le PSG de Colony, c’est avant tout ces rendez-vous manqués. C’est aussi l’intérim fou de Michel Moulin. C’est le PSG dont on aimait se moquer.
Par Mathieu Faure