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Pourquoi le championnat grec ne ressemble plus à rien ?

Par Régis Delanoë
Pourquoi le championnat grec ne ressemble plus à rien ?

À l’issue de la phase aller, l’Olympiakos domine outrageusement ses adversaires avec le plein de victoires. Le club du Pirée n’a plus d’adversaire, pas même son meilleur ennemi le Panathinaikos, relégué 20 points derrière. Comment en est-on arrivé à une situation aussi triste avec si peu d’enjeu ?

C’était en 2010 : à l’issue d’une lutte acharnée qui aura duré toute la saison, le Panathinaikos finissait par lâcher l’Olympiakos pour conquérir le vingtième titre national de son histoire. C’était beau, la Superleague grecque dans son ensemble était belle d’ailleurs. Compétitive, agréable à suivre, avec ce trop-plein de passion délirante dégueulant des tribunes et quelques stars sur le pré : Djibril Cissé, Gilberto Silva, Sebastian Leto ou le local Konstantinos Katsouranis côté Pana, Leonardo, Jaouad Zaïri, Raúl Bravo, Olof Mellberg côté Olympiakos. C’était pas mal spectaculaire, ça ferraillait comme jamais entre les deux rivaux, c’était le top. Cinq ans et demi plus tard, tout ça a disparu, et en premier lieu l’intérêt de suivre ce championnat que n’a plus cessé depuis de remporter l’Olympiakos avec une avance le plus souvent indécente : +13 points sur le Pana dès le printemps 2011, jusqu’à +17 face au PAOK en 2014, +12 la saison dernière et déjà +18 à mi-parcours sur l’AEK, son dauphin cette saison ! C’est bien simple, à l’issue de la phase aller, le parcours de l’Olympiakos est par-fait : 15 matchs, 15 victoires, 41 buts marqués, 8 concédés. N’importe quoi. Pire qu’en France avec le PSG. Si si, c’est possible. Le quatuor qui suit le leader a pourtant de la gueule, que le haut du panier du football grec, mais qui doit pourtant déjà se contenter de lutter pour les places d’honneur, comme d’habitude ces dernières années : AEK deuxième avec 18 points de retard, le PAOK troisième à 19 points, le Pana quatrième à 20 points… C’est triste de voir ce championnat désormais privé de tout suspense, du moins pour ce qui concerne la première place. Certes, la domination de l’Olympiakos en Grèce n’est pas vraiment nouvelle (17 des 19 titres mis en jeu ont été remportés par le club du Pirée), mais au moins, jusqu’à 2010, il y avait une vraie bagarre. Pourquoi n’y en a-t-il plus aujourd’hui ?

Le Pana, ses belles idées, mais sa santé fragile…

La raison principale est économique. En 2010 justement, l’Olympiakos était repris par le richissime armateur Vangelis Marinakis, relançant une dynamique qui s’était un peu essoufflée à la fin du mandat de son prédécesseur Sokratis Kokkalis, en poste depuis 1993. Proche du pouvoir socialiste de l’époque, Kokkalis a joué de son influence pour devenir le grand bâtisseur de l’Olympiakos moderne, avec des infrastructures de haut niveau et une arrivée massive de joueurs et d’entraîneurs étrangers, une stratégie qui n’a pas changé depuis. Marinakis a poursuivi cette œuvre, se muant en une sorte de Berlusconi à la sauce grecque, incontournable, puissant, bénéficiant du cercle vertueux qui fait que plus l’Olympiakos gagne sur la scène nationale, plus elle peut toucher le pactole de la Ligue des champions et ainsi creuser toujours plus l’écart entre les finances de son club et celles de ses rivaux dans le pays.

Ses rivaux justement, parlons-en. L’AEK Athènes a bien failli sombrer il y a peu, du fait de gros soucis financiers, et a même connu la punition d’une relégation en D2. Ça va mieux depuis, mais sa santé économique et sportive reste à surveiller. Quant au Panathinaikos, lorsqu’en 2010 il est sacré champion pour la dernière fois avec Cissé et sa bande, c’est un titre qui a coûté très cher. Bien trop cher. Le Djib’ n’était pas gratuit, tout comme les autres stars de l’effectif, surtout les étrangers. Il est question de 50 millions d’euros de dettes qui se sont accumulées alors. Mal géré, le club a été déstabilisé ensuite par une vague de démissions et une grosse mise en danger. Depuis 2012, il est présidé par un homme de médias, Gianni Alafouzos, qui a consenti à diriger en accord avec des fans investis selon le modèle des socios. C’est la Panathinaiki Symmaxia, une alliance fondée sur la gestion populaire et le vote direct. Une belle initiative, mais qui reste fragile, alors que le club est toujours aussi endetté et ne peut plus désormais faire des folies sur le marché des transferts. Seul l’Olympiakos peut encore se permettre de claquer ses 15 à 20 millions d’euros à chaque mercato et attirer des entraîneurs étrangers, avec une préférence pour les Espagnols (Valverde, Michel) et les Portugais (Jardim, aujourd’hui Marcos Silva).

L’Olympiakos et son sulfureux président…

Problème : l’Olympiakos se voit accusé avec de plus en plus d’insistance d’accroître l’écart entre les autres et lui, sans jouer forcément toujours dans les règles. Le président Marinakis n’aurait pas repris que sa science de la gestion d’un club à Kokkalis, il en aurait aussi récupéré le goût d’user de son influence, en allant même s’il le faut jusqu’à verser dans l’illégal pour définitivement écarter toute concurrence sur le plan national. Les suspicions à l’égard du sulfureux armateur, par ailleurs accusé en 2013 d’avoir aidé financièrement les néonazis d’Aube dorée, se sont concrétisées par la publication le 6 avril dernier d’un rapport accablant de 173 pages signé du procureur Aristidis Korreas. Ce dernier accuse 26 personnes d’œuvrer illicitement pour le « contrôle absolu du destin du football grec par des méthodes de chantage et de fraude » . Parmi les accusés, figure en premier lieu ce bon vieux Marinakis, dont des écoutes téléphoniques révèlent qu’il a été régulièrement en discussion avec des responsables de la Fédération nationale, dont le président Giorgios Sarris, pour leur demander d’avoir des arbitres conciliants pour certains matchs clés. Un Sarris qu’il avait soutenu lors de sa campagne d’élection en 2011… Et ce n’est qu’une toute petite partie des accusations…

Un arbitre l’a aussi accusé en mai 2013 d’être entré dans son vestiaire à la mi-temps d’un match pour lui faire comprendre qu’il avait intérêt de plus siffler en faveur de l’Olympiakos… L’enquête est en cours, les 26 accusés – membres de la fédé, membres de la commission de discipline, arbitres, dirigeants dont Marinakis, mais aussi ceux des clubs d’Atromitos et Levadiakos – n’ayant pas encore tous été interrogés. En attendant, pour tout le monde, c’est déjà clair : l’Olympiakos est aidé par les « puissants » du football grec à gagner toujours plus de matchs, de titres et donc d’argent. Et ça ne fait qu’attiser les crispations, les rancœurs, voire la haine entre le club et ses rivaux. Le 21 novembre dernier devait avoir lieu le derby des éternels ennemis entre le Pana et l’Olympiakos. Il a finalement été annulé, alors que des affrontements entre supporters et forces de l’ordre faisaient rage aux abords du stade, tandis qu’à l’intérieur, l’attaquant de l’Olympiakos Finnbogason recevait dans les pieds un fumigène lancé depuis les tribunes. Les fans locaux protestaient contre Marinakis et ses méthodes. Pour ces énièmes incidents en marge d’un derby, le Pana a été sanctionné de 190 000 euros d’amende, de quatre matchs à huis clos, d’une défaite 0-3 sur tapis vert et d’un retrait à effet immédiat de 3 points en championnat. Ce qui n’a fait qu’accroître encore un peu plus l’écart et n’a certainement pas dû être de nature à apaiser les tensions…

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