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Pourquoi Laurent Blanc voulait « son » Cabaye
Laurent Blanc l'a fait. Il a fait venir ou plutôt fait acheter Yohan Cabaye. « Son » Cabaye. Celui qu'il a fait débuter en équipe de France. Celui que Del Bosque avait appelé « le Xavi français ». Ainsi, non seulement le coach impose son autorité au sein d'un club qui l'avait choisi par défaut l'été dernier, mais il déniche surtout un profil tactique différent qui s'insère naturellement dans l'incontournable milieu à trois parisien. Au point de le faire évoluer ?
Oui, le PSG avait besoin d’un milieu de terrain
Blaise Matuidi, Thiago Motta, Marco Verratti, Adrien Rabiot. Dans un système qui utilise systématiquement trois milieux de terrain, c’est peu. Après le départ de Chantôme, Blanc avait raison de répéter que quatre ne suffisaient pas. Pour preuve, à la mi-saison, Rabiot a déjà participé à 25 rencontres. Le PSG fait jouer ses jeunes et c’est beau, mais c’est aussi risqué. Pour aller au bout des trois compétitions, le « Président » avait besoin d’un autre milieu de terrain. Un autre dans le sens de quelque chose que le PSG n’a pas déjà.
Jusqu’à aujourd’hui, voilà ce qu’il avait. Matuidi est l’infatigable milieu à tout faire : il ratisse, court, intercepte, couvre l’espace défensivement et le mange offensivement. Motta est le génie de la victoire : avec lui, tout va, sans lui, tout est plus compliqué. Patient, précis, intelligent, il fait tourner la machine, n’a pas besoin de mettre les pieds dans les trente derniers mètres pour se sentir important, et il marque, aussi. Verratti est le prodige fou : peut-être plus talentueux que tous les autres réunis, il réunit la technique, le sens du jeu, la folie et la démence. Souvent suspendu, certes, encore plus souvent important, mais jamais buteur. Enfin, Rabiot est le jeune. Toujours appliqué (ou presque, hein Poko), parfois calmement génial. Mais trop jeune pour risquer de lui faire porter un projet aussi gros que celui de ce PSG. Bilan : un milieu bon et même séduisant, mais loin d’être taillé pour tout gagner.
Cabaye est différent : jeu long, frappe de balle et verticalité
À première vue, la valeur ajoutée de Cabaye est de combiner les bons pieds de Motta et le volume de jeu de Matuidi. Il peut jouer aux trois postes du milieu, donc on peut parler a priori de polyvalence. Oui, la fameuse. Celle qui entraîne l’achat de joueurs bons mais jamais indispensables. Mais on a envie de croire que l’ancien Lillois a bien été choisi pour ce qu’il a de plus que les trois titulaires : la frappe de balle, le jeu long et ce qu’on appellera la « verticalité contrôlée » , sans vouloir offenser la conduite de balle de Matuidi. D’ailleurs, la décision a peut-être été prise à la suite du match nul à Guingamp. Avec son milieu habituel contre un bloc défensif dense et sur une pelouse affreuse, le PSG a échoué.
Pour être précis, Cabaye apportera deux outils absolument cruciaux dans la construction tactique de l’équipe de Blanc : la frappe de balle et les transversales. Bloqué dans sa stérile possession de balle sur les mauvais terrains de Ligue 1, le PSG s’offre un pied droit capable de débloquer un match en un coup d’œil ou une interception. D’autre part, il offre à Blanc une nouvelle option sur le banc. Cabaye peut entrer à la 70e et débloquer un match. Jusque-là, quand Matuidi était déjà sur le terrain, Blanc pouvait remplacer pour contrôler plus, mais jamais pour aller gagner.
Plus de risques, plus de football ?
Au début de la saison dernière, Alan Pardew avait lâché : « Il est le cerveau de mon équipe, celui qui sait quand il faut accélérer le rythme du match ou ralentir le tempo. » Un cerveau, certes, mais de Premier League. Ce qui veut dire deux choses. D’une, Cabaye n’a pas pour autant le cerveau de Motta. De deux, Cabaye sait penser vite, jouer rapidement et maîtrise parfaitement le concept de « gain de terrain » . Si la Premier League est un championnat particulier, ça n’est certainement pas pour sa qualité, qui est discutable, mais pour l’importance toute britannique de la notion de territoire. Formé à cette école à Newcastle, Cabaye densifiera encore plus le milieu parisien tout en le tournant vers l’avant.
Infatigable intercepteur de ballons, mature tactiquement au point de diriger les transitions de sa formation, toujours prêt à se sacrifier pour l’équilibre du bloc. Box-to-box. Tirer, tacler, monter, descendre. Avec Cabaye, Newcastle marquait en moyenne 1,4 but et en encaissait 1,3. Sans lui, c’était 1,3 et 2,2. Pour le PSG, il s’agira donc non seulement d’attaquer différemment, mais aussi de défendre mieux. Plus de risques, et plus de football ? Perfectionniste, Blanc considère peut-être simplement que Motta et Verratti jouent trop dans le même registre, sur la même ligne. Car si Verratti a eu besoin jusque-là d’un Motta à ses côtés, le PSG aura aussi besoin de verticalité, de frappes lointaines, de muscles, de courses, de tempo. Avec Cabaye et Matuidi, Blanc peut s’offrir une toute nouvelle solution, modèle Juve : Verratti en Pirlo et deux relayeurs aboyeurs buteurs à ses côtés.
Un vrai défi pour Cabaye
Maintenant, rien n’est dit que Cabaye va s’imposer. À 28 ans, ce transfert représente un grand saut pour Cabaye, qui passe d’un club gentil de Premier League à un (nouveau) grand méchant loup de la Ligue des champions. La Ligue 1 connaît son niveau, mais Yohan n’a jamais été mesuré à des Motta et Verratti. Et si l’on se souvient de son match contre l’Ukraine, étincelant avec Pogba et Matuidi, on n’a pas non plus oublié sa prestation anonyme contre l’Espagne au Stade de France, lorsque le niveau technique s’était élevé. Dans le pire des cas, Laurent Blanc aura filé un coup de main à son pote Deschamps en associant Cabaye et Matuidi durant six mois. Au mieux, Cabaye fera voler le PSG à l’image de ses transversales, encore plus vite, encore plus haut.
Par Markus Kaufmann
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