- Espagne
- Barcelone
Pourquoi la saison de Barcelone est réussie
Une troisième place en Liga, combinée à une élimination cuisante en huitièmes de finale de Ligue des champions ? Un bilan loin, très loin du standing du FC Barcelone. Pourtant, le club a fait bien mieux qu’espéré. Avec un effectif beaucoup trop faible pour jouer les premiers rôles, Ronald Koeman a réussi à redresser la barre et a même donné l’illusion de pouvoir prétendre au titre. De quoi juger la saison 2020-2021 des Catalans comme plutôt réussie.
La dernière marche du podium de Liga, voilà le résultat final du FC Barcelone. Un événement, quand on sait que les Blaugrana n’avaient pas occupé une aussi mauvaise position depuis la saison 2007-2008. En Ligue des champions, le Paris Saint-Germain et un Kylian Mbappé de feu sont en plus venus au Camp Nou les éliminer. D’un point de vue comptable, tout porte donc à croire que l’exercice barcelonais est à placer sous le signe de l’échec. Cependant, il en est tout autrement. Ronald Koeman et les siens ont en effet réussi à raviver la flamme du club, dans une situation pourtant proche d’être catastrophique. C’est d’ailleurs l’intéressé qui l’indique, en conférence de presse : « Au mois d’août, nous aurions signé pour la saison que nous avons réalisée, avec un titre (la Coupe du Roi). » À la fin de l’été dernier, l’institution catalane vivait ainsi une crise sans précédent et tout portait à croire qu’elle fonçait droit dans le mur.
Un club en lambeaux
Le 14 août, le Barça connaît carrément la plus grosse humiliation de son ère moderne. Le Bayern vient de lui en passer huit à Lisbonne, dans un match qui restera dans la postérité. Dans la foulée, Lionel Messi fait son possible pour quitter le navire qui coule, les socios demandent la tête du président Josep Maria Bartomeu et cinq titulaires de l’équipe font leurs valises (Luis Suárez, Ivan Rakitić, Arturo Vidal, Nélson Semedo et Arthur). Ce qui n’effraie pas pour autant Ronald Koeman, alors sélectionneur de la Hollande, qui débarque au bord de la Méditerranée. Les supporters savent qu’ils vont vivre une saison galère et n’en attendent pas grand-chose, si ce n’est qu’elle serve de transition avant la prochaine. Mais voilà que le coach batave commet une grande erreur : il fait croire aux Culés que l’équipe peut tout de même être compétitive, voire lutter sur tous les tableaux. Mais si le Barça n’a finalement pas su suivre le rythme des cadors sur la fin du championnat et a terminé la saison en roue libre, ce n’est que logique quand on jette un coup d’œil à l’effectif.
Exemple : comment un joueur comme Martin Braithwaite, aussi valeureux soit-il, peut-il avoir disputé 42 rencontres sous la tunique bleu et grenat ? L’effectif n’était pas taillé pour batailler avec les plus grands, tout simplement. Ronald Koeman a dû en plus composer avec des cadres aux abonnés absents lors des matchs importants – Gerard Piqué et Sergio Busquets ont, une fois de plus, montré qu’ils ne faisaient qu’entacher leur statut de légende du club en ne partant pas lorsqu’ils étaient toujours au top –, ou bien avec des joueurs totalement inexpérimentés. Pedri (52 matchs joués), révélation de la saison et promis à un grand avenir, n’avait jamais joué en première division. Tout comme Óscar Mingueza, titularisé à 32 reprises, ou encore Ilaix Moriba, promu de l’équipe B en cours de saison et déjà devant Miralem Pjanić dans la hiérarchie. Ronald Araújo avait quant à lui six petits matchs en Liga dans les jambes, auquel il faut rajouter les jeunes Sergiño Dest (20 ans, une seule saison chez les pros avec l’Ajax) et Francisco Trincão (21 ans). Un peu léger, pour tout gagner. Ansu Fati, tout juste majeur, aurait lui aussi pu faire partie de cette liste s’il n’avait pas été victime d’une grave blessure au genou, entraînant son indisponibilité depuis le 7 novembre. Son absence a vite été remarquée au sein de l’attaque catalane, lui qui qui avait démarré la saison sur les chapeaux de roue en étant décisif neuf fois en dix partitions.
Une défense indéfendable
Avec cet effectif d’adolescents emmené par un Frenkie de Jong devenu pièce maîtresse et un Lionel Messi qui a retrouvé le sourire au fil des jours, Ronald Koeman a fait renaître l’ADN du Barça. Il s’agit, sans aucun doute, de sa plus grande réussite. Depuis bien trop d’années, le jeu catalan s’était perdu, et les titres ne reposaient plus que sur les exploits de la Pulga ou sur les sauvetages de Marc-André ter Stegen. Même s’il a montré ses limites dans les gros matchs – un seul petit point obtenu face aux deux clubs madrilènes, en Liga – le Koemanball a su rabibocher les supporters amoureux du beau jeu avec des joueurs donnant la sensation de maîtriser leur sujet lors de la plupart des rencontres. Toutefois, beaucoup de points ont échappé aux Catalans à cause d’une défense trop fébrile et de nombreuses erreurs individuelles.
Le Barça a encaissé 38 buts en championnat, contre 25 pour les Colchoneros et 28 pour les Merengues. Les fautifs ? Ils sont nombreux : Clément Lenglet a été maladroit et inattentif à outrance, les jeunes Óscar Mingueza et Ronald Araújo ont trop fait parler leur manque d’expérience, Gerard Piqué a souvent prouvé que seul son statut lui permettait d’être titulaire et même Marc-André ter Stegen a été étrangement passif dans cette défense perméable. Sachant qu’il serait ardu de gagner la Liga, l’ancien sélectionneur des Oranje s’est appliqué à respecter la tradition et à jouer à fond la Copa del Rey. Durant les différents tours, où le Barça a parfois arraché la qualification au bout du temps additionnel, le groupe s’est montré solidaire et combatif. Là aussi, Ronald Koeman a rempli un autre objectif : celui de refaire naître un esprit de groupe dans un vestiaire devenu morose, et même Antoine Griezmann en a profité. Celui qui donnait l’impression de devoir consulter un psy tous les week-ends est devenu beaucoup plus décisif au fil de la saison, et son entente avec les autres membres de l’effectif a de temps à autre produit des étincelles.
Joan Laporta en maître d’œuvre
La saison des partenaires de la Pulga est, tout de même, loin d’être une masterclass. Le Futbol Club Barcelona a subi une énième humiliation en C1, le Real Madrid a gagné les deux Clásicoset Lionel Messi n’a soulevé aucun trophée majeur. Mais la qualité d’une saison ne se juge pas exclusivement à la quantité de titres gagnés, le plaisir pris devant sa télé ou au stade restant primordial. Les matchs sont enfin (re)devenus palpitants à suivre, et les nombreux adolescents de l’effectif ont énormément gagné en expérience. De quoi laisser entrevoir un futur brillant, sachant en plus que Lionel Messi semble toujours plus proche de rester.
Joan Laporta, qui a récemment fait son retour à la présidence du club, a annoncé qu’il allait donner un grand coup de pied dans la fourmilière et faire partir plusieurs joueurs. Reste à voir la décision qu’il prendra à propos de son entraîneur. Va-t-il garder Ronald Koeman, ou souhaitera-t-il amener son propre coach ? Dans ce cas, difficile d’imaginer quelqu’un d’autre que Xavi, soi-disant en vacances en Catalogne depuis quelques jours. D’ailleurs, la dernière fois que le Barça avait terminé à la troisième place de la Liga, Joan Laporta intronisait dans la foulée un type sans trop d’expérience. Un certain Pep Guardiola, pour le succès que l’on connaît.
Par Lilian Fermin