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Pourquoi la Ligue 1 vassalise-t-elle la Pro League belge ?

Par Vincent Bresson
Pourquoi la Ligue 1 vassalise-t-elle la Pro League belge ?

En Ligue 1, le championnat belge est de plus en plus à la mode. À l’image de la plus-value réalisée par le LOSC avec Victor Osimhen, les clubs français y font quelques emplettes fructueuses. Mais surtout, ils peuvent y acheter des clubs sans se ruiner.

Malgré une petite rivalité née de la demi-finale du Mondial 2018, la France et la Belgique semblent de plus en plus connectées sur la planète football. Mieux : le football français ne semble pas insensible aux charmes de son homologue belge. Dernier mariage en date : celui du Royal Excel Mouscron avec le LOSC. Officialisé le 18 juillet par Gérard Lopez en marge d’une rencontre amicale entre les deux clubs, ce rachat des Belges par le président lillois était dans les tuyaux depuis plusieurs mois. En conférence de presse, il n’a pas caché qu’il s’agissait avant tout d’un mariage de raison : « Mouscron nous permet de mettre à disposition du club des joueurs d’un certain niveau et c’est ce qui intéresse le LOSC. En parallèle, j’aimerais que Mouscron devienne la plateforme en Belgique qui permet d’attirer des jeunes joueurs belges. »

Après le rachat du Cercle de Bruges par Monaco en 2016, celui du RFC Seraing par Metz en 2013 et les rumeurs sur un potentiel rachat par le PSG d’un club belge, la Ligue 1 n’en est pas à son coup d’essai. Mais cette fois, Gérard Lopez a promis : il ne s’agira pas d’un club satellite. Même si ça y ressemble drôlement.

Pas une première pour le LOSC

Dans l’éternelle spirale footballistique de la performance et des bons coups financiers, les avantages à tirer d’un club satellite sont très nombreux. Et peu coûteux. Comptez cinq millions d’euros seulement pour le rachat de Mouscron, à en croire les chiffres fournis par l’AFP. À titre de comparaison, le récent rachat du TFC aurait atteint les 20 millions d’euros, malgré la relégation du Tef en Ligue 2. Directeur général du LOSC de 2009 à 2015, Frédéric Paquet était en poste quand Lille a acheté Mouscron pour la première fois en 2012. Et d’après lui, le prix d’achat ne justifie pas à lui seul l’attrait pour les clubs belges. « Ce n’est pas le plus important. Ce qui est coûteux dans un club, ce n’est pas uniquement son prix initial, c’est également sur la durée que cela se mesure », nuance celui qui a également été directeur général de Saint-Étienne de 2018 à 2019.

À l’époque de cet achat, le LOSC est alors le seul club de France à posséder un club satellite belge. La tentation était trop grande : Lille et Mouscron ne sont séparées que d’une vingtaine de kilomètres. « On pouvait s’y rendre en une quinzaine de minutes en voiture », explique Frédéric Paquet, qui ne cache pas que le vivier de joueurs locaux est une raison de plus d’investir au pays des Diables rouges. Malheureusement pour les Nordistes, les Dogues revendent Mouscron en 2015. « Je pense que ce rachat était une bonne chose pour le LOSC. Mais nous avons arrêté ce partenariat parce que Marc Coucke [alors actionnaire majoritaire du KV Ostende] est devenu actionnaire de Lille en 2014. Et il ne voulait pas posséder un club concurrent au sien dans le championnat belge. »

« Un moyen d’avoir une équipe intermédiaire entre le CFA et l’équipe une »

À l’époque du premier achat de l’Excel par le LOSC, Lille joue le haut de tableau après son sacre de champion de France de 2011. « Nous ne pouvions pas nous permettre de perdre trop de points, nous avions donc des difficultés pour intégrer des jeunes. Un club satellite, c’est un moyen d’avoir une équipe intermédiaire entre le CFA et l’équipe une », décrypte Frédéric Paquet. Et puis posséder un club vers qui envoyer ses pépites pour qu’elles s’aguerrissent, c’est mieux que de les prêter. « On n’a pas l’assurance que les jeunes vont jouer quand ils sont prêtés. » Et comme il n’existe pas de championnat pour les réserves des clubs de Ligue 1, les équipes françaises se tournent vers la Belgique. Un plan parfait pour des clubs comme Lille et Monaco qui cherchent à augmenter la valeur de leurs joueurs pour mieux les vendre quelques années plus tard.

Autre avantage non négligeable : la législation. Et comme souvent, elle est plus souple ailleurs. Les clubs français sont limités à quatre joueurs extracommunautaires ? Pas en Belgique, où cette limite n’existe pas. La plus-value de revente d’un club ? Elle n’est soumise à aucune taxe chez Hazard et les siens. Et nos voisins ont encore un petit avantage sur nombre d’autres championnats européens : le plus souvent, ils parlent français. « La proximité géographique et la langue, ça permet des économies d’échelle », analyse Luc Arrondel, directeur de recherche au CNRS et auteur de L’Argent du football.

De manière générale et comme souvent dans le football, ces achats de clubs belges sont motivés par un raisonnement financier. « La logique économique est assez claire. Ça peut être une intégration horizontale, comme pour Manchester City, à la tête d’une véritable multinationale. Dans le cas de Lille ou de Monaco, c’est davantage une intégration verticale. On y place des jeunes joueurs pour parfaire leur formation », résume Luc Arrondel. Et les Français ne sont pas les seuls à frapper à la porte de leurs voisins. En 2017, Leicester a ainsi misé sur l’Oud-Heverlee Louvain, passé de la deuxième division à la Pro League depuis cette acquisition. Le phénomène se banalise de plus en plus. De sorte que si une équipe d’un championnat majeur n’a pas un club satellite belge dans 50 ans, c’est qu’elle a raté sa vie.

Ambitions sportives limitées

Dans ces (avantageuses) conditions, un club acheteur peut espérer s’en tirer à moindre frais. Le club racheté, lui, est condamné à vivre dans l’ombre de son grand frère. Pour une équipe belge rachetée, le projet sportif devient simple : permettre l’éclosion de joueurs qui auront vocation à revenir en Ligue 1 ou à être vendus. Si une année, les joueurs prêtés sont bons, un club englué dans les bas-fonds de la première ou deuxième division peut en tirer quelques avantages. Mais à terme, impossible de casser le plafond de verre et d’être plus qu’une succursale. Et quand les joueurs prêtés ne sont pas au niveau, le club court droit vers la descente.

Les mariages franco-belges ne finissent pas toujours mal, en général. « C’est une situation compliquée à gérer pour les clubs satellites. À partir du moment où il y a beaucoup de mouvements de joueurs, c’est forcément dommageable sur le plan sportif », explique Luc Arrondel. Depuis que Bernard Serin, le président messin, a mis la main sur le RFC Seraing, le club belge est passé de la deuxième à la troisième division du pays. Pour le Cercle de Bruges, entrer dans le giron de l’ASM semble un peu plus positif. Le club brugeois est monté, puis s’est stabilisé en Pro League. Certain que le LOSC a beaucoup apporté à Mouscron, Frédéric Paquet ne mâche pas ses mots quand il s’agit d’évoquer les retombées de la « satellisation » : « Ce n’est que grâce au travail qu’on a fait que le club a pu accéder à la Pro League. Et si ce rachat a pu se faire, c’est que c’était une bouée de sauvetage pour eux. » Quelques semaines à peine après avoir mis à nouveau le grappin sur Mouscron, près de dix Lillois ont déjà rejoint le club « frère ». Peut-être que la Pro League a beaucoup à gagner à faire de ses clubs des satellites de l’Hexagone. Peut-être bien que non. Mais il y a fort à parier que les supporters du Plat Pays espèrent mieux pour leur championnat qu’une transformation en couveuse de la « Ligue des talents ».

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