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Pourquoi la Ligue 1 ne recrute pas plus en Scandinavie ?
Proximité géographique oblige, la Ligue 1 s’étonne de ne pas compter plus de joueurs scandinaves sur ses pelouses. Réputé pour sa capacité d’adaptation rapide et son accessibilité financière, le Scandinave n’est pourtant pas encore devenu un classique dans l’Hexagone. Restait à savoir pourquoi.
Quelques semaines après son arrivée, Ola Toivonen flambe déjà du côté de Rennes. En début de saison, Martin Braithwaite n’avait pas attendu beaucoup plus longtemps avant de s’imposer comme une vraie recrue pour le TFC, tandis qu’en 2011, Daniel Wass et Christian Poulsen ont permis à Évian de se stabiliser tranquillement dans le ventre mou de la Ligue 1. Avant ça, il y avait eu Källström, et après ça Ibra. Alors oui, en Scandinavie, il y a aussi des joueurs de foot. Pourtant, la Ligue 1 a encore du mal à franchir la mer du Nord pour scruter les matchs, certes moins relevés, mais qui hébergent un panel de joueurs aux potentiels riches et variés. Dès lors, une question : pourquoi la Ligue 1 ne recrute pas plus en Scandinavie ? Ébauches de réponses, à mi-chemin entre recrutement fantaisiste et proximité culturelle.
Une question de feeling
« Quand Toivonen était en Suède, il y a 7 ans, là ok, fallait le prendre. Mais payer 2,5 millions d’euros à 6 mois de la fin de son contrat, c’est pas une affaire économique. » Louis Denolle, agent de joueurs à Sport Lex Management, se veut réaliste. Car si l’arrivée du Suédois en Bretagne peut déjà être unanimement considérée comme une vraie plus-value sportive pour un Stade rennais à la dérive, l’agent FIFA n’en oublie pas l’essentiel : le prix. Pierre Dréossi, ex-coach et manager de Rennes et à la base du réseau scandinave en Bretagne époque 2004, se remémore le bon vieux temps : « Au départ, c’était encore une filière accessible avec de bonnes qualités mentales, que ce soient les Suédois ou Danois… » L’époque Dréossi à Rennes, c’est celle de Källström, Isaksson et Edman. Bref, le bon temps où le talent venu du Nord se marchande encore à un prix raisonnable. Cependant, pour Louis Denolle, la vraie force des Rennais à l’époque, c’est Dréossi et personne d’autre : « À Rennes, le lien avec la Scandinavie, c’était Dreossi et ses contacts. Car quand vous faites une fois un deal avec un agent dans le pays en question, il est capable de vous proposer 15 joueurs. »
Détecter le vrai du faux, l’Ibra du Wilhelmsson, c’est le boulot des recruteurs et la responsabilité des clubs. « Le milieu de tableau du championnat suédois, c’est la Ligue 2 française, donc faut faire aussi attention » , poursuit Denolle. Les bons contacts pour s’offrir les bons tuyaux, un préalable indispensable pour ne pas se retrouver le dindon de la farce. Marc Artinian, agent et avocat, regrette ainsi qu’un vrai système de recrutement pour le grand Nord n’ait pas encore vu le jour en France : « La surveillance est moins accrue dans ces pays-là que dans d’autres, simplement parce que les championnats sont moins bien connus, moins bien médiatisés. » Un blocage télévisuel à l’heure d’internet et alors que Copenhague est à moins de deux heures de Paris. Une blague sans nom pour ce même Marc Artinian : « Le PSG l’a bien fait à l’époque de Leonardo quand il avait mis en place une cellule de recrutement spécifique vers le Brésil. » Louis Denolle se veut moins critique à l’égard des clubs de Ligue 1 et pointe du doigt le manque de collaboration des agents sur place : « Il faut que les agents suédois, norvégiens aient aussi envie de travailler, de collaborer. Mais quand on discute avec les agents et les joueurs, ils restent braqués sur l’Allemagne et l’Angleterre. »
Plus Premier League et Bundesliga que Ligue 1
« C’est pas nous qui ne voulons pas travailler avec eux, c’est eux qui ne veulent pas travailler avec nous. Les seuls championnats qui les intéressent, c’est l’Angleterre et l’Allemagne. » Louis Denolle n’en démord pas, le principal problème n’est pas nécessairement à chercher dans des cellules de recrutement de clubs souvent autocentrés, mais bien dans la mentalité de joueurs scandinaves qui ne voient pas ce que la Ligue 1 pourrait apporter à leur développement. « Bon, il y a un paradoxe avec Ibrahimović maintenant, mais la plupart des joueurs suédois ou norvégiens, jusqu’il y a un an et demi, ils n’avaient jamais vu un match de Ligue 1 sur leurs écrans de TV, alors qu’ils regardent bien la Championship anglaise ou la D2 allemande » , poursuit Denolle. Des arguments presque imparables quand on constate les parallèles culturels avec l’Angleterre : « Il y a aussi une question linguistique, contrairement à nous, quand ils ont 5 ans, ils parlent tous anglais. »
Pourtant, de tout temps et dans tous les cas de figure ou presque, le joueur scandinave a été salué pour son adaptation rapide. Mikkel Beck, ancien joueur de Lille entre 2000 et 2002 et à la base du transfert de Simon Kjær au domaine de Luchon, ne peut que le confirmer : « En tant que Scandinaves, on a une capacité à se sentir bien assez vite. Pour un footballeur, le mental joue un rôle important et, pour nous, ça semble plus facile à ce niveau-là. » Au nom de l’ensemble de ses confrères, Beck l’affirme, s’exiler loin de chez soi ne serait pas un vrai problème pour le joueur scandinave. Pourtant, son attrait pour la Grande-Bretagne reste indéniable et pour attirer des grands blonds aux yeux bleus, la Ligue 1 doit aujourd’hui compter sur le manque d’intérêt des Britanniques pour cette espèce à part, comme le confirme Pierre Dréossi : « Pendant un certain temps, les Anglais ont pris moins de Suédois, moins de Danois. Ça fait qu’ils se sont retournés plus facilement vers la France, l’étape en dessous, ou même vers la Belgique. » Plus second choix que réelle priorité, la Ligue 1 serait donc la roue de secours préférée du joueur scandinave. Une triste vérité qui permet de mieux comprendre le vrai problème : la France ne boude pas la Scandinavie, c’est tout l’inverse.
Par Martin Grimberghs et Émilien Hofman
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