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Pourquoi la Libertadores est devenue aussi violente ?
Compétition mythique et vitrine du football sud-américain, la Copa Libertadores est souvent le théâtre de matchs très tendus, au détriment du beau football. Explications.
Orlando Berrío se souviendra longtemps de cette soirée. Le 20 mai dernier, en quarts de finale de la Copa Libertadores, l’attaquant colombien de l’Atlético Nacional élimine Rosario Central grâce à un but dans les derniers instants du match. Oublié les célébrations classiques, Berrío décide de fêter son but en gueulant juste devant Sosa, le gardien de Central.
Pas vraiment du goût de Musto, qui envoie alors un coup de pied et une patate. Chacun prend son carton rouge, et les dernières minutes seront extrêmement tendues. Giovanni Lo Celso abandonne les gestes techniques pour se mettre à la balayette et Eduardo Coudet, entraîneur sanguin de Rosario, va régler ses comptes avec les joueurs colombiens au coup de sifflet final.
Coudet como en el barrio #RosarioCentral #AtléticoNacional #Libertadores https://t.co/WmadeloAB2
— Lucho Martinez (@Luchoams_13) 20 mai 2016
Résultat, de l’une des plus belles séries des dernières années en Copa Libertadores, on retient cet immense bordel. Entre tensions dans les tribunes et sur le terrain, l’équivalent de la Ligue des champions en Amérique du Sud est souvent le théâtre de tels événements. Explications.
La clémente CONMEBOL
Les événements de ce genre sont récurrents en Libertadores. L’an passé, le match retour des huitièmes de finale entre Boca Juniors et River Plate a atteint un autre niveau dans le sabotage, la violence, et a mis en lumière la difficulté des instances du football sud-américain à gérer les scandales. Alors que Boca aurait du jouer huit matchs à huis clos, la CONMEBOL a réduit la sanction à deux rencontres sans public. Impunité ? Volonté de ne pas se mettre de dirigeants à dos ? En tout cas, la main légère de la CONMEBOL a réveillé tous les démons du football latino-américain. Par exemple, la question des supporters – les déplacements sont toujours interdits – n’a toujours pas été réglée en Argentine. Si le football sud-américain vit en constante crise, c’est aussi dû à une instance très fragile.
Autre incident majeur cette année, la rencontre entre Huracán et l’Atlético Nacional. Après la rencontre, les joueurs du club argentin sont venus protester vers l’arbitre pour des décisions douteuses. Une bagarre générale a ensuite éclaté. La suite de l’affaire est ubuesque. Preuve documentaire à l’appui, un journaliste argentin prouve que José Argote, arbitre de la rencontre, est né en Colombie. Problème, le règlement de la CONMEBOL précise que la « Commission des arbitres doit désigner une équipe d’arbitre d’un pays neutre » . Même s’il sera plus tard prouvé qu’Argote a aussi la nationalité vénézuélienne, cette affaire a été complètement étouffée par l’instance du football sud-américain. Si les tensions ont toujours été présentes dans les tribunes, le terrain est aussi une victime collatérale.
« Gagner coûte que coûte »
Tous les observateurs l’accordent : le football sud-américain souffre. Diego Lattore, ancien joueur de Boca Juniors devenu commentateur l’explique parfaitement dans les colonnes de La Nación : « Aujourd’hui, on applaudit plus celui qui court que celui qui joue. » Sebastián Battaglia, vainqueur de quatre Copa Libertadores et joueur le plus titré de l’histoire de Boca donne son point de vue sur le jeu pratiqué en Copa Libertadores : « Le football efficace règne, au détriment du beau football. Dans cette compétition, il faut savoir être intelligent, s’adapter à l’adversaire. Gagner la Libertadores, ça donne énormément de prestige, ça permet d’aller au Mondial des clubs. C’est compréhensible que le football esthétique soit mis de coté pour quelque chose de pragmatique. » Quant à la violence sur et en dehors du terrain, l’ancien milieu de terrain argentin dépeint un football où le résultat domine : « Je pense que la pression énorme que subisse les joueurs est en partie responsable de ces dérapages. Aujourd’hui, on apprend aux joueurs à gagner coûte que coûte, peu importe la manière. »
Heureusement, il y a encore la place pour de beaux vainqueurs (River Plate l’an dernier par exemple), ou quelques surprises telles que la présence en finale d’Independiente del Valle, club équatorien qui n’a jamais gagné un titre. Sebastián Battaglia confirme : « Gagner une Libertadores, c’est extrêmement difficile aujourd’hui. Regardez Boca, qui était favori contre Independiente del Valle. Tu as beau recruter des bons joueurs, avoir un stade complètement fou, une histoire importante, rien n’est assuré. Il faut un réel projet, pas seulement de la chance. Le prestige est toujours le même aujourd’hui. C’est une des compétitions les plus compliquées au monde. » Si la Copa Libertadores offre souvent de tristes images, elle couronnera cette année une équipe qui a prôné le beau football où une autre qui multiplie les exploits lors de cette campagne. Un peu d’espoir, donc.
Par Ruben Curiel
Propos de Sebastián Battaglia recueillis par RC.