- France
- Ligue 1
Pourquoi la LFP n’a pas pu diffuser le but de Wahbi Khazri
Ce samedi après-midi, lors de la 12e journée de Ligue 1, le Stéphanois Wahbi Khazri a marqué l'un des plus beaux buts de ce début de championnat. Un tir lobé de 68 mètres trompant Alexandre Oukidja et permettant aux Verts d’égaliser. Pourtant, peu de gens ont vu cette frappe. La LFP s’est empressée de faire supprimer toutes les vidéos des réseaux sociaux. Une malheureuse réponse à la réglementation.
Il n’était pas simple pour la Ligue 1 de se faire une place sur les réseaux sociaux ce week-end, entre le Z Event, les débats sur les accidents de chasse et le changement d’heure. C’était compter sans le but de Wahbi Khazri de 68 mètres lors du match opposant son équipe de Saint-Étienne à Metz. Une réalisation dantesque qui a enflammé la toile. Rapidement, elle a été décortiquée, analysée, observée, rediffusée. Partout, sur les réseaux, on revoyait encore et encore les images, on admirait le tir, la précision et les réactions des joueurs. Mais cette euphorie n’aura duré que quelques minutes, puisque les images qui circulaient ont commencé à disparaître. La LFP a en effet joué son rôle d’organisateur et de détenteur des droits. Malgré les critiques et les réprimandes, malgré les jugements et les opinions négatives, elle n’a fait que récupérer la primauté des images et appliquer un règlement qui préexiste depuis 2003, date de la ratification du fameux règlement intérieur audiovisuel (RIA).
Avec cette suppression, le marché international est-il touché ?
En fait, plusieurs questions fondamentales se posent. Premièrement, quid du marché international ? En agissant de la sorte, la Ligue ne s’est-elle pas tiré une balle dans le pied en se privant d’une fenêtre médiatique internationale colossale, à l’heure où elle parle de valoriser ses droits internationaux ? Parle-t-on vraiment de marché national ou international lorsqu’on parle des réseaux sociaux ? Ensuite, qui détient ces droits spécifiques et qui peut les mettre en ligne ? Comment cela est organisé ?
Tout d’abord, il convient de rétablir quelque chose. Cette invisibilisation du but de Wahbi Khazri a été surtout observée en France. Parler de perte et d’absence de stratégie pour le marché international est une erreur. Dans beaucoup de pays étrangers, via la géolocalisation de Twitter ou de Facebook, des comptes ont pu diffuser le but instantanément et en toute légalité. Les Britanniques, les Américains ou les Chinois ont pu le voir, et cela n’a pas altéré ou fragilisé la réputation de la Ligue 1, bien au contraire.
Qui a les droits, qui a les droits de la Ligue 1 sur les réseaux ?
On s’est insurgé en France pour la France et le marché français. Et c’est une question de droit de diffusion, tout simplement. Dans l’Hexagone, c’est Amazon qui détient les droits du match Metz-Saint-Étienne et qui a donc diffusé la rencontre. Mais le groupe américain ne possède pas les droits pour pouvoir mettre les buts sur les réseaux sociaux. Au même titre que Free, qui n’a que les droits digitaux correspondant au near-live et aux résumés, accessibles seulement via son application.
Alors qu’à l’étranger, quand un diffuseur a les droits, il les a tous et peut en faire ce qu’il veut, en France cela est très réglementé à travers le RIA. Ce dernier accorde la cession des images, comme cela est précisé à l’article 5-1-2, à tous les clubs à J+1, c’est-à-dire « à compter de minuit le soir du dernier match de la journée de championnat concernée ». Autrement dit, pour la 12e journée, toutes les équipes ont eu le droit de diffuser les buts et les images des rencontres, dont Saint-Étienne avec Khazri, dès le lundi 1er novembre, à 00h01. Pas avant.
L’idée ici est d’accorder les droits numériques des réseaux aux clubs gratuitement tout en évitant une distorsion de concurrence avec Free ou Amazon, qui pourraient ne pas se satisfaire d’être concurrencés par de la diffusion instantanée des buts sur Twitter, Instagram ou Facebook. L’accord a été prolongé en 2020 dans ce sens, et validé par toutes les équipes, aussi afin d’éviter une mise en lumière plus importante d’un club à l’encontre d’un autre. Si la LFP se chargeait de la diffusion sur les réseaux ou un autre acteur, il y aurait un déséquilibre de visibilité entre des clubs diffusés le vendredi ou le samedi, et d’autres le dimanche soir. Avec ce principe fixé par le RIA, tout le monde a droit à ses images en même temps, avec une parfaite égalité de traitement.
Bien évidemment, cela peut être discuté et critiqué, bien évidemment beaucoup se sont insurgés contre ce principe et cette application du règlement. Mais il faudra attendre le prochain appel d’offres et la prochaine cession des droits pour espérer un changement. Pas maintenant, pas avant deux saisons. Donc il va falloir s’y faire. Si de nouveau, un but exceptionnel et magnifique est marqué, rien ne pourra être publié instantanément sur les réseaux sociaux.
Par Pierre Rondeau