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Pourquoi Javier Pastore peut faire voler ce PSG
Delio Rossi évoquait le cas de son ancien joueur en mai : « Ce n'est pas un attaquant, ni un meneur de jeu, ni un milieu central. Il a un rôle particulier. Il doit se sentir important : si tu le prends dans ton équipe, tu dois lui faire confiance. Au PSG, c'est un comprimario (second rôle à l'opéra), mais ça devrait être un acteur majeur. » Les romantiques veulent le voir réussir coûte que coûte, tandis que ceux qui savent se contenter de victoires sur coups de pied arrêtés semblent indifférents, tant que le ballon finit au fond. La question que Blanc doit se poser est donc de savoir si l'argentin peut donner une autre dimension à ce PSG. Peut-il justifier la transformation du 4-3-3 ? Après une pré-saison pleine de promesses, démontrant une fois de plus qu'il est « trop fort pour ne pas jouer », voilà que le Flaco est à nouveau candidat à un rôle majeur. Celui qu'il avait lors des meilleurs moments de sa première saison, avant l'ère Zlatan. Celui qu'il avait de janvier à mai 2013 sous l'ère Ancelotti. Celui que Laurent Blanc n'a jamais su lui donner.
« Une multitude de possibilités »
« La seule fois où j’ai fait la composition de l’équipe, c’est quand Zenga refusait de faire jouer Pastore. Imagine un peu. On allait jouer le derby contre Catane. Je lui ai dit :« Très bien. Vous ne faites pas jouer Pastore, mais si vous perdez ce match, vous rentrez chez vous. »Il a perdu et je l’ai renvoyé chez lui… » Des propos signés Maurizio Zamparini, président de Palerme, en février 2013 (So Foot n°104). Monsieur Zamparini aime le football avec les yeux. Et donc, au sein de son club sicilien, Pastore jouait forcément dans l’axe derrière Miccoli, et Cavani courait sur les côtés. « Parce ce qu’il est infatigable. » Pastore, lui, n’est pas connu pour courir beaucoup, que ce soit sur les côtés ou dans l’axe. C’est plutôt un footballeur doué avec le ballon. Il joue, fait jouer et décide. Un « mal éduqué du football » , comme disait Maradona.
Dans ce 4-3-3, Blanc peut utiliser le talent du Cordobés à deux positions différentes. D’une part, le troisième poste du milieu, devant deux joueurs plus « conservateurs » que lui, ce qui le rapprocherait d’un 4-2-3-1. D’autre part, le troisième poste de l’attaque, derrière deux joueurs plus buteurs que lui, qui ferait croire à un 4-3-1-2. Dans les deux cas, Pastore doit s’adapter, se sacrifier, travailler. C’est exactement ce qu’il a montré lors de cette pré-saison, et Blanc l’a remarqué : « Les qualités démontrées par Javier cet été, il les possède depuis très longtemps, il faut maintenant être régulier. C’est ce qu’il fait actuellement et j’espère qu’il va poursuivre dans cette dynamique pour être un élément important du groupe. Il a fait une bonne préparation et elle porte ses fruits. Il offre une large palette en pouvant évoluer à différents postes. Il y a donc une multitude de possibilités. »
Quel poste, quelle liberté et quel triangle au milieu de terrain ?
Au milieu, la bataille est aussi relevée que dans les plus grands clubs européens. Motta, Verratti, Matuidi, Cabaye, Rabiot, Chantôme. Si Pastore devait gagner sa place de titulaire au milieu, il mettrait forcément sur le banc un membre du trio de l’an passé. Une option entrevue à Reims : deux passes décisives, des bonnes décisions et surtout un volume de jeu rendant plausible l’association des trois milieux les plus joueurs de l’équipe : le MVP formé par Motta, Verratti, Pastore. Trois jours plus tard à Naples – pas si loin de sa Sicile adoptive – l’Argentin en remet une couche d’un crochet de pinceau subtil. Facile ? Non, car la hiérarchie de Reims n’a rien à voir avec la hiérarchie qui se sera installée d’ici un mois, et les obstacles sont nombreux : les retours de Matuidi et Cabaye, la possible arrivée de son compatriote Di María… En fait, tout dépend de la forme du triangle envisagé.
Dans un trio qui s’appuie sur un numéro six classique, avec Pastore en relayeur gauche, l’équilibre est remis en question. En revanche, Pastore peut évoluer à la pointe d’un triangle soutenu par deux milieux conservateurs, comme la paire Motta-Verratti à Reims, où Matuidi pourrait trouver sa place. Le milieu gagnerait en imprévisibilité. Mais le PSG peut-il continuer à dominer autant avec trois joueurs devant Pastore ? Oui, à condition d’avoir des attaquants qui défendent, comme Lavezzi et Cavani, qui permettent d’aligner un 4-4-2 voire même un 4-5-1 en phase défensive. D’une part, à Reims, l’Argentin a réalisé un bon travail à la récupération et réussi le plus grand nombre de tacles côté parisien (4, soit autant que le total cumulé du reste de l’équipe). D’autre part, sous Ancelotti, il avait déjà défendu son couloir gauche avec sérieux. La source du problème ne vient pas des caractéristiques du joueur, mais de l’équation de l’entraîneur. La difficulté réside dans le fait d’insérer ce que Johan Cruijff aime appeler un « joueur d’action » , qui vit du but ou de la passe décisive, dans un système basé sur la volonté d’une domination constante.
Devant le milieu, pour la liberté et la proximité du but
Une grande partie de ce raisonnement repose sur l’état de santé de Thiago Motta. Dans le cas où l’Italo-Brésilien devait jouer avec continuité, alors Blanc aurait du mal à défaire le milieu Motta-Verratti-Matuidi, qui a montré de si belles choses l’an passé, que ce soit en termes d’équilibre défensif, de gestion de la possession et de lecture du jeu. Le véritable enjeu se situe autour du triangle, derrière et devant, à la création. Là, Pastore a l’avantage d’être simplement plus doué que Lavezzi et Lucas. Le premier n’a jamais réussi à assumer le rôle de deuxième arme offensive du club, malgré un temps de jeu suffisant. Et si le potentiel du second reste intact après une saison et demie, son efficacité et son intelligence de jeu présentes font regretter la dictature du pied gauche de Nene.
Pour pouvoir profiter de la vision du jeu de Pastore, il faut lui offrir de l’espace, des solutions et de la liberté. Et pour conserver de l’équilibre, il faut convaincre Blanc que les côtés seront toujours aussi bien défendus. Et s’il existe un joueur capable d’offrir cette protection et cette liberté à Pastore, c’est bien Blaise Matuidi. Une chance inouïe dont Blanc doit profiter. Pour chaque joueur libre, il a toujours existé un sacrifié. Au Real de Mourinho puis Ancelotti, Cristiano n’a jamais eu besoin de défendre le couloir gauche grâce à la lecture du jeu de Xabi Alonso. À l’Inter de Mancini puis Mourinho, Maicon jouait « meneur latéral » grâce à la couverture de Zanetti. Au Milan d’Ancelotti, Cafu pouvait se permettre des coups du sombrero grâce à Gattuso. Et puis ce 4-3-3 à tendance 4-3-1-2 a un antécédent : PSG-Nice, au Parc des Princes, le 9 novembre 2013. Revenu de blessure, Pastore était accompagné d’un milieu à trois Motta-Matuidi-Rabiot et du duo Ibra-Cavani. Un épisode pilote réussi.
Laurent Blanc et le besoin de prise de risque
Sous le règne de Blanc, Pastore n’a pas eu sa chance pour quatre raisons. D’une, pour une blessure au mauvais moment à l’été 2013. De deux, pour des motifs géographiques. Zlatan dans l’axe, Matuidi à gauche du milieu. De trois, pour des motifs politiques. Lucas a coûté cher et a du « potentiel » , Cavani a un autre statut. Et de quatre, enfin, parce que dans le contexte de la saison dernière, il en fallait plus pour convaincre un entraîneur sous pression adepte de la prise de risque minimum. Avec un 4-3-3 rodé et des coups de pied arrêtés efficaces, pas besoin de la fantaisie du Flaco ? Blanc a ses idées, et après avoir joué en 4-3-3 lors de 89% des matchs de Ligue 1 l’an passé, la flexibilité n’en fait pas vraiment partie. Et c’est là que se situe le cœur du problème, et la solution. En 2012/2013, Ancelotti n’avait pas vraiment eu besoin de Pastore en Ligue 1 jusqu’au mois de janvier. Mais il avait su trouver un compromis – le 4-4-2 – pour profiter du talent de l’Argentin au moment des choses sérieuses.
Le temps de jeu de Pastore dépendra grandement de la relation de Blanc au risque. L’an passé, même si Pastore était plus beau, même si Pastore pouvait être plus fort, l’entraîneur français préférait Matuidi, Lucas, Lavezzi. Le muscle, la vitesse et les kilomètres parcourus se mesurent, pas le génie. Mais le contexte a changé. Maintenant que Blanc a fait aussi bien que Carletto, les objectifs sont différents. La C1. Celle qui se voue au hasard, à la chance, aux joueurs capables de se dépasser. À Stamford Bridge, Blanc a perdu par manque d’audace. Il fallait assaillir Stamford Bridge. S’il veut un PSG plus conquérant, s’il veut augmenter la marge de progression de son collectif, s’il veut faire marcher la concurrence et obtenir un groupe encore plus compétitif, Blanc doit donner l’opportunité à Pastore de faire voler plus haut son PSG. Il s’agit de forcer le destin et d’aller chercher le niveau supérieur. Le football est fait de gestes et de détails qui, avec le temps, forment des cycles. Laissons le cycle Pastore s’ouvrir, pour voir, ou plutôt pour qu’il nous fasse voir jusqu’où il peut aller.
Pour ça, aussi…
Par Markus Kaufmann
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