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Pourquoi il faut croire en Jonathan David
Muet depuis son arrivée en Ligue 1 et trois jours après avoir manqué un penalty face au Celtic, l'attaquant canadien du LOSC, recrue la plus chère de l'histoire du club, est sous pression à l'heure de la venue de Lyon à Pierre-Mauroy. Mais au-delà des chiffres, tout n'est pas à jeter dans son début de saison.
Tout le reste ne compte plus. Il n’y en a plus que pour cette image : celle d’un mec de vingt piges, réputé imperturbable, qui cherche à se planquer et à quitter la scène au plus vite. Jeudi, face au Celtic, Jonathan David a de nouveau heurté un mur, écossais cette fois, et n’a pas réussi à détourner les regards suspicieux que ses dernières sorties en short suscitent. La faute à un penalty qu’il avait lui-même obtenu et qu’il a donc lui-même envoyé dans les gants de Scott Bain. Une fois les lumières éteintes, Christophe Galtier n’a pas eu d’autres choix que de se transformer en plaid : « Ça va rajouter quelque chose de plus de la part des médias, une pression supplémentaire sur lui. On va l’accompagner. Il a été intéressant entre les lignes, dans les prises de balles, dans ses déplacements. Mais vous savez, un attaquant, on lui demande de marquer des buts. S’il avait concrétisé ce penalty, il aurait fait, lui, une bonne première période. Mais il va marquer. » C’est ici la vie de l’attaquant qui se déplie sous nos yeux.
Arrivé avec les dents brillantes cet été, en affirmant boire la pression plus que la subir et avec la double étiquette « joueur spécial »-talent le plus cher de l’histoire du LOSC, David s’affiche aujourd’hui titubant, hagard, comme un biathlète soudainement devenu incapable de blanchir la moindre cible. Le 22 octobre dernier, dans l’après-midi, cela a même poussé Galtier à filer le voir dans la chambre d’un hôtel de Prague, où Lille s’apprêtait à détrousser le Sparta (1-4). Quelques jours plus tôt, après un derby remporté face à Lens, l’entraîneur du LOSC avait déjà eu ces mots : « Jonathan est évidemment en dessous de son niveau. Il est très jeune et il a peut-être sous-estimé le niveau de la Ligue 1. Maintenant, il va falloir qu’il aille chercher autre chose pour redevenir performant. On ne va pas se voiler la face : c’est un peu difficile pour lui. » On parle ici de maths, de ce qui permet de juger la fiabilité d’un attaquant, de sport à l’état brut. Ici : aucun but marqué, aucune passe décisive délivrée, après 659 passées à creuser de multiples fissures.
La grande bataille de l’attaquant
Jonathan David a un boulet, et pas des moindres : son prix, vingt-sept millions d’euros. « Un honneur » à ses yeux au moins d’août, quelque chose qui biaise aujourd’hui l’analyse portée sur son cas par certains fidèles du LOSC. Une chose est indiscutable : le Canadien doute et semble lutter contre une immense « crispation dans le geste final ou quand il rentre dans la surface » comme le remarquait Christophe Galtier il y a peu. Mais une autre l’est tout autant : David a inscrit trente-sept buts et sorti quinze passes décisives lors de ses deux années passées à La Gantoise. Il sait donc chasser et ne doit pas être balancé au grenier comme un vieil Action Man défectueux. Galtier a raison lorsqu’il souligne que « la non-réussite fait partie du jeu » et a doublement raison lorsqu’il insiste avec un élément qu’il a notamment laissé jusqu’au bout du bout face à Lens alors que le match était déjà plié. On est au cœur de la grande bataille de l’attaquant, qui se doit de ranger au fond de ses poches des jugements qu’il est fondé de trouver injustes car trop précoces pour être définitifs.
Poison, planche et science des appels
Il faut d’abord prendre ce problème par un constat : si David a autant brillé en Belgique, c’est avant tout grâce à un système et à une animation construite pour l’aider à allumer des ampoules. À savoir : un losange, dont le néo-Lillois avait les manettes et était le cadre en tant que meneur de jeu, et où un duo Yaremchuk-Depoître était chargé de faire reculer les défenseurs centraux adverses devant lui. Un système qui lui permettait d’être souvent en position de frappe, et ce, alors que l’international canadien (onze buts en douze sélections, rien que ça) affichait des stats délirantes face au but grâce à un calme de sniper. Aujourd’hui, utilisé par Christophe Galtier pour former le toit à deux têtes de son 4-4-2 en compagnie de Burak Yılmaz, un homme qui excelle dans la profondeur, il est déjà possible de mettre en lumière un élément depuis le début de saison : Jonathan David sait se placer et être un poison entre les lignes.
Trouvé entre les lignes, David attire trois joueurs du Stade rennais à lui tout seul avant de trouver Renato Sanches qui n’a ensuite plus qu’à lancer Çelik dans la profondeur.
David possède aussi une bonne résistance sous pression. Ici, il permet de nouveau au LOSC d’écarter rapidement le jeu.
Face à Lens, autre situation : trouvé par Çelik, il va encore être en point d’appui précieux.
Cette occasion est sans aucun doute la plus belle de David cette saison : sa remise acrobatique en profondeur pour Araujo est superbe.
Jonathan David, décisif sur le but inscrit par Pallois contre son camp face à Nantes, a également déjà fait parler sa science des appels :
Lancé ici par Araujo entre les deux centraux de l’OM…
… David va parfaitement servir Yılmaz, qui va toucher le poteau gauche de Mandanda.
Lors du derby face à Lens, il part de nouveau au bon moment, mais se fera ensuite rattraper.
Contre le Celtic, il lance un appel parfait dans le dos de Brown et Ajer. La passe d’Ikoné est magnifique et Duffy va ensuite être obligé de faire faute.
Ici, il est parfaitement placé au point de penalty, mais va manquer sa reprise.
Depuis le début de saison, le numéro neuf du LOSC a eu l’occasion de faire sauter son compteur, à plusieurs reprises, que ce soit face à Lens ou à Prague (quatre occasions lors des deux rencontres), mais aussi à Strasbourg et à Marseille. En vain. Il n’est pourtant jamais totalement passé à côté de son match, si ce n’est peut-être à Reims, provoquant souvent de nombreux décalages, créant des opportunités et travaillant pas mal défensivement. Seule différence : il est désormais utilisé comme une planche fiable ou comme une arme en profondeur, là où il se retrouvait davantage face au jeu à La Gantoise, position d’où il pouvait notamment être un furieux facilitateur. Il semble doucement apprivoiser ce nouveau rôle et est, surtout, presque prêt physiquement après un été sans préparation.
Galtier en a de nouveau parlé samedi : « Je serais très dur avec lui s’il n’était pas investi, mais il l’est. Il est en manque de réussite, c’est une évidence. Comment faire pour changer les choses ? En lui faisant démarrer des matchs, en le faisant entrer. S’il avait marqué ce penalty, cela aurait été bien pour l’équipe et très bien pour lui. Il me montre tous les jours un réel investissement. Il faut continuer et se réfugier dans le travail. L’année où Aubameyang nous avait été prêté à Sainté, il a eu quatre ou cinq mois difficiles. Avec le soutien de mes présidents, on lui avait fait confiance, et les choses se sont améliorées. Comment j’avais fait ? Quand les choses ne vont pas, il faut essayer et entreprendre, être présent dans la surface de réparation. Et puis le joueur ne doit pas sentir le regard de ses partenaires sur ses épaules. Il est très important qu’il ait le soutien de tout le monde. » Son apport ne peut être qu’une affaire de chiffres, c’est aussi une histoire d’esprit : après huit journées, David, qui lorsqu’il est en confiance devient un formidable bison danseur, est là dans les intentions. Reste à soigner la finition et à appuyer sur la détente, enfin.
Par Maxime Brigand