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Pourquoi Guilavogui revient de loin
Entre un transfert raté, une incompatibilité professionnelle avec le bouillant Diego Simeone et des entrées douteuses sur des matchs sans intérêt, Josuha Guilavogui a vécu une adaptation catastrophe en Liga. Convoqué par Didier Deschamps après le forfait du Lillois Rio Mavuba, on peut dire que le joueur des Verts revient du diable vauvert. Retour sur la trajectoire pour le moins sinueuse du jeune international français.
– Parce que Diego Simeone n’en voulait pas !
Après quelques mois passés de l’autre côté des Pyrénées, Josuha Guilavogui (23 ans) a expérimenté une drôle de traversée du désert ! Car avec une seule minute de jeu en Liga (6 octobre dernier contre le Celta Vigo), deux bouts de match en Ligue des champions et quatre rencontres disputées en Copa del Rey, celui qui a été formé dans le Forez peut difficilement arguer d’une certaine usure physique en cette année charnière de Coupe du monde. En revanche, en ce qui concerne l’usure psychologique… Puisqu’au-delà du fait de faire banquette en Espagne, le longiligne milieu de terrain (1m87) a également dû composer avec un environnement compliqué. La faute à un entraîneur nommé Diego Simeone qui n’a jamais été convaincu par le profil du milieu de terrain défensif qui totalise cinq sélections avec l’équipe de France… Selon certaines indiscrétions glanées par la presse ibérique, ‘El Cholo’ Simeone n’était pas au courant lorsque Josuha Guilavogui s’est engagé pour cinq ans en faveur des Colchoneros (montant du transfert : 10 millions d’euros). Stupeur, surprise, angoisse, agacement, frustration, le natif d’Ollioules (Var) est visiblement passé par toutes les émotions lors de ces derniers mois. D’autant que le technicien argentin aux cheveux plaqués s’est même laissé aller à quelques déclarations peu agréables au sujet de l’ancien capitaine des Espoirs : « C’est toujours plus compliqué quand un joueur arrive alors que la saison a débuté. Voilà pourquoi nous, les entraîneurs, aimons avoir à disposition les footballeurs le plus tôt possible. Une chose est de travailler dans une autre équipe, une autre chose est de travailler avec nous. Moi, j’ai des joueurs comme Gabi (Fernandez, ndlr), Tiago ou Mario Suárez qui depuis un an et demi sont énormes. Josuha travaille bien et nous mettons beaucoup d’espoir en lui, raison pour laquelle il est ici, mais bien évidemment il faut qu’il s’adapte à l’équipe. Et surtout il faut qu’il montre durant les entraînements, à moi le coach, des raisons d’enlever Gabi, Tiago ou Mario pour le mettre à leur place. Il doit me prouver qu’il progresse et qu’il mérite sa chance face à des joueurs qui ont donné trois titres et le première place de la Liga. » En quelques mois passés à Madrid, Guilavogui ne parviendra pas à retourner la situation en sa faveur. À tel point qu’en janvier dernier, Diego Simeone met la pression à ses dirigeants pour faire signer l’Argentin Ernesto Sosa, alors que Mario Suárez (blessé) et Gabi Fernandez (suspendu) sont indisponibles. Pour l’ancien Stéphanois, c’est le coup de grâce. Les valises sont prêtes, ne manque plus qu’à trouver un club susceptible de l’accueillir. Problème, il est quelque peu fâché avec son agent…
– Parce qu’il ne veut plus entendre parler d’agent
Inexpérimenté en matière de transfert (lui qui n’a connu, en tant que pro, que les Verts auparavant), le Franco-Guinéen a sans le savoir commis une erreur en quittant son cocon familial du Forez pour rejoindre la nébuleuse capitale espagnole où les rêves de Ligue des champions étaient à portée de crampons. Sauf qu’en cette saison de Mondial, le pari était quelque peu risqué ! Mais faisant confiance à son agent Michaël Manuello, Guilavogui s’oublie et se décide à rejoindre le club de l’Atlético en toute fin de mercato alors que l’ASSE vient de se faire éliminer de la Ligue Europa. Bien mal lui en a pris… Car après l’imbroglio Diego Simeone, le néo-international va finir par regretter son choix. Un choix que risque bien de payer son représentant direct selon des informations de L’Equipe. Lui reprochant de l’avoir mal conseillé, le joueur de l’ASSE ne voudrait plus entendre parler de son agent, souhaitant mettre fin à sa collaboration. En attendant, ce dernier aurait tout de même œuvré au retour de Guilavogui dans le Forez, alors que seul le club stéphanois pouvait l’accueillir. En cause : le règlement de la FIFA qui interdit à un joueur d’évoluer pour trois clubs différents dans une même saison.
– Parce qu’à peine revenu, il est déjà servi
Au-delà de Jean-Pierre Bernès, « DD » et « Galette » ont un autre point commun. Celui d’apprécier tout particulièrement Josuha Guilavogui. Car après même pas un mois et deux petits matchs avec l’ASSE, Didier l’a directement rappelé en équipe de France suite au forfait de Mavuba. « Contre l’ASM, il a été performant, a déclaré le sélectionneur des Bleus ce lundi. D’ailleurs, Josuha, c’est quelqu’un qu’on connaît puisqu’il était venu avec nous au Brésil en juin et là aussi, il avait été performant. Cette tournée lui avait servi. Puis, c’est quelqu’un qui peut jouer à plusieurs postes au milieu de terrain et qui a un potentiel intéressant. » De son côté, Christophe Galthier aime rappeler que Guilavogui est avant tout quelqu’un d’ « intelligent » . Car ne vous y trompez pas, derrière cette voix fluette qui contraste avec un physique de déménageur, le principal intéressé n’a jamais été considéré comme le dernier de la classe. Clairvoyant, lucide et surtout posé lorsqu’il s’agit de se présenter en zone d’interview, « Joss » , titulaire d’un bac ES avec mention bien, est quelqu’un qui apprend vite, très vite. « De toute façon, je voulais vraiment le réussir et j’ai travaillé pour, déclarait-il la saison dernière au moment de son éclosion avec les Verts. J’ai toujours aimé l’école et je n’y suis jamais allé à reculons. » À quelques mois de la liste des 23 de Didier Deschamps, Josuha Guilavogui veut désormais avancer. Avancer, selon la devise brésilienne, en ordre et progrès.
Par Bertrand Darte, à Saint-Étienne