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Pourquoi Dušan Tadić mérite le Ballon d’or
Remballez vos lignes de statistiques, vos trophées et vos stars : aucun joueur n'a engendré plus d'émotions en 90 minutes la saison dernière que Dušan Tadić face au Real, en huitièmes de finale de C1. Suffisant pour mériter un Ballon d'or ? Et pourquoi pas, après tout ?
Trêve de bavardages et de formules diplomatiques, énonçons un postulat de base qui mettra à peu près tout le monde d’accord : le Ballon d’or est et restera une superbe escroquerie médiatique. Les absurdités à la base même de son concept, à savoir comparer des joueurs évoluant à des postes différents et iconiser une individualité dans un sport collectif, sont débattues sur la place publique année après année. Sans que le prestige qui émane du trophée, vénérable récompense créée en 1956, ne soit réellement remis en cause.
L’année 2010 fut néanmoins ce qui ressemble à un tournant décisif, qui achevait de tuer le peu de crédibilité sportive qu’on pouvait encore attacher au sacre « du meilleur joueur du monde » : Wesley Sneijder, stratosphérique avec l’Inter, auteur du triplé Ligue des champions-championnat-coupe avec le club lombard et finaliste du Mondial avec les Pays-Bas, se voyait alors doubler par Lionel Messi, ses buts Youtube et ses statistiques inhumaines. Et alors quoi ? Si le Ballon d’or est une vaste farce, sorte de comédie populaire qui vient cannibaliser l’espace médiatique une fois par an, pourquoi ne pourrait-on pas sacrer Dušan Tadić ?
Le maître du jeu
Jetons la logique aux orties, et les statistiques avec elle. Gardons l’émotion, l’exaltation de la découverte, la fascination de voir l’Ajax de nouveau grand cette nuit de mars 2019 où les Lanciers ont désintégré le Real Madrid au stade Santiago-Bernabéu. Au centre de ce maelstrom de sensations, il y avait un type appelé Dušan Tadić, qui n’a pas touché terre pendant 96 minutes et fait léviter au passage un bon paquet de spectateurs sur leurs canapés. Cette exaltation, elle est rare. Spéciale. Enivrante. C’est celle de voir un numéro 10 transfigurer un collectif, éparpillant un peu de sa classe aux quatre coins du terrain tout en prêtant son talent à ses équipiers qui embarquaient sur le carrousel enchanté de l’exploit.
Il fallait le voir pour le croire, et il y avait quelque chose d’irréel à regarder Dušan Tadić mettre par terre Casemiro d’une roulette. Ou encore exploser les lignes défensives du Real, d’un extérieur du pied soyeux ou d’un renversement de jeu. Subsiste ce sentiment d’absolu, de perfection même, qui reste chevillé au corps après la rencontre et qui survivra sans doute longtemps dans l’esprit de ceux qui ont eu la bonne idée de regarder ce huitième de finale de C1. Quel autre joueur, lors de l’exercice précédent, a concentré et engendré autant d’émotions en une petite heure et demie que Dušan Tadić ce mardi 5 mars 2019 ? Personne. Et si le Ballon d’or est une splendide arnaque, autant la mettre à profit pour valoriser une certaine idée de football incarnée par le Serbe ce soir-là.
Par Adrien Candau