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Pourquoi Dunga snobe-t-il Felipe Anderson ?
Ça devait être la surprise de cette sélection brésilienne, mais finalement, Dunga lui a préféré Robinho, Tardelli ou encore Firmino. Pour les deux amicaux à venir (France et Chili), Felipe Anderson restera à Rome. Pourquoi ?
7-1. Pas facile de commencer de la sorte, mais c’est malheureusement le point de départ de cette histoire. Au lendemain du désastre national, la Fédération brésilienne doit faire un choix. Il faut tout remettre à plat. Repartir de zéro. Et deux solutions s’offrent à elle : l’ultra-libéralisme avec un Joga Bonito poussé à l’extrême ou une politique d’austérité dirigée par une main de fer. Et c’est la seconde solution qui est choisie. Dunga, le Commandant, est intronisé. Le peuple brésilien s’offusque, mais s’il y a bien un reproche qu’on ne peut pas faire à Dunga, c’est qu’il sait mieux que quiconque comment resserrer des boulons. Lui, l’ancien boucher du milieu, l’antéchrist du beau jeu, l’Otto Rehhagel brésilien « époque 2004 » déteste la défaite. Lui, c’est la gagne peu importe la manière.
De la bouteille
Car la première question qu’il faut se poser est : le problème vient-il du joueur ou du sélectionneur ? Felipe Anderson, depuis le début de saison, c’est l’homme en forme de la Lazio. À seulement 21 ans, il est impliqué dans 30 % des buts de son équipe. Il met des pions importants comme lors du derby romain. Et il est constamment dangereux. C’est la hype du moment. Les tifosi laziali l’adulent, la presse l’adoube, mais pas Dunga. Le blocage vient donc de ce dernier.
Alors que peut-il bien reprocher à Felipe Anderson ? Déjà son âge. Son très jeune âge. 21 ans seulement. C’est un excellent joueur, mais pas encore confirmé. Une excellente moitié de saison, ce n’est pas suffisant pour le Commandant. Lui, il préfère les vieux de la vieille. Exemple : pour la Coupe du monde 2010, le sélectionneur brésilien part en croisade avec une équipe à 29 ans de moyenne d’âge. Le plus jeune : Ramires 24 ans. Ses coéquipiers frôlent tous la trentaine et l’homme fort de cette Seleção, c’est Gilberto Silva, 34 ans à l’époque. Aujourd’hui, il prend des mecs comme Robinho, Tardelli, enfin vous avez compris…
Joga Mochito et « Petit merdeux »
Autre élément de réponse : la philosophie de jeu de Dunga. Pour le comprendre bien comme il faut, voici ses premiers mots après son intronisation : « Le Brésil a une tradition de football offensif et entraînant. Mais cela fait référence à 1958. Aujourd’hui, c’est quoi le foot offensif ? Empiler des attaquants, comme on le fait chez nous ? L’équipe doit être plus compétitive des deux côtés du terrain » . Dunga préfère les bûcheurs aux artistes. Pour preuve, sa décision de ne pas sélectionner Marcelo et de lui préférer Filipe Luís, bien plus sérieux défensivement : « Combien de fois Marcelo a-t-il attaqué pendant la Coupe du monde ? Vingt fois. Combien de buts a-t-il marqués ou créés ? Aucun. Combien de fois a-t-on été pris dans le dos de la défense ? Trois ou quatre fois. » Au moins, c’est clair. Avec le Commandant, fini les jongles et les passes du dos.
Et enfin, la dernière raison possible, c’est l’amour mutuel que se portent Dunga et la presse dans son ensemble. Les méthodes du sélectionneur ne plaisent pas aux médias et vice versa. Pire, il serait même capable de prendre le contre-pied d’une forte tendance pour titiller les journalistes. En 2010, par exemple, il exclut du groupe Ronaldinho, Ronaldo et Adriano hors de forme. Il veut du physique, et les trois magnifiques n’en ont plus. Ils n’ont que de la magie dans les pieds. Rien que ça. Les médias brésiliens lui en veulent et n’hésitent pas à le faire savoir. Dunga le leur fait payer. Il leur interdit d’interviewer les joueurs. Alex Escobar, un journaliste, se permet en conférence de presse de téléphoner et de prévenir ses supérieurs de la situation. Dunga pète un plomb devant les caméras : « Trouillard, petit merdeux… »
C’est une théorie un peu farfelue, mais on peut se douter que le Commandant n’aime pas se faire influencer par les médias. Et Felipe Anderson, malgré l’énorme saison qu’il est en train de réaliser, a, contre son gré, été suggéré par l’opinion publique. Ça ne serait pas complètement illogique que Dunga ait fait ce choix juste pour s’imposer en tant que patron. Et puis, Felipe Anderson est jeune. Et puis, Felipe Anderson ressemble plus à un artiste qu’à un bûcheur. Ça fait déjà beaucoup trop pour Dunga. CQFD.
Par Ugo Bocchi