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Pourquoi Christian Gourcuff n’y arrive pas encore
Dixième de Ligue 1 et pas franchement spectaculaire, le Stade rennais n’a pas encore totalement adopté le style Christian Gourcuff. Pourtant, l’entraîneur a été recruté pour imposer ses principes de beau jeu observés à Lorient. Mais cela demande une certaine stabilité. Et surtout du temps.
Stade Vélodrome. 14e minute de jeu. Le cerveau de Christian Gourcuff, bien qu’accompagné de son émotion blasée, travaille plus que jamais. Clément Chantôme, la sentinelle choisie par l’entraîneur cet été et qui revient à peine de blessure, se tient la cuisse, claqué. Pendant ce temps-là, Morgan Amalfitano, tout juste recruté par le coach et titulaire depuis quatre journées, se fait les ischios. Le technicien français est donc forcé de bouleverser tous ses plans. Après vingt minutes de jeu, Rennes a procédé à deux changements et perdu deux joueurs visiblement très importants pour la stratégie de Gourcuff. Hasard ou pas, l’Olympique de Marseille remportera aisément la partie 2-0, et le Stade rennais n’offrira pas grand-chose de chouette. Une rencontre qui illustre bien les problèmes rencontrés par Gourcuff cette saison.
Des joueurs à l’infirmerie, d’autres partis
Arrivé en juillet dernier à la tête d’une équipe à reconstruire, dans le fond comme dans la forme, Christian galère actuellement. En matière de résultats, d’abord : après un début de championnat plutôt bon (huit victoires en seize parties), les Rouge et Noir restent sur dix rencontres de Ligue 1 sans victoire et pointent à une décevante dixième place. Sans compter qu’ils sont éliminés des deux coupes nationales (balayés 7-0 par Monaco en Coupe de la Ligue et écrasés 4-0 par le Paris Saint-Germain en Coupe de France). En matière de jeu, ensuite. Pas toujours convaincants, les potes de Benoît Costil sont même parfois ennuyeux.
Frustrant, quand on sait que le tacticien a signé avec l’objectif de redonner de la vie à ce club. Alors, comment expliquer que le visage de sa team ne soit pas un peu plus flambant ? La raison la plus évidente tient au manque de stabilité de l’effectif. Yoann Gourcuff, Ramy Bensebaini, Edson Mexer, Chantôme… Tous ont connu des pépins physiques regrettables pour les idées du Français. De plus, le groupe a été amputé de titulaires habituels en raison du mercato hivernal. Bye bye Paul-Georges Ntep et Kamil Grosicki, et merci pour les vides offensifs que vous laissez sur les ailes.
Oui, la mutation a débuté… en douceur
Dans ces conditions, pas facile d’imposer sa patte. Mais en réalité, l’absence de progrès soulevée est à relativiser. Car Rennes ne joue pas si mal qu’on veut bien le dire ou le voir. Tout doucement, les joueurs intègrent la philosophie de Gourcuff. Dont ils adorent les séances d’entraînement, selon Giovanni Sio, meilleur buteur des siens : « Franchement, je ne suis pas déçu. On prend énormément de plaisir durant les séances et tous les exercices qu’il nous fait faire sont agréables. Ça fait très longtemps que je n’avais pas ressenti autant de joie pendant l’entraînement. Et c’est important, car ça permet d’être lucide lorsque la compétition arrive. »
Statistiquement, le bilan n’est pas mauvais : l’attaquant et ses camarades ont généralement la possession de balle (52% en moyenne, contre 48,7% sous Philippe Montanier et 50,3% sous Rolland Courbis, les prédécesseurs de Gourcuff), frappent onze fois par match et ont inscrit près de 80% de leurs buts sur une phase de jeu. Si l’impression donnée aux supporters n’est pas excellente, le Stade rennais progresse, donc. « Bien sûr qu’on progresse avec Christian Gourcuff. C’est quelqu’un qui comprend le football, personne ne peut lui enlever ça, estime Sio. Depuis le début de saison, son jeu et ses exigences tactiques nous conviennent. Tous les joueurs ont assimilé son message, tout le monde a compris le style qu’il souhaite voir. L’an dernier, on n’était pas aussi collectif. »
L’exemple des Merlus
Qu’en pense le principal intéressé ? « On a une évolution sur le plan de la cohésion tactique et de la cohésion tout court très nette, notamment depuis le mercato, a-t-il noté en conférence de presse après le 2-2 obtenu face à Nice mi-février. À partir du moment où on a une organisation qui est respectée, ça donne une autre cohérence. Maintenant, il faut la concrétiser en matière d’efficacité, investir la frustration dans l’investissement. » Difficile de le contredire. Alors non, Rennes ne fait pas (encore) rêver. Non, Rennes n’est pas (encore) devenu celui qu’on espérait. Mais c’est somme toute logique que la greffe n’ait pas totalement pris en l’espace de quelques mois. Une mue, ça prend du temps. Les Lorientais, que Gourcuff retrouve ce samedi soir, le savent pertinemment, eux qui l’ont apprécié de longues années (entre 1991 et 2001, puis entre 2003 et 2014) et qui le regrettent aujourd’hui.
Par Florian Cadu
Propos de Giovanni Sio recueillis par FC