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Pourquoi Chris Wilder est le coach à suivre cette saison
Dixième de Premier League après quatre journées, Sheffield United a vécu un retour dans l’élite plutôt positif et s’est même payé le luxe de choper un nul à Stamford Bridge (2-2) avant la trêve. À la tête des Blades, un monstre : Chris Wilder, 51 ans, dont Marcelo Bielsa avait noté la fraîcheur l’an passé, en Championship. Voilà pourquoi le bonhomme est l’entraîneur à ne pas lâcher des yeux cette saison.
Parce que c’est un novateur
Décembre 2018, jour de derby pour le Leeds United de Marcelo Bielsa, attendu de pied ferme par Sheffield United, à Bramall Lane. Pour l’Argentin, c’est aussi un après-midi de découverte, lui qui n’a rien manqué des copies rendues par son adversaire du jour, Chris Wilder. Et Bielsa semble excité. Voilà pourquoi : « Si j’étais assis avec des amis à la terrasse d’un café, je leur dirais que l’entraîneur de notre prochain adversaire, Chris Wilder, est une personne qui propose une innovation que j’avais rarement vue auparavant. En tant qu’entraîneurs, nous parvenons à nous améliorer en observant le travail de nos homologues. Et ce que nous voulons apprendre réside souvent dans ce qui est inhabituel. Personne n’observe les techniques habituelles pour apprendre, nous nous enrichissons grâce à la nouveauté. Je peux vous dire que les méthodes de notre prochain adversaire méritent d’être observées. » Peu importe le résultat final (une victoire 0-1 de Leeds, qui s’inclinera sur le même score au retour), quelque chose a attrapé le regard de Marcelo Bielsa.
Ce quelque chose, c’est ça : un 3-4-1-2, que Wilder utilisait déjà en League One deux saisons plus tôt, où la recherche de la supériorité numérique est permanente. Pour y parvenir, Chris Wilder a créé, en compagnie de son adjoint Alan Knill, une animation offensive où il est demandé aux défenseurs centraux excentrés de venir se positionner devant l’ailier, afin d’occuper le latéral adverse et d’aimanter le bloc adverse d’un côté, ce qui permet de densifier une zone pour en vider une autre. Un jamais-vu, expliqué dans ce schéma dessiné par le Telegraph il y a quelques semaines :
Sur le papier, cette stratégie fait naître une faille automatique : faire grimper un central aussi haut laisse alors vacant un espace monstre en cas de perte de balle. Pas de problème, Chris Wilder et son staff ont bossé là-dessus, et la saison dernière, les milieux Oliver Norwood et John Fleck compensaient parfaitement les montées des centraux excentrés (O’Connell et Basham). Preuve vidéo de l’effet positif d’une telle tactique, le premier but inscrit la saison dernière face à Derby County.
En Premier League, Sheffield United n’a pas changé et continue de développer une telle approche grâce à la couverture assurée par son trio de milieux (Lundstram-Norwood-Freeman). Résultat ? Cela a très bien marché contre Crystal Palace (1-0), un peu moins face au 3-4-3 de Bournemouth (1-1) lors de la première journée, mais Wilder confirme qu’il ne changera pas, Premier League ou pas.
Parce qu’il vit pour Sheffield United
Pour une première raison : quel que soit le championnat, le football moderne est avant tout devenu une affaire de gestion des espaces, et Chris Wilder l’a bien compris. Pour une seconde raison : le quinquagénaire tient depuis juillet 2016 le poste de ses rêves, lui qui a commencé sa carrière professionnelle chez les Blades à la fin des années 1980 après avoir été viré de Southampton, qu’il retrouve ce week-end. « C’est simplement le meilleur entraîneur de l’histoire du club » , estimait au moment de la remontée le buteur Billy Sharp, près de 180 matchs joués avec Sheffield United. Il faut entendre Wilder parler d’un club qui n’avait plus connu la Premier League depuis douze ans, le voir raconter son passé de ramasseur de balle à Bramall Lane, montrer le tatouage à l’effigie du club qu’il possède, et l’écouter évoquer Dave Bassett, ancien coach historique du club (1988-1995), qu’il considère comme « une influence centrale » . Simple, personne n’incarne mieux son club en Premier League que Chris Wilder et personne ne représente mieux le retour en force des entraîneurs anglais dans l’élite (huit, neuf si on invite Brendan Rodgers, qui est nord-irlandais, à la table).
Parce que c’est un type unique
Un « cinglé de foot » , pour commencer, selon Paul Mitchell, le responsable du recrutement des Blades, mais aussi l’architecte d’un football fait pour les travailleurs, un peu comme ce que Sean Dyche a mis en place à Burnley. Pour en arriver là, Chris Wilder a galéré, s’est mis dans le rouge, notamment à Halifax Town, où il est resté jusqu’à la liquidation du club en 2008, puis a chopé les projecteurs en emmenant Northampton Town du milieu de tableau de League Two jusqu’à un titre brillant au printemps 2016. Ce qu’il garde de ce parcours : « J’ai eu des bonnes expériences, des moins bonnes, mais je suis fier d’avoir réussi à m’en sortir. Désormais, je suis impatient de relever des nouveaux défis. C’est génial de se retourner, de lire des bouquins sur les saisons passées, mais tu ne peux pas rester immobile. Mon objectif n’a jamais été d’être en Premier League. Moi, je veux simplement bien faire mon travail et j’étais curieux de savoir où ça me mènerait. Une carrière, c’est comme une partie de Serpents et échelle. Parfois, tu descends pour remonter. Un entraîneur peut être à un penalty d’une montée et être viré quatre mois plus tard. Alors, je reste dans le présent. » Et le présent, c’est ce nouveau monde avec une étiquette d’entraîneur de l’année attrapé sous le nez de Pep Guardiola au printemps dernier. Et ça, Bielsa en a sûrement aussi parlé au café.
Par Maxime Brigand
Propos de Chris Wilder tirés du Telegraph, ceux de Billy Sharp issus de Sky Sports.