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Pourquoi adore-t-on quand un joueur de champ va aux buts ?
Samedi soir, Olivier Giroud est devenu gardien de but le temps d’une fin de match folle, après l’expulsion de Mike Maignan. Un joueur de champ qui enfile les gants, c’est toujours un moment excitant. Mais pourquoi donc ?
98e minute du match entre le Genoa et le Milan. Les Milanais tiennent ce succès 1-0 qui les propulse en tête de la Serie A. Dernière offensive génoise, Mike Maignan sort au-devant d’Ekuban et le percute. L’arbitre laisse jouer, mais après quelques secondes, la VAR intervient. Le genou de Maignan ayant terminé dans la gorge d’Ekuban, c’est un carton rouge pour le portier de l’équipe de France. Problème : Milan a déjà effectué ses cinq changements. C’est donc Olivier Giroud qui s’y colle et qui enfile le maillot vert et les gants de son coéquipier chez les Bleus. Le coup franc qui suit termine sur la barre, sans que Giroud n’ait pu le toucher. Mais le match est loin d’être terminé : à la 104e minute (!), Puscas se présente seul face à Giroud, qui bondit dans ses pieds, poing en avant, détourne le ballon et parvient à le capter au sol. Un geste salvateur, qui a permis à Milan de préserver son but d’avance, et qui a évidemment fait les gros titres de la presse italienne. Surfant sur la hype, le club milanais a déjà mis en vente sur son site officiel, pour quelques jours, un maillot de gardien vert floqué « Giroud ». Attendons-nous donc à voir cette liquette verte fleurir dans les travées de San Siro lors des prochaines semaines.
De Giroud à Papin, en passant par Alhadhur et Moti
Ce n’est évidemment pas la première fois qu’un joueur de champ se retrouve dans les buts après l’expulsion ou la blessure du gardien de but. En 1990, lors d’un quart de finale de Coupe d’Europe des clubs champions contre le Sredets Sofia, Jean-Pierre Papin avait terminé dans les buts de l’OM après la grave blessure de Gaëtan Huard. Pendant dix minutes, ovationné par le Vélodrome, JPP avait tranquillement gardé les cages, avec un maillot Adidas gris à manches jaunes, beaucoup trop grand pour lui mais devenu mythique.
🔹Le 21 mars 1990, alors que l'OM mène 3-1 face à Sofia en Coupe d'Europe, le gardien Gaëtan Huard se blesse gravement et plus de remplacement possible. Jean-Pierre Papin 🇫🇷 finira le match dans les cages sans encaisser le moindre but. #TeamOM pic.twitter.com/AurgHzRFEX
— Infos OM (@InfosOM_) March 21, 2023
Un autre exemple marquant était celui de Cosmin Moti, défenseur de Ludogorets, qui avait pris la place de son gardien exclu lors d’un barrage retour de Ligue des champions. Le score étant en parfait équilibre, Moti avait dû enfiler les gants pour la séance de tirs au but décisive. Avec un mental XXL, il s’était d’abord permis d’aller transformer le premier tir au but de son équipe, avant de stopper non pas un, mais deux tirs au but adverses, qualifiant son club pour la phase de poules de la C1. Fou. Alain Giresse, Mamadou Sakho, Dani Alvès, Ulrich Le Pen, John Terry, Rio Ferdinand, Kyle Walker et évidemment Chaker Alhadhur, qui avait fait un match entier de CAN dans les buts des Comores, font également partie de cette liste.
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Cour de récré, vaudeville et bouclier
Alors, pourquoi est-ce aussi kiffant de voir un joueur de champ aller dans les buts ? Il y a plusieurs raisons. La première est visuelle. Le maillot du gardien est souvent trop grand pour le joueur qui l’enfile, les gants aussi. C’est un peu ridicule, et en même temps terriblement excitant, car cela vient chambouler les codes. Voir un attaquant endosser la tenue du gardien de but est une rupture avec la norme, cela vient créer une situation inattendue et imprévisible. Touchante, presque. C’est toi, enfant, qui enfile les chaussures taille 45 de ton papa pour lui ressembler. Et c’est là que l’on en vient à la deuxième raison. Un joueur de champ dans les cages, c’est une ode à l’enfance. C’est le retour à une époque où, dans la cour de récré, au stade du coin, ou dans le jardin, personne n’avait véritablement de poste attitré. Même le meilleur joueur de l’équipe n’avait pas de passe-droit : lui aussi pouvait tout à coup se retrouver dans les bois, parfois 30 secondes après avoir dribblé toute l’équipe adverse.
Et tout le monde n’est pas Olivier Giroud : lorsqu’un joueur de champ endosse le rôle de gardien, il n’est pas rare de voir se succéder maladresses (cette terrible boulette de Harry Kane lors d’un match de Ligue Europa, après l’expulsion d’Hugo Lloris), des gestes inhabituels, des plongeons peu orthodoxes et des prises de balle hésitantes. La situation prend une tournure comique, on est dans un vaudeville. Car, oui, accepter d’enfiler les gants trop grands (et souvent très humides) d’un coéquipier requiert aussi une bonne dose d’humilité, voire d’autodérision. On sort de sa zone de confort, on accepte de prendre le risque de se planter à un poste qui n’est pas le nôtre, et qui requiert des aptitudes dont on ne connaît que la théorie, mais en rien la pratique. Comme pour le gardien qui vient marquer un but au bout du temps additionnel, il y a quelque chose d’héroïque et d’épique à se sacrifier pour son équipe. On est le chevalier qui dépose l’épée et s’arme d’un bouclier. Le temps d’une soirée pluvieuse à Gênes, Olivier Giroud s’est transformé en Achille, armé de son bouclier forgé par le dieu Héphaïstos. Gloire au héros.
Par Eric Maggiori