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Pour Neymar, le meilleur est à venir
Son match raté contre le Bayern ne doit pas masquer cette réalité : en portant le PSG jusqu’à sa première finale de Ligue des champions, Neymar est redevenu, à 28 ans et après deux saisons de galères, l’un des meilleurs joueurs de la planète. Si ce n'est le meilleur. Dans son plus bel âge, le prodige de Santos entame la période la plus décisive de sa carrière. Celle qui l’installera enfin, ou pas, dans le panthéon du football brésilien.
C’est un classique du 31 décembre. Avant de partir en soirée, Neymar se prend en photo sur la plage et offre à sa communauté virtuelle quelques caractères dressant le bilan de son année écoulée. C’est ainsi qu’il avait qualifié de « difficile » celle de 2018. Pour preuves: une blessure au métatarse le 25 février contre l’OM, une longue absence, une élimination des siens en 8es contre le Real Madrid et un échec en quarts avec le Brésil en Coupe du monde. La suivante fut pire encore: nouvelle blessure, nouvelle absence en phase finale de Ligue des champions ; défaite et petite gifle à un supporter rennais en finale de Coupe de France ; plainte pour viol (classée sans suite) ; forfait pour la Copa América à la maison ; échec d’un retour au Barça et sifflets du Parc des Princes. Une liste beaucoup trop longue pour garder sa place dans l’élite du football mondial, après plusieurs années d’une certaine constance – deux podiums et six top 10 au Ballon d’or –, qu’il choisissait de résumer en trois mots: « Année d’apprentissage ». Il faut croire qu’il disait vrai. En quelques mois, voire en quelques jours, le crack brésilien a réussi à retourner tout le monde: le public, la presse et les défenses adverses. Jusqu’à cette finale et ce crash sur le mur Neuer, au cours d’une soirée à côté de laquelle il est passé jusqu’au bout – 47 ballons perdus, quand même. Il n’empêche : en portant le PSG jusqu’à la première finale de C1 de son histoire, Neymar est redevenu l’un des meilleurs joueurs de football de la planète, en cette année pas comme les autres. Une fois séchées ses larmes, il devrait s’en contenter, après deux longues années de galères.
La presse l’a martelé pendant une dizaine de jours : ce Final 8 lisboète aurait présenté au monde le « nouveau Neymar ». L’espace d’un printemps confiné dans sa villa de Mangaratiba, à une centaine de kilomètres au sud de Rio, l’ancien gosse surdoué et trop gâté serait devenu adulte, altruiste, fédérateur. Une analyse que balaie d’un revers de main Tostão, ancien numéro 9 du Brésil 1970. « Je ne vois rien de nouveau chez Neymar,attaque-t-il depuis chez lui, à Belo Horizonte. C’est une grande erreur des médias de raconter qu’il n’était jusque-là pas assez focalisé sur le football. C’est un joueur brillant, toujours en forme, qui propose un football spectaculaire. À chaque fois que je le vois jouer avec le PSG, il est bon, et c’était déjà le cas avec Santos et le Barça. La seule différence avec les deux années précédentes, c’est qu’il ne s’est pas blessé au mauvais moment. » Pour l’ancien compère d’attaque de Pelé en Seleção, le prodige brésilien paierait les conséquences de sa super exposition sur les réseaux sociaux et de son comportement en dehors des terrains. « Ses déclarations, ses coupes de cheveux, son style de vie… Tout cela n’a pas affecté ses performances, mais son image dans la presse et auprès du public. Il donne cette fausse impression de ne pas bien se préparer, alors que tous ses entraîneurs et coéquipiers disent le contraire. Résultat : il engendre beaucoup d’antipathie. Plein de monde ne l’aime pas, y compris ici, au Brésil. »
Que Neymar se rassure toutefois: il n’est ni le premier ni le dernier des grands joueurs de l’histoire de ce sport à se faire des ennemis dans son propre camp. Lors de ses deux saisons en Catalogne, Diego Maradona brillait sur le terrain et travaillait dur pour revenir après ses blessures. Mais à chacune de ses absences, son goût pour la fête, les femmes et la camaraderie lui était reproché. Une tendance exacerbée aujourd’hui, alors que derrière nos écrans se révèle chaque jour un peu plus l’intimité des footballeurs. « Personnellement, ce côté électrique et insolent de Neymar me plaît,défend Jaime Rosales, réalisateur catalan primé à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes et fan – un peu désabusé – du FC Barcelone. Si un joueur est performant, on lui pardonne tout. S’il ne l’est plus, on regarde à la loupe s’il est sorti, s’il a pris du poids ou s’il ne court pas assez. Le problème ne sera jamais sa vie privée, mais son rendement sur le terrain. Tant que Neymar jouera comme il l’a fait jusqu’à cette finale de Ligue des champions, on se foutra de savoir s’il organise des grosses bringues tous les jours ou non. »
Un destin lié au Qatar
En enchaînant –enfin– les matchs qui font une saison –et une carrière–, Neymar a donc remis la lumière sur lui-même et son talent de joueur de foot. Interrogé avant la finale par une télé brésilienne sur la nouvelle maturité supposée de son ami et coéquipier, Marquinhos préférait botter en touche, expliquant sobrement que lui aussi avait, comme tout le monde, gagné en expérience avec les années. « C’est un gamin bien éduqué, très différent de l’image qu’il renvoie parfois, estime carrément son compatriote Valdo, ancien du PSG, lui aussi, et passé le voir à Lisbonne pendant ce Final 8.Ce n’était pas facile de quitter le Barça, où il évoluait dans un club et un championnat beaucoup plus médiatisés que Paris et la Ligue 1. » À en croire ceux qui le suivent depuis ses premiers coups de rein au centre de formation de Santos, l’Adulto Ney décrit par la presse entre le match contre l’Atalanta et celui face au Bayern ressemblerait en fait beaucoup au Menino Ney. Et tant mieux, d’ailleurs. « Il a toujours su gérer avec personnalité tous les espoirs placés très tôt en lui, sa responsabilité sur le terrain, son style de jeu provocateur. Il portait déjà l’équipe quand il était enfant et qu’il jouait avec des gamins plus âgés que lui, retrace Alexandre Barata, son ancien entraîneur de futsal chez les « Poissons » . Là, il est peut-être en train de trouver un équilibre, de faire le tri dans sa vie entre les bonnes et les mauvaises choses, mais il ne doit pas non plus perdre cette insouciance, ce côté enfantin qui le caractérise. Sinon, il deviendrait un joueur comme un autre. »
En disputant sa deuxième finale de Ligue des champions, cinq ans après celle remportée avec le Barça, Neymar a envoyé un début de réponse à tous les sceptiques sur sa venue en France. Dont fait encore partie Tostão. « Pour moi, ça reste une erreur dans sa carrière. Pas d’avoir rejoint le PSG, j’aurais pensé la même chose si ça avait été la Juve ou un autre club, mais d’avoir quitté le Barça, où il s’approchait du niveau de Messi, et donc de ce qui se fait de mieux. À mon avis, son père a eu trop d’influence dans cette décision. » L’argent du Qatar et l’envie d’écrire sa propre histoire l’ont fait quitter le cocon catalan, et malgré les doutes et les secousses, le temps est passé à un mollet de Neuer de lui donner raison. Il faudra faire encore mieux cette saison, pour installer pour de bon ce PSG version QSI au niveau des cadors européens, et pour engendrer de la confiance dans le chemin qui le mène vers ce même Qatar, le plus grand défi de la suite de sa carrière. Le seul, aussi, susceptible de l’élever au niveau de Ronaldinho, « O Fenômeno » Ronaldo et compagnie dans le cœur des Brésiliens. « Au-delà de cette défaite contre le Bayern, quand on regarde sa carrière, elle est objectivement victorieuse,juge Djalminha, l’ancien dribbleur fantasque du grand Deportivo La Corogne. Sauf qu’ici, quand on parle du meilleur joueur brésilien, on attend qu’il soit aussi le meilleur joueur du monde. Et pour que sa carrière soit complète, il doit aussi apporter un titre de champion du monde au Brésil. Notre pays a connu plein de joueurs exceptionnels qui n’ont pas été reconnus à leur juste valeur du fait de cette absence de titre mondial. »
C’est, à l’image de Messi en Argentine, le fardeau que porte Neymar, associé aux deux cuisants échecs en sélection (2014, 2018) et à une génération jusqu’à présent dominée par les puissances européennes. Mais si Ronaldinho reconnaissait avoir perdu une partie de sa motivation une fois acquis le Ballon d’or et la Coupe du monde, lui est peut-être à l’aube de ses plus belles années, alors que la décennie Messi-Ronaldo semble doucement toucher à sa fin. « Actuellement, Neymar est davantage reconnu en Europe qu’au Brésil. Mais 27-30 ans, c’est souvent la meilleure partie d’une carrière », annonce Valdo. Tout bénéf’ pour le PSG? Possible, à condition que le bonhomme ne file pas vers d’autres horizons avant la fin de son contrat. « Aujourd’hui, les joueurs n’agissent pas par amour pour un club, mais pour le plaisir ‘sexuel’: l’argent, sentence Jaime Rosales.Neymar n’échappe pas à ce système. C’est un joueur égoïste, qui œuvre pour lui-même. Son rendement rejaillit sur l’équipe, indiscutablement, c’est pour cela qu’il vaut ce qu’il vaut. »C’est-à-dire plusieurs centaines de millions d’euros, et l’espoir pour les Parisiens de soulever un jour la Ligue des champions.
Par Léo Ruiz / Tous propos recueillis par LR