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Postiga, exilé et mal-aimé
C'est un homme qui dérange. International bien malgré lui, recrue du FC Valence par défaut, Hélder Postiga ne tirera jamais la Une. Lui, le maillon pas si faible de sa sélection et beautiful loser assumé.
Ce dimanche, le FC Valence a senti la manita pointer le bout de son nez. Le premier acte n’a pas encore pris fin que Lionel Messi, en trois accélérations, claque autant de pions. Mestalla a déjà la gueule de bois. C’est alors qu’Hélder Postiga, avant-centre de son état, décide de ramener les siens. Deux mouvements et un temps additionnel plus tard, les Chés sont revenus à une unité du grand Barça. Une reprise acrobatique et un coup de casque de l’international portugais suffisent à insuffler un brin d’espoir dans les cœurs valenciens. En trois matchs sous ses nouvelles couleurs, Postiga en est déjà à son troisième caramel. Pas mal pour une recrue que tout un chacun jugeait loin des standards du partant et ex-capitaine Roberto Soldado. Trop peu technique, trop peu rapide, trop peu clinquant. Pourtant, en 78 matchs sur les différents stades espagnols, le trentenaire en est à son 27e but et s’est toujours imposé comme un titulaire en puissance. Même topo avec une Seleção dont il a déjà revêtu à 62 reprises la tunique pour 26 buts. Un ratio de 0,42 supérieur à celui de l’intouchable Cristiano (0,38). Hélder Postiga, ou l’histoire d’un mal-aimé.
Au bon endroit, au bon moment
Lorsqu’il débarque au FC Valence le 8 août dernier, Hélder Postiga est la recrue qui symbolise la dégringolade d’un club. Le départ de Roberto Soldado a définitivement tiré un trait sur l’époque de Mata, Villa, Silva, Jordi Alba and co. Pourtant, lui l’assure, « arriver dans un club de cette dimension me donne beaucoup d’espoir, je veux profiter au maximum et remettre Valence parmi les meilleurs. » Après deux saisons à Saragosse, descendu en Liga Adelante en juin dernier, le nouveau ne déchaîne pas les passions des supporters. Contre trois millions d’euros, Hélder est leur nouvelle pointe. Mais comment un attaquant si peu coté, auparavant membre des équipes qui le sont encore moins, peut prétendre succéder à leur Soldado ? La réponse est limpide : le bougre est un véritable poison pour les défenses de Liga. Comme nous le décrit Pape Diakhaté, aujourd’hui défenseur de Grenade, « c’est un joueur très intelligent dans ses déplacements, qui me fait penser à Pauleta car il ne rate pas grande chose face au but » . Lorsqu’on lui parle de joueur sous-estimé, il constate simplement « qu’être à Valence parle en sa faveur, un club comme ça ne se trompe que rarement dans son recrutement » . Soit. Le flop de l’ASSE lors de la saison 2005-2006 (trois buts en 16 apparitions) a sans doute enfin trouvé chaussure à son pied avec le Valence. Lors de sa précédente étape espagnole, à Saragosse, il surnageait tant bien que mal. Loin d’être servi sur un plateau, il a maintes fois fait valoir sa roublardise. À tel point que bon nombre de défenses adverses voyaient en lui l’homme à abattre.
Un héros normal
La vérité, c’est qu’Hélder Postiga est bon attaquant. Bien meilleur que le laisse penser sa réputation. Et si l’Espagne a encore quelques raisons d’être sceptique à son sujet, le Portugal devrait lui être reconnaissant. Car l’ancien de Porto a sauvé la Selecção à plusieurs reprises. En 2004 par exemple, il égalise face à l’Angleterre en quarts de finale. Un coup de casque égalisateur à dix-sept minutes du coup de sifflet final et une panenka surréaliste contribuent grandement à la qualification du Portugal au détriment de l’Angleterre de Gerrard, Lampard et Beckham. Joker de luxe sous Scolari et peu utilisé pendant l’ère Queiroz, Postiga quitte le banc pour s’installer en pointe avec l’arrivée de Paulo Bento. Résultat, depuis 2010, le meilleur buteur du Portugal n’est pas Cristiano Ronaldo, mais bien le type qui vient de claquer un doublé contre le Barça à Mestalla. Quand rien ne va, Postiga sort son costume et sauve son pays sur le fil. Soit. Il n’en demeure pas moins l’un des joueurs les moins populaires de son pays, où la déception prend place dans le cœur des supporters au moment où le sélectionneur révèle la nature d’un onze de départ où figure encore et toujours le mal-aimé. Mais qui mettre à sa place ? Hugo Almeida ? Est-ce seulement un footballeur ? Nélson Oliveira ? Il faut encore attendre.
Postiga aurait été pêcheur
Bref, le désamour du Portugal pour cet homme est un mystère. Un raté d’Hélder Postiga provoque l’ire de tout un peuple, comme si en réalité Ronaldo venait de se trouer à deux mètres des cages vides. C’est inexplicable. Sans doute est-ce une question de physique, de chimie, ou des deux. Peut-être que ce gars est trop normal, trop quelconque. C’est d’ailleurs écrit sur son visage. Mais il ne faut pas s’y tromper, être monsieur tout le monde lui convient parfaitement, au point de lui rendre service sur le terrain. Quelle chance pour un attaquant de pouvoir vivre dans l’anonymat, dans l’ombre de CR7 et Nani, de se faire oublier au point de pénalty et d’avoir tout le loisir de planter une banderille après avoir traversé un match comme un fantôme. Vu le nombre de sifflets auxquels il a dû faire face, Postiga aurait pu faire des dizaines de bras d’honneurs en direction du public. Mais non. Hélder est humble. Un peu trop pour la jungle dans laquelle il évolue. S’il n’avait pas été footballeur, Postiga aurait été pêcheur, comme tous les hommes de Caxinhas, son bled. À en croire ses dires, il aurait été très heureux ainsi. Et si le buteur portugais était en fait un Bisounours ? Un Bisounours qui plante.
Par William Pereira et Robin Delorme, à Madrid