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Posons-nous, et analysons ce nouveau maillot de la Juve
Depuis le début de la semaine, une image a fuité sur Internet : celle de Federico Bernardeschi avec un maillot qui semblerait être celui de la Juventus pour la saison 2019-2020. Problème : pas de rayures noires et blanches. La réalité ? Un fake ? Un coup de comm' d'Adidas ? On peut légitimement se poser quelques questions.
La première pierre avait été posée en janvier 2017. Ce mois-là, la Juventus dévoile un nouveau logo qui casse complètement avec sa tradition. Exit le logo ovale, avec les bandes verticales et le taureau cabré : la Vieille Dame se fait un lifting et présente un logo design, moderne, avec un J stylisé. Un choix qui divise d’emblée. Il y a ceux qui adorent, et ceux qui détestent. Ceux qui s’insurgent de la rupture avec les racines du club, et ceux qui se félicitent de l’audace d’un club qui sait évoluer avec son époque. Le débat a duré plusieurs mois, mais finalement (et même si certaines réticences persistent), les tifosi de la Juve ont fini par l’adopter. Pas sûr qu’ils en fassent de même avec ce qui pourrait être le nouveau maillot bianconero à compter de la saison prochaine. Ou plutôt, devrions-nous dire, le maillot « bianco-rosanero » , puisque celui-ci intègrerait une fine bande rose (couleur historique du club) au milieu.
Pas touche aux rayures
Les images ont donc fuité sur les sites italiens en début de semaine, après un premier leak (qui, pour le coup, avait vraiment l’air du fake) en octobre dernier. On y voit Federico Bernardeschi, mais aussi Paulo Dybala, endosser un maillot Adidas bicolore (blanc d’un côté, noir de l’autre) floqué du logo et du sponsor de la Juve. Et même tricolore, puisqu’un fin liseré rose sépare le blanc du noir. Les traditionnelles rayures ? Terminé. Ciao. Le club piémontais n’a, de son côté, rien confirmé : ni le fait qu’il s’agisse bien du maillot home (il pourrait aussi s’agir d’un maillot extérieur, ou third), ni qu’il s’agisse bien d’un maillot officiel, et non d’une simple campagne de pub, ou autre.
Mais les fans juventini n’ont pas attendu une quelconque officialisation pour se rebeller. Avec un mot d’ordre en guise de revendication : pas touche aux rayures. Elles sont historiques. Elles représentent la Juventus dans le monde depuis 1903. Petit cours d’histoire à ce sujet. À sa fondation en 1897, la Juventus choisit d’arborer un maillot rose, pour se distinguer des autres clubs de la ville (Internazionale Torino, FC Torinese, Ginnastica Torino). Mais en 1903, l’un des licenciés du club, l’Anglais John Savage, propose aux membres du club de troquer le rose contre un ensemble rouge à bords blancs, similaire à celui de Nottingham Forest. La légende raconte que le fournisseur en Angleterre s’est trompé, et qu’au lieu de renvoyer un jeu de maillots de Nottingham Forest, il a envoyé un lot de maillots de Notts County (le rival de Forest), blancs à rayures noires. D’abord surpris, les joueurs de la Juventus ont finalement adopté ce nouveau maillot. Et ont écrit leur histoire avec.
Amour des traditions, vraiment ?
Alors, que penser de ce potentiel nouveau maillot ? Et surtout, pourquoi ? Il est clair que d’un point de vue purement marketing, Adidas frappe fort.
Expert en marketing sportif, Marco Nazzari explique pourquoi sur le site de la Gazzetta dello Sport : « La Juventus est le seul club en Italie à avoir compris que pour rester compétitive, il faut devenir une société d’entertainement. On peut légèrement changer sa nature, si le marché le demande. » Le marché dont Nazzari parle, ce sont avant tout les marchés étrangers : en changeant d’apparence, la Juve espère aller conquérir de nouveaux marchés foot émergents. La Chine, l’Inde, les États-Unis… Autant de clientèles qui n’ont pas forcément d’attache particulière pour l’histoire du club, et qui représentent donc des millions d’acheteurs potentiels de cette nouvelle liquette.
Marco Nazzari compare aussi ce changement visuel à celui des franchises NBA. « Les franchises NBA changent de maillot régulièrement et personne ne s’en plaint. Avec le temps, la curiosité prendra le pas sur la méfiance. » Rappelons nous également que, si la Juve a toujours prôné son amour des traditions, elle est aussi un club qui a gentiment indiqué la sortie à des symboles comme Del Piero, Marchisio et Buffon quand elle a considéré que ces joueurs ne pouvaient plus rien lui apporter…
Or, pour le moment, ce choix d’abandonner les rayures fait jaser la majeure partie des tifosi. Qui ne comprennent pas que leur club renie ainsi son passé. « Une faute professionnelle de la part d’Adidas » , « ce maillot dégoûte » , « tellement moche » , « insultant envers l’histoire du club » peut-on lire ça et là sur Twitter. Faux, rétorqueront certainement le club et la firme aux trois bandes. En effet, si l’on s’en tient à un point de vue purement stylistique, les trois couleurs historiques de la Juve sont bien présentes sur ce nouveau maillot : le noir, le blanc, et le rose originel. Mais pas les rayures… Qui étaient pourtant présentes depuis 116 ans sur le maillot, mais aussi dans l’hymne du club : « Abbiamo il cuore a strisce. (Nous avons le cœur à rayures.) » / « Juve, storia di un grande amore, il bianco che abbraccia il nero. (Juve, histoire d’un grand amour, le blanc qui enlace le noir.) » Désormais, et si tout ceci est confirmé, le blanc n’enlacera plus le noir. Il lui fera coucou depuis l’autre côté d’une frontière rose.
Par Éric Maggiori