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Portugal : Kika Nazareth, le nouveau bijou de Jorge Mendes
Vivant sa première compétition internationale grâce au repêchage du Portugal à la suite de l’exclusion de la Russie, Francisca Nazareth est à 19 ans la « crack » de cette sélection. Il y a un peu plus d’un an, celle qui tient son toucher de balle soyeux de ses heures passées sur les parquets du futsal est aussi devenue la toute première joueuse à être représentée par le super-agent portugais Jorge Mendes.
Être une pionnière du football féminin à tout juste 18 ans, c’est peu banal. Le 22 mars 2021, Francisca Nazareth, attaquante du Benfica, est devenue la première joueuse féminine à passer sous le giron de Jorge Mendes, le super-agent portugais. Elle rejoint ainsi la « famille » Gestifute, et ses noms clinquants comme Cristiano Ronaldo, João Félix ou Bernardo Silva. Si le magnat du football mondial s’est penché sur le cas de la jeune que tout le Portugal surnomme Kika et a décidé d’en faire la figure de proue de son écurie débutante dans le foot féminin, ce n’est pas totalement dû au hasard. La virevoltante attaquante du Benfica, capable d’occuper tous les spots offensifs, est considérée au Portugal comme une « crack » : des débuts en pro à 16 piges, une première sélection chez les A à 17… Arrivée au sein de club lisboète à ses 15 ans, elle est même comparée à João Félix, notamment pour son toucher de balle magique. « Je suis humble et je n’aime pas me vanter, mais me comparer à João Félix ? Nous parlons de João Félix, répond un peu étonnée la numéro 18 des Águias dans une interview accordée au journal O Benfica. C’est une comparaison… qui met une certaine pression et des attentes. Bien sûr, j’en suis très flattée, mais seul l’avenir peut montrer quel niveau je peux atteindre. »
« C’était tout le temps elle qui était la meilleure »
Pourtant, du côté de ses amis, on a peu de doute sur les sommets que peut atteindre celle qu’ils appellent « Cisca » , comme sa famille. « Dès le premier entraînement, elle faisait des choses magiques, qu’il nous était très compliqué de réaliser », se rappelle pour Canal 11 l’un de ses quatre amis avec qui elle a commencé le futsal à Os Torpedos, après avoir longtemps confisqué le ballon à ses camarades dans la cour de récré. Son entraîneur de l’époque, l’un des profs de sport de son école de quartier à Lisbonne, se souvient avoir décelé « quelque chose de différent » dès ses premières prises de balle. Sa maman, qui a vu sa fille passer des heures à jouer avec un ballon faisant quasiment sa taille sur les plages portugaises, est peu surprise : « Tout cela était naturel pour elle. » Les quatre amis avec qui elle fait la misère à bon nombre d’équipes sur les parquets portugais se souviennent n’avoir jamais traité Kika différemment de par son sexe, mais de par son talent : « À l’entraînement, ça nous agaçait qu’à chaque fois qu’elle tentait un un-contre-deux, elle passe. À l’école, dans tous les types de sport, c’était tout le temps elle qui était la meilleure. » Et à chaque tournoi, le prix de meilleur joueur est pour elle, obligeant presque le futsal à penser à une féminisation de ses trophées. Ses gestes techniques, son contrôle de balle, sa virtuosité et sa rapidité, l’attaquante les doit à ses heures passées sur le terrain en bitume derrière l’école, où de nombreux voisins viennent finalement observer les matchs de la numéro 9 en violet.
Lorsque Kika a 14 ans, l’entraîneur qui l’a suivie toute son enfance la met face à la réalité des adultes : celle qui exige la fin des équipes mixtes à partir de l’adolescence. Exit les numéros de dribbles avec les copains, Kika Nazareth doit désormais évoluer en équipe féminine, si possible sur rectangle vert selon les conseils de son coach. En 2016, elle rejoint donc brièvement le Futebol Benfica, puis Casa Pia, où elle apprend suffisamment vite les bases du football à 11 pour être repérée par le vrai Benfica deux ans plus tard. À tout juste 16 ans, elle réalise donc déjà son rêve, elle la gamine qui a passé des heures chaque week-end dans les travées de l’Estádio da Luz en compagnie de sa sœur et son père. Pour ses débuts en pro, elle marque son premier but dès son premier match, avant d’inscrire un triplé contre A-dos-Francos lors d’une large victoire 14-0. Alternant encore entre équipes jeune et professionnelle, elle finit par signer un contrat pro à 18 ans et rejoint dans la foulée la sélection portugaise, après avoir impressionné son monde chez les U17 et les U19. Le sélectionneur Francisco Neto l’emmène avec 22 autres joueuses à l’Algarve Cup, où Francisca en profite pour taper la balle avec ses idoles. Faisant partie d’une génération féminine qui a bénéficié des récents progrès du football féminin, elle ne nomme que brièvement João Félix, Ronaldo ou Ricardinho lorsqu’on lui demande qui sont ses idoles, avant de préférer des femmes.
« Elle avait l’habitude de dire qu’elle allait devenir présidente »
« J’aime prendre certains points ou caractéristiques de différentes joueuses. Par exemple, Darlene est Darlene, mais je prendrais aussi des choses d’Andreia Faria, Pauleta, énumère-t-elle à Record, alors qu’elle avait dit à la FIFA qu’elle aimerait aussi avoir l’intelligence de Marta, la taille de Renard et l’agilité et la puissance de Selma Bacha. Je ne dis pas que je suis un peu de tout cela, bien sûr, mais certaines personnes disent que je pourrais devenir une athlète complète. Heureusement, je me trouve dans un environnement privilégié au sein du club, entourée de seniors de grande qualité avec lesquelles j’ai vraiment envie d’apprendre et de grandir. » Aux côtés de la véritable star de la Seleção, Jéssica Silva, Kika Nazareth progresse vite et culmine déjà à 14 buts et 6 passes décisives en 22 matchs dans une saison écourtée par les blessures. De retour sur les terrains pour l’ultime match de la saison, elle mène les célébrations de son deuxième titre en championnat, se saisissant du micro pour lancer les chants de supporters. À la demi-surprise générale de ses proches, qui ont toujours connu une fille travailleuse et déterminée, mais rarement extravagante, ou alors seulement dans le cadre très privé. « C’est une fille brillante et irrévérencieuse, détaille sa mère. Enfant, elle avait l’habitude de dire qu’elle allait devenir présidente. Nous ne savions pas exactement ce qu’elle projetait, mais la vérité, c’est que lorsqu’elle jouait toute seule, elle avait son propre pays, sa propre langue et même un hymne… »
Entonnant aujourd’hui fièrement ceux du Benfica et du Portugal à tout juste 20 ans, elle reconnaît pourtant sans crainte qu’elle découvre encore sa propre discipline. « Je pense qu’au Portugal, nous n’avions jamais pensé à participer à un Euro. En 2017, j’avais 15 ans et je dois être honnête, je ne l’ai pas regardé, confie-t-elle au site de l’UEFA. À ce moment-là, je ne connaissais pas grand-chose au football féminin. » Lorsqu’elle arrive au Benfica, elle avoue ne connaître qu’un nom, celui de Matilde Fidalgo, « parce qu’elle était la plus engagée ». Tentant elle-même de se faire le sien sur les terrains anglais et portugais, l’attaquante d’un mètre 68 n’hésite pas elle non plus à donner de la voix pour défendre ce sport qui la fait vivre au quotidien. « Nous savons que nous sommes des exemples pour les petites filles et c’est une fierté. Je suis d’une génération de transition, aujourd’hui nous sommes certes payées pour jouer au foot, mais nous devons poursuivre cette évolution. Je suis convaincue que si on implique les clubs, et pas seulement ceux qui ont des sections masculines, les sponsors et la FIFA, les petites filles pourront rêver de jouer au foot, comme le font déjà les garçons. » Le tout sans oublier qu’elle est avant tout une joueuse de foot, qui souhaite « être la meilleure » et « s’entourer des meilleurs » pour emmener dans ses progrès tout le football portugais.
Par Anna Carreau