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Portrait robot du footballeur du dimanche

Par Swann Borsellino
7 minutes
Portrait robot du footballeur du dimanche

Le quadra en pleine forme, le mec qui « aurait du devenir pro », l’amoureux du fluo qui a tout le matos et le casseur sont autant d’acteurs qui font du dimanche des footballeurs amateurs des journées palpitantes. Ça valait bien une revue d’effectif.

L’ancien super fort

Dans un stade ouvert à tous où la densité moyenne est d’un ballon pour cinquante joueurs affamés, le seul mec qui se pointe super sereinement avec sa gonfle entre les mains est forcément un type qui en a vu d’autres. Un homme avec de la bouteille qui porte le poids des années en bandoulière comme si ça ne pesait que quelques grammes. Gentleman, cet homme ne s’impose jamais. Il est même possible que lors de ses premières fois au stade, il se soit contenté de quelques tours de terrain et d’une série de jongles pour ne pas vous importuner en pleine partie. Puis un jour, un joueur était fatigué et vous avez proposé à « l’homme au ballon » de le remplacer. C’était il y a quelques années et depuis, il n’est jamais sorti de l’équipe. Il connaît tout le monde, serre des mains respectueusement et rentre chez lui comme avec le goût du devoir accompli. Le dimanche après-midi au terrain, c’est son petit bol d’air à lui, qui court à belles enjambées vers la cinquantaine. Sa dégaine ? Un T-shirt uni, un jogging autour duquel est noué un sweat-shirt en hiver, des chaussures noires – type Copa Mundial ou Puma King – et des chaussettes noires. Son poste ? Défenseur central. Son niveau ? Impressionnant. Pas une passe loupée, de la sérénité à revendre et surtout, jamais un mot plus haut que l’autre alors que le niveau de décibels sur la pelouse frôle celui d’un aéroport. L’ancien qui vient au terrain, c’est celui dont on se dit tous : « Putain, j’espère qu’à son âge, je serai comme lui. » Commencez déjà par acheter un ballon.

Le « cousin » d’un pro

Ce maillot de Toulouse, frappé du sponsor « IDEC » la dernière fois que vous l’aviez vu, c’était sur les épaules de Fodé Mansaré. Comment s’est-il retrouvé sur votre terrain dominical ? La réponse vous saute à la gueule alors que le jeune homme qui le porte vous montre son dos : le maillot est bien floqué « Mansaré » qui se trouve être « son cousin » . Un cousin aussi éloigné que Thomas Pesquet l’est actuellement de la planète Terre, mais un cousin quand même. Seul problème, si Fodé savait que son cousin portait son maillot pour faire ce qu’il est en train de faire, il mangerait ses tresses.

Le mec qui a failli percer

Un maillot de Caen avec un numéro, mais pas de nom. Un maillot frappé du « CA » du Crédit Agricole ou du « PMU » de ceux qui ont passé un tour en Coupe de France. Un haut de survêtement du Havre que personne ne peut acheter dans une boutique. Mais surtout une histoire. Celle d’un genou démoli et d’une vie brisée, celle d’un mec qui a préféré les filles et l’alcool aux millions, celle d’un mec qui « ne regrette rien » , mais qui au lieu de fouler les pelouses professionnelles est en train, en ce moment même, de courir vers la barre transversale pour ne pas aller au but. Le mec qui a failli devenir pro, vous avez tous joué avec lui. Le pire, c’est que généralement, en effet, il est plutôt bon. Il joue le menton levé et le buste droit, qu’il ait été défenseur central, gardien, attaquant ou remplaçant dans le centre de formation dont il aime bien vous raconter l’histoire. Mais le mieux, ça reste encore la pause boisson. En marche vers le robinet, il vous parle avec nostalgie de ceux dont il a partagé la chambre qui disputent en ce moment les meilleurs matchs de leur vie. « Tu vois machin ? Bah à l’entraînement, je l’explosais. Ça fait bizarre de le voir là aujourd’hui. » Ça en était trop pour votre pote boute-en-train qui fait exprès de lui éclabousser la gueule au robinet.

Le mec ultra-équipé

Le problème avec le foot du dimanche, c’est que parfois, on a mal à la gueule. Et alors même que vous vous battez mentalement pour forcer votre corps meurtri par l’alcool à pratiquer votre activité physique préférée, un type s’impose à vos yeux comme un soleil qui vous brûle la rétine à vif. Ce salopard, c’est le type qui a décidé que le Stabilo n’était pas un surligneur, mais un mode de vie. Aux pieds, il a des Nike jaunes bien voyantes et des chaussettes que vous ne verrez pas pour la bonne et simple raison que cette fashion victim du ballon rond ne s’abaissera jamais à mettre un short. Son truc à lui, c’est le jogging bien moulant d’un club, avec le haut de survêt’ qui va bien. S’il fait froid, il a un cache-cou et des gants, également de marque. Et si c’est bien vous qui êtes bourré de la veille, c’est lui qui fait des gestes qu’il ne maîtrise pas, comme l’extérieur du pied, le coup franc « posture Ronaldo » et bien d’autres encore. Ce type-là, il y en a au moins un par terrain, et à vrai dire, heureusement, parce que ça soulage toujours de lui mettre une bonne balayette qu’il aura cherchée en faisant des dribbles inutiles sous votre nez. Ce type ne vote pas Fillon, pourtant il est sûr qu’il y a un complot contre lui sur le terrain. La prochaine fois, dites-lui la vérité : c’est juste un délit de sale gueule.

Le gros technique

Lui a le droit de le porter, le jogging. De toute façon, vu les colonnes Morris qui lui servent de mollet, vous voyez mal comment ce beau bébé pourrait enfiler des chaussettes de foot. D’ailleurs, vous ne savez pas comment il fait pour courir. La vérité est simple : il ne court pas. De toute façon, il n’a pas besoin. Oui, « Bibendum » , ça fait nom de footballeur hollandais un peu classe, mais c’est plutôt ce à quoi il ressemble. Mais le dieu du ballon rond n’étant pas un salaud, il lui a donné des mains à la place des pieds. Ouvertures au millimètre près, contrôles colle glue, protection de balle parfaite et mains de maçon au cas où les choses tournent au vinaigre. Ce mec balèze, il vaut mieux l’avoir dans son équipe. Et tant pis s’il faut courir deux fois plus pour lui. Il vous le rendra à sa manière, mais il vous le rendra quand même.

Le mec qui ne paye pas de mine

« Lui, c’est sûr, je me le fais. » Avec son corps dessiné par Giacometti et sa gueule de mec gentil, votre adversaire du jour vous a donné envie de l’ouvrir. Vous n’auriez pas dû. Premier duel, vous auriez bien laissé traîner le pied, mais vous avez trois secondes de retard et le bougre est déjà reparti. Deuxième duel, petit pont entre vos jambes. Troisième duel, vous vous le faites une bonne fois pour toutes, mais là où vous vous attendez à l’embrouille, le mec se relève et vous dit : « Il n’y a pas de souci, c’est le foot mec ! » Agaçant au possible, mais tout aussi respectable, voici le mec super sympa qui a l’air nul, mais qui est super fort. Il vient généralement avec des potes qui ont un short de rugby et des pieds aussi carrés que leurs épaules, mais lui, c’est un phénomène. Généralement, vous oserez un « n’hésite pas à revenir la semaine prochaine hein, nous on est toujours là de toute façon » et vous gagnerez parfois un copain. La beauté du foot du dimanche, en somme.

Le casseur

Il y a des signes qui ne trompent pas. Le short est remonté bien trop haut au niveau des cuisses, les mâchoires sont serrées, les poings aussi et il est le seul mec sur tout le terrain à porter des protège-tibias sous ses longues chaussettes. Malin, le casseur sait qu’il n’y a pas d’arbitre et surtout, il est généralement entouré de potes nerveux. Très petits, mais très nerveux puisqu’un casseur sachant casser ne casse jamais sans ses chiens. Des mecs capables d’amener une mère dans une conversation cordiale sur la pluie et le beau temps. Nul au possible, le casseur n’a ni pied droit ni pied gauche, il a juste des pieds. Ses passes sont tellement hasardeuses qu’elles auraient leur place dans un casino de Macau, mais de toute façon, il n’est pas venu pour ça. Canadien dans l’âme, il vient pour casser du petit bois, si possible quand vous êtes en train de garder la balle le long d’une ligne de touche. Estimez-vous heureux, vous n’êtes pas en five, il n’y a pas les murs…

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