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Portrait d’Ibrahima Koné, le « Lukaku malien »

Par Adel Bentaha
5 minutes
Portrait d’Ibrahima Koné, le « Lukaku malien »

À 22 ans, Ibrahima Koné s’est mué en arme fatale, au sein d’une équipe du Mali revancharde. Une progression fulgurante pour l’attaquant des Aigles, actuellement deuxième meilleur buteur de la CAN avec trois réalisations. Pourtant, avant de briller sur la scène continentale, « Bouraba » a dû faire ses classes loin, très loin : en Norvège.

En trompant Babacar Diop face à la Mauritanie (2-0) lors de la dernière journée du groupe F, Ibrahima Koné est parvenu à inscrire son troisième but lors de cette Coupe d’Afrique des nations 2022. Tous sur penalty. Un exercice de prime abord facile, qui démontre en réalité la réussite pleine et entière du gamin de 22 ans, devenu incontournable pour sa sélection. Déjà auteur de huit pions en autant de capes, l’enfant de Bolibana est en effet venu compléter la solide armada malienne, enfin prête à marquer sa génération.

Combiné nordique

C’est au Club olympique de Bamako que l’escapade Koné débute. « Je devais aller aux entraînements en cachette, racontait-il à Spornewsafrica. J’ai fait toutes les équipes de jeunes sans que mes parents ne sachent quoi que ce soit. Ils privilégiaient à tout prix les études, et j’avais vraiment peur de leur réaction. » Formé et lancé dans le grand bain chez lui, en 2015, celui que l’on surnomme alors « Bouraba » ne va pourtant pas s’y attarder. « Il a fallu que je dispute mes premières minutes en professionnel pour que ma famille reconnaisse mon nom à la radio puis dans les journaux, poursuit l’intéressé. Quand ils ont appris que je jouais au football, j’étais tétanisé. Mais à ma grande surprise, tout le monde m’a félicité, surtout mon père. Il est décédé en 2017, et aujourd’hui, je joue en partie pour lui. » Le temps ainsi de terminer comeilleur buteur de la D1 (9 réalisations) en 2016, voilà qu’Ibrahima attire les convoitises d’agents européens, en quête de leur perle bamakoise. Parmi les écuries intéressées, le Sporting Braga jette son dévolu sur l’attaquant et l’invite dans sa Cidade Deportiva pour plusieurs jours d’essai. À Dume, le natif de Bamako va alors s’épanouir et confirmer les attentes placées en lui. Rapide, technique et excellent finisseur, tout semble ficelé afin de le voir débarquer dans le Minho. Problème : ses lacunes physiques apparentes.

Malgré une grande taille (1,90 mètre), Ibrahima Koné pâtit en effet d’un manque de puissance. Un argument léger, mais omniprésent dans le football moderne, qui vient mettre un terme à sa belle aventure portugaise. De retour au Mali, l’avant-centre ne va en réalité mettre qu’une année à se relever de ce demi-échec. Et en 2018, à 19 ans, c’est finalement la Norvège et le FK Haugesund qui raflent la mise. Titulaire à son arrivée dans la formatrice Eliteserien, Koné peine pourtant à convaincre. Peu en verve, ses statistiques sont faméliques : deux buts en 2018, huit en 2019 et encore deux en 2020. Rien de vraiment étonnant au vu de son âge, mais suffisamment pour voir ses dirigeants s’impatienter. Loué pour ses qualités de placement et sa maîtrise balle au pied, Ibrahima finit malheureusement par perdre la confiance de son coach, Jostein Grindhaug. En quête de rebond, direction donc la Turquie et l’Adana Demirspor au mois de janvier 2020. Avant d’accueillir Balotelli, Stambouli, Belhanda ou Inler, les Mavi Şimşekler évoluent alors en D2 et, à défaut de trouver le chemin des filets (aucun but en cinq apparitions), le Malien trouve une terre idéale pour s’endurcir.

Le Lukaku malien

De retour au pays des Vikings après six mois sur les bords du Seyhan et gagnant près de dix kilos de muscles (80 kg), Ibrahima Koné est métamorphosé. Car si à Haugesund, ses chances sont compromises, Sarpsborg 08, fort de sa fibre africaine, flaire l’opportunité et récupère le gaillard à l’aube de l’année 2021. Une aubaine pour celui qui prend enfin conscience de son talent : « Il m’a fallu du temps pour appréhender le football norvégien, mais j’ai finalement su l’assimiler, confiait-il en conférence de presse. Les courses, l’intensité physique, c’est ce que j’ai eu du mal à apprendre. Aujourd’hui, physiquement, je suis devenu un autre joueur. » Un bilan solide de onze buts dès ses débuts, auréolé d’un quadruplé face à Sandefjord (victoire 5-0), qui lui fait définitivement gagner le surnom de Malisk Lukaku : le Lukaku malien.

Véritable attaquant de pivot et gaucher exclusif, Koné ne peut échapper aux comparaisons avec l’international belge. Mais à la différence de « Big Rom » , Ibrahima Koné aura tardé à émerger en sélection. La faute à ce parcours sinueux et à un certain manque de visibilité. Convoqué au sein de toutes les catégories et membre de la brillante équipe quart-de-finaliste en Coupe du monde U20 à l’été 2019, l’avant-centre a, là également, longtemps peiné à se mettre en évidence, ne marquant que deux fois en deux ans. Conscient du potentiel, le sage sélectionneur Mohamed Magassouba supervise malgré tout son protégé. Une réflexion louable puisque le sélectionneur finit d’être convaincu par les prestations majuscules du Malisk Lukaku au sein de l’élite norvégienne. La suite, ce seront donc ces huit buts en huit apparitions, dont un triplé et une passe décisive en une mi-temps contre le Kenya lors de sa première sortie, le 7 octobre dernier (succès 5-0). L’élément manquant au Mali semble avoir été trouvé.

Le complément idéal de Diadie Samassékou, Amadou Haidara et Mohamed Camara, prêt à « relever le défi des deux mains » tel qu’il aime le dire. Il faut dire qu’en attaque, les Aigles ne se sont pas vraiment affirmés ces dernières années. Autrefois dépendant de Moussa Marega, aujourd’hui en pause dans sa carrière internationale, puis du seul (et jeune) El Bilal Touré, le contingent malien peut enfin profiter de cet ultime point de fixation. « Depuis longtemps, il manquait au Mali un attaquant de ce calibre, un tueur, un finisseur. Avec lui, l’espoir est permis », narrait ainsi Magassouba au micro de RFI. Et ces espérances peuvent être nombreuses. Collectives d’abord, en allant chercher une médaille dans cette CAN de tous les possibles, récompense ultime d’une génération aussi douée qu’attachante. Pour cela, il faudra se défaire de la coriace Guinée équatoriale en huitièmes. Individuelles ensuite, en tentant l’aventure dans un championnat d’envergure. Une ligue à même d’accueillir les larges épaules de « Bouraba » : la Ligue 1 peut-être ?

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